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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 39.1908

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Nr. 1
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Bénédite, Léonce: J.-J. Henner, 5: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24866#0044
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J.-J. HENNER

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ou jaunâtres aux murs. Tout est sévère ; on dirait que c’est la Nature
qui a construit ces cités. » Aussi, en quittant les villes romaines
de la vallée du Rhône, dont il sent si intelligemment l’austère beauté,
est-il un peu déçu par les premières villes italiennes où il s’arrête,
même Florence. Son esprit, avide de lumière, nourri d’antiquité,
car il est intéressant de constater à quel point il s’en est déjà forte-
ment pénétré, ne les trouve pas assez méridionales à son gré.

Ce petit préambule est comme l’initiation nécessaire. Aussi
Rome le conquiert-elle d’emblée et lui restera-t-il fidèle.

Il s’installe dans la Villa comme un héros de contes de fées
qu’un charme magique a conduit dans un palais enchanté. Ce n’est
pas pour lui, certes, que la Villa est un lieu d’exil, une prison,
bien qu’aux grilles dorées. Tout lui parait merveilleux et il ne
sait comment exprimer son contentement profond et continu, son
inlassable ravissement.

Il éprouve une satisfaction mêlée de fierté à dépeindre son
bonheur à son maître. Il lui analyse avec minutie et naïveté toutes
ces jouissances nouvelles dont son cœur reconnaissant semble vou-
loir lui attribuer une part. Il lui décrit sa chambre, tellement grande
qu’elle peut lui servir d’atelier, car elle a au moins trente pieds de
haut et il déploie une certaine emphase pour parler de ce palais
dont il a l’orgueil d’être l’hôte : « Les Italiens du moyen âge et de
la Renaissance ne construisaient pas, comme dans le Nord, des
maisons sombres et étroites. Ici tout est grand et large. Vous savez
que la Villa Médicis où nous habitons était le palais de cette illustre
famille à laquelle appartenait la Vénus de ce nom et une masse
d’autres chefs-d’œuvre qui étaient placés ici dans notre jardin. Le
palais est superbe d’élégance et de goût, il y a un parc charmant y
attenant, on se dirait au mois de juin tellement la verdure est belle;
il y a des jets d’eau, des statues dans le jardin; d’autres parties (car
il est très grand) sont touffues comme des bois. On ne peut rien se
figurer de plus beau. »

Son atelier, à ce moment, donne sur la terrasse du Bosco avec
vue sur la villa Rorghèse. Deux ans plus tard, il déménage pour
prendre un atelier situé dans le jardin où il sera « comme un petit
seigneur, au milieu des lauriers et des roses, sans parler des pins
dont les troncs sont enfouis dans la vigne sauvage. »

Il éprouve, pour la première fois de sa vie, une sensation de bien-
être tout à fait inconnue. Qu’on se figure, en effet, l’état moral de
cejeune paysan élevé dans un pauvre petit village d’Alsace, déve-
 
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