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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 5.1911

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Nr. 1
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Coquiot, Gustave: Jean-François Raffaëlli, [1]: artistes contemporains
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https://doi.org/10.11588/diglit.24875#0073

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

continuellement vomies par les usines et les bouges, ils offrent,
certes, des sensations profondes.

En présence de ces spectacles fortement inédits et inexplorés,
Raffaëlli s’interroge gravement. Il faut, — s’il veut les synthétiser
aux yeux de tous, — qu’il adapte un métier rapide et sûr à ces sites
si changeants, à ces ciels si continuellement bousculés de nuages et
à ces terrains qui pèlent d’instants en instants, en un frémissement
de choses perpétuellement violentées.

Or, tout de suite, ce métier, il le trouve. Il répudie la richesse de
la couleur pour ne chérir qu’un dessin tortueux, souple, exprimé
en virgules et en accents; un dessin très serré, très persuasif, qui ne
se lasse pas de chercher la forme. Et si Raffaëlli emploie de la cou-
leur, c’est toujours, quand même, le dessin qui compte le plus. Les
tons colorés ont l’air d’avoir été posés à regret, seulement pour faire
« chanter » çà et là quelques traits trop âpres et trop noirs.

C’est dans cette manière très nettement caractérisée qu’il envoie
au Salon des Impressionnistes, en 1880, une quarantaine de dessins,
de panneaux, de toiles; entre autres une admirable Vue cleGenne-
villiers et un curieux dessin à la plume : Maire et conseiller munici-
pal, dans le style d’Albert Durer. En 1881, il expose au même
Salon une Vue cle Seine, une Vue de Clichtj, etc., et l’extraordinaire
tableau si simple et si complet qui a pour titre : Bonhomme venant
de peindre sa barrière.

Du coup, il mérite les enthousiastes éloges de J.-K. Huysmans,
et ce prodigieux artiste de lettres complète bientôt ses louanges par
les phrases suivantes : « Depuis les frères Le Nain, ces grands
artistes, qui devaient tenir une si haute place dans l’art en France,
personne ne s’était véritablement fait le peintre des misérables hères
des villes; personne n'avait osé les installer dans les sites où ils
vivent et qui sont forcément appropriés à leurs dénùments et à leurs
besoins. M. Raffaëlli a repris et complété l’œuvre des Le Nain; il a
également tenté une incursion dans un monde non moins doulou-
reux que celui du peuple, dans le lamentable pays des déclassés; et
il nous les montre, attablés devant les verres d’absinthe, dans un
cabaret, sous une tonnelle où se tordent, en grimpant, de maigres
sarments privés de feuilles, avec leur fangeux attirail de vête-
ments en loques et de bottes en miettes, avec leur chapeau noir
dont le poil a roussi et dont le carton gondole, avec leurs barbes
incultes, les yeux creusés, leurs prunelles agrandies et comme
aqueuses, la tête dans les poings ou roulant des cigarettes. Dans ce
 
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