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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 5.1911

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Nr. 1
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Coquiot, Gustave: Jean-François Raffaëlli, [1]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24875#0069

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

l’Algérie, cette fois, l’a tenté, et il y est allé pour exposer au Salon
deux tableaux : Une Moresque, naturellement, puis une scène de
genre encore, pleine de personnages Louis XIII, et qu’il a intitulée :
En excursion. Cela se vend si bien ! Mais, cependant, ne croyez pas
qu’il ne réfléchisse point déjà et qu’il ne cherche pas sa voie.

Le Salon de 1877, en exemple, montre bien, au contraire, que
deux sentiments luttent en lui. Le premier lui dit de continuer à
faire des tableautins à costumes : ainsi, il envoie Charmeuse nègre ;
mais le second sentiment, plus impérieusement, lui commande
une œuvre puissante, bien « maçonnée ». Alors, il va à Plougasnou,
en Bretagne; et il en rapporte une grande toile, une sorte de Millet
rude, très remarquable assurément, qu’il intitule : La Famille de
Jean le Boiteux. Et c’est cette œuvre-là qui décide tout, c’est elle
qui est victorieuse.

C’est accompli : Raffaëlli renonce à la peinture dite de genre, à
Fortuny, à ses pompes et à ses œuvres. Il ne fera plus que ce qu’il
appelle lui-même, car son esprit philosophique se manifeste déjà :
la peinture de caractère.

Et, pour consolider sa décision, ardemment, il lit. Il veut appro-
fondir les moralistes; il se plonge dans les plus lourds volumes; il
veut comprendre le charabia et l’incompréhensible des philosophes.
Et, prophète à sa manière,il lance des axiomes; il réédite des théo-
ries connues, usées, mais avec une belle flamme de jeunesse et
d’enthousiasme. Il crie : « Si vous voulez faire de la bonne peinture,
soyez sensible, soyez souffrant, soyez pauvre! » D’un tel train,
bientôt, il s’exténue, il tombe pour de bon malade, et il doit se
refaire, à force de volonté, toute une énergie. Mais il a médité sur
la misère, tout à sou aise; et cela, bientôt, lui sera profitable.

A peine convalescent, il se jette dans Paris comme un fou. 11
s’enivre de bruit, de mouvement, de luxe; il voit, avec des yeux
ardents, les voitures, les femmes, tous les passants, les magasins
parés. Tout brille pour lui, tout étincelle, tout le grise.

Puis, voulant envoyer une œuvre au Salon de 1878 — c’est
l’année d’une grande Exposition! — il s’installe où ? sur la Place
de /’ Opéra] et c’est ce tableau-là qu’il adresse au jury. Il est confiant,
il est heureux.

C’est un mauvais réveil : le tableau est refusé.

Il y a alors en lui une réaction. Il s’est brûlé les ailes, il s’en
rend compte. Il faut qu’il retourne vers les humbles, vers ceux qui
ne s’affolent pas de Paris. Là seulement sont ses amis, ceux qui
 
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