FRAGMENTS D’UN LIVRE SUR COURBET
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matières exorbitantes que nous avions d’abord, me met dans des
transes cruelles ! »
Se présenta-t-il et fut-il refusé? Renonça-t-il à affronter l’exa-
men? C’est un point que Gustave Courbet laissait volontiers dans
l’ombre. 11 avait bien tort, car on alla jusqu’à lui contester l’instruc-
tion qu’il avait véritablement reçue1. La vérité est qu’il fit ses
classes jusqu’au bout. Il fut mauvais élève humaniste, mais com-
bien l’ont été comme lui! il ne fut pas bachelier, mais combien de
peintres le sont?
Quoi qu’il en soit, rebuté par le baccalauréat, il se jette tout
entier du côté de la peinture.
V
M. Flageoulot, professeur de dessin au collège de Besançon,
avait chez lui un atelier où il recevait ses élèves.
C’est là que Gustave Courbet commença sérieusement l’étude du
pinceau. Ce Flageoulot, qui se disait élève de David et de Gros2,
était plein des Romains et des Grecs; à l’admiration de l’antiquité,
il joignait celle de Raphaël, tout comme M. Ingres. Il avait fait une
série de trente-sept tableaux sur les Amours de Psyché. « Mes com-
positions ne valent pas celles du divin Sanzio, «disait-il, « mais j’en
ai fait deux de plus que lui. » Versé dans la littérature ancienne,
poète lui-même à ses heures, cet aimable homme avait de douces
manies mythologiques. Il faisait des vers, chantait en s’accom-
pagnant de la lyre, et quand il était content de ses élèves, il les éle-
vait à la dignité de dieux. Il y avait le dieu de la couleur, le dieu
du dessin, le dieu de l’harmonie, un Olympe complet. Courbet fut
dieu de la couleur.
Le nouvel élève travaillait avec ardeur. Son goût pour la pein-
ture se développait à mesure qu’il apprenait à peindre. Cet art
l’étonnait et l’amusait Tout en étudiant le modèle à l’atelier Fla-
geoulot, il faisait du paysage d’après nature et s’exerçait à com-
poser de petits tableaux. Les études qu’il a ainsi accumulées dans
1. Des recherches faites à ma demande à la Faculté des Lettres de Besançon
pendant les années 1838, 1839 et 1840, il résulte que Gustave Courbet ne s’est
pas présenté au baccalauréat. On ne peut que se féliciter de cette résolution
providentielle. La France gagnait un avocat de plus, elle perdait un grand peintre.
2. Il ne figure ni dans la liste des élèves de David donnée par Delécluze, ni
dans celle de Gros, donnée par Delestre. Son portrait, par M. Bailly, est au musée
de Besançon.
v.
4e PÉRIODE.
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matières exorbitantes que nous avions d’abord, me met dans des
transes cruelles ! »
Se présenta-t-il et fut-il refusé? Renonça-t-il à affronter l’exa-
men? C’est un point que Gustave Courbet laissait volontiers dans
l’ombre. 11 avait bien tort, car on alla jusqu’à lui contester l’instruc-
tion qu’il avait véritablement reçue1. La vérité est qu’il fit ses
classes jusqu’au bout. Il fut mauvais élève humaniste, mais com-
bien l’ont été comme lui! il ne fut pas bachelier, mais combien de
peintres le sont?
Quoi qu’il en soit, rebuté par le baccalauréat, il se jette tout
entier du côté de la peinture.
V
M. Flageoulot, professeur de dessin au collège de Besançon,
avait chez lui un atelier où il recevait ses élèves.
C’est là que Gustave Courbet commença sérieusement l’étude du
pinceau. Ce Flageoulot, qui se disait élève de David et de Gros2,
était plein des Romains et des Grecs; à l’admiration de l’antiquité,
il joignait celle de Raphaël, tout comme M. Ingres. Il avait fait une
série de trente-sept tableaux sur les Amours de Psyché. « Mes com-
positions ne valent pas celles du divin Sanzio, «disait-il, « mais j’en
ai fait deux de plus que lui. » Versé dans la littérature ancienne,
poète lui-même à ses heures, cet aimable homme avait de douces
manies mythologiques. Il faisait des vers, chantait en s’accom-
pagnant de la lyre, et quand il était content de ses élèves, il les éle-
vait à la dignité de dieux. Il y avait le dieu de la couleur, le dieu
du dessin, le dieu de l’harmonie, un Olympe complet. Courbet fut
dieu de la couleur.
Le nouvel élève travaillait avec ardeur. Son goût pour la pein-
ture se développait à mesure qu’il apprenait à peindre. Cet art
l’étonnait et l’amusait Tout en étudiant le modèle à l’atelier Fla-
geoulot, il faisait du paysage d’après nature et s’exerçait à com-
poser de petits tableaux. Les études qu’il a ainsi accumulées dans
1. Des recherches faites à ma demande à la Faculté des Lettres de Besançon
pendant les années 1838, 1839 et 1840, il résulte que Gustave Courbet ne s’est
pas présenté au baccalauréat. On ne peut que se féliciter de cette résolution
providentielle. La France gagnait un avocat de plus, elle perdait un grand peintre.
2. Il ne figure ni dans la liste des élèves de David donnée par Delécluze, ni
dans celle de Gros, donnée par Delestre. Son portrait, par M. Bailly, est au musée
de Besançon.
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4e PÉRIODE.
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