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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 4.1910

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Nr. 2
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Koechlin, Raymond: La Chine en France au XVIIIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24874#0106
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

Carlin au Louvre ou la commode célèbre de Guignard du ministère
des Finances? L’aspect général est bon, d’ordinaire; toutefois, à
entrer dans le détail, on saisit des mollesses de style difficilement
attribuables à des Chinois ou à des Japonais et dont seuls des
copistes, indiens d’ailleurs aussi bien qu’européens, pouvaient être
coupables. Si nous nous y trompons, le xviu° siècle devait être séduit
plus aisément encore, et ce n’est pas sans cloute faire un mince éloge
de ces imitateurs que d’avouer notre indécision.

Mais la verve des artistes était trop excitée en ces temps de
facile production pour qu’ils se contentassent de copier fidèlement
des modèles si fort à la mode; ils firent donc mieux : ils s’en inspi-
rèrent, et les ouvrages « à la chinoise » apparurent, voisinant avec
ceux de la Chine et partageant avec eux la faveur du public. La façon
la plus simple assurément de composer un objet à la chinoise con-
sistait à introduire un Chinois dans le décor traditionnel des ateliers
français, et l'on n’y manqua pas. L’entreprise était quelque peu
hasardée; des artistes de goût médiocre s’y fussent perdus et ils
auraient créé des monstres ridicules ; l’ingéniosité de nos décorateurs
les sauva, et les Chinois nouveaux venus firent aussi bonne figure au
milieu de nos rinceaux, voire de nos guirlandes à l’antique, que les
espagnolettes de bronze de la Régence parmi leurs lambrequins. Les
bronziers surtout excellèrent à leur faire place dans le décor : qu’on
examine au Pavillon de Marsan les chenets de Mmc Potter-Palmer,
où deux Chinois musiciens semblent s’élancer des rinceaux et des
fleurs qui les enserrent; ceux de M. Lehmann aussi, aux armes de
M",e de Pompadour (reproduits en tête de cet article), où, parmi les
plus classiques vases et entablements, deux magots plongés dans
les livres et les sphères, sérieux, étudient les sciences, et l’on aura
quelque idée de l’esprit de leurs arrangements. Certains cartels,
comme celui de M,1,e Marquet de Yasselot, semblent plus audacieux
encore, car les Chinois y voisinent avec les Européens et l’on ne
s’étonne même pas, tant la composition est spirituelle, de voir un
poussah en pendant à la plus aimables des nymphes.

Les peintres, cependant, allaient plus loin, et, renonçant an décor
français, ils s’amusèrent à faire vivre les Chinois chez eux, dans
leurs paysages et leurs maisons. En vérité, ils n’avaient guère de
données sur les mœurs de leurs modèles, voire sur leurs modèles
eux-mêmes, et fort peu sans doute eurent la conscience ou l’occa-
sion, comme Watteau dans la célèbre feuille de l’Albertine devienne,
de dessiner un Céleste d’après nature. Mais les missionnaires
 
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