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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Les derniers travaux sur Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0080
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GAZETTE DES BEATJX-AKTS

but didactique, tantôt dans une intention railleuse, Durer nous montre l’intérieur
d’une citerne avec deux ouvriers, des artistes dessinant, un maître d’école, un
médecin examinant un flacon d’urine, la boutique d’un changeur, des chasseurs
avec leur meute, des musiciens de village ou les formidables figures du Tambour
et du Fifre, et, dans un surtout de table, tout un monde de lansquenets, de
Turcs, de paysans, etc. Le monde guerrier occupe aussi une grande place dans
son œuvre : soldats vêtus à l’antique (Passion, Samson et les Philistins); cavaliers
turcs; surtout le lansquenet allemand (les Trois lansquenets de 1489, cinq autres
avec un cavalier turc en 149G, le Porte-Drapeau; les divers Saint Georges, le
Chevalier de 1513, et les batailles du Livre d’Hcures. Quant aux paysans, nul ne les
a rendus avec tant de force, de vérité et d’humour. Les Trois paysans de 1503, la
Danse de 1513, les Paysans au marché de 1519, sont des chefs-d’œuvre incom-
parables d’observation sagace et de fantaisie intense, que Breughel ne dépas-
sera pas.

L’artiste allemand s’emporte volontiers au delà du réel. Le fantastique de
Durer s’alimente à deux sources : le monde germanique des êtres fabuleux;
l’antique, vu à travers Mantegna, Barbari et l’humanisme. Ces deux courants,
isolés d’abord dans VApocalypse et les dessins d’après Mantegna, se réconcilient
et se fondent en un tout harmonieux dans le Livre d’Heures.

Mantegna, artiste passionné, créateur d’un style aux formes arrêtées et puis-
santes, initie Dürer à l’antiquité. Barbari lui fournit des motifs d'une poésie sin-
gulière et savoureuse, que Dürer refrappe et resserre avec une vigueur incroyable.
A tout ce qu’il emprunte à l’antiquité ou aux Italiens Durer ajoute un accent
âpre et terrible, l’amour du détail singulier et pittoresque, le nerf d’une exécu-
tion fouillée; qu’il s’agisse de sujets inspirés par l’humanisme comme Y Enlèvement
d’Amymone ou le Grand Hercule, de personnifications comme la Luxure, la Justice
ou la Mélancolie, d'actions allégoriques comme la Calomnie, la roue de Fortune,
de thèmes didactiques comme David et Bethsabée, Aristote et Phyllis, etc., Durer
transforme et germanise les formules antiques en les rapprochant du genre.

Par sa naïveté, la drôlerie de ses gestes, et son innocent abandon qui laisse
parler en tout la nature, l’enfant est un personnage humoristique. Ainsi l’avait
vu Donatello, qui, reprenant le putto antique, chercha moins la grâce que la
vigueur comique ei naïve. Dürer, qui d’abord,, acceptant la tradition, avait repré-
senté l’ange comme un bel adolescent, à la physionomie virginale, reçut de Man-
tegna ce type robuste et râblé. Tel est l’enfant qui se sauve dans la Mort d’Orphée
et dans le Grand Hercule, tels les anges qui, dans le tableau de Dresde, veillent
sur le sommeil de l’Enfant Jésus et font le ménage de saint Joseph. Pour Y Apo-
calypse, Dürer crée la figure formidable des anges justiciers, jeunes hommes
maigres et nerveux, aux traits accentués et sévères. Les petits anges joufflus et
candides reparaissent dans la Nativité de l’autel Paumgârtner ou bien emportent
aux cieux la Madeleine. Les plus exquis à cette date sont les bambins qui sou-
tiennent un écusson et ceux qui accompagnent une sorcière en deux gravures
de 1505. Dans la Vie de la Vierge, plus familiers encore et plus naïfs, ils s’ébat-
tent autour du charpentier et ramassent les copeaux que sa hache a détachés,
tandis que leurs grands frères, gracieux, tendres et recueillis comme des vierges,
entourent le berceau de l’Enfant-Dieu. En 1506, Dürer adopte pour la première
fois l’ange musicien de Bellini, qui reparaîtra par intervalles. Puis, la bonhomie
 
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