152
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de l'abbaye de Sainte-Geneviève. En effet les registres d’entrée
du Cabinet des médailles ont été régulièrement tenus pendant la
Révolution, bien que très sommairement. Les antiquités ou curio-
sités confisquées dans les hôtels des émigrés et qui furent apportées
à la Bibliothèque des deux dépôts de la rue de Beaune et de l’hôtel
de Nesle, de même que les envois d’Italie pendant et après les deux
campagnes de Bonaparte, ont été assez soigneusement inventoriés
pour que nous puissions affirmer que le relief de Mino ne provient
d’aucune de ces sources. Pour les deux autres confiscations qui enri-
chirent alors le Cabinet des antiques, c’est-à-dire celle des collec-
tions du stathouder (18 brumaire an IV) et celle des collections de
l’abbaye de Sainte-Geneviève (9 ventôse an V), les inventaires,
quoique réguliers, sont trop désespérément concis pour qu’on
puisse identifier les nombreux marbres qui y sont signalés. Mais
notre bas-relief pourrait être un de ceux qui sont décrits ainsi :
« Tête de femme, marbre moderne », ou simplement : « Bas-relief de
marbre ». De ces deux provenances, celle du cabinet de Sainte-Gene-
viève est la plus vraisemblable, car ce cabinet était, déjà au temps
du Père du Molinet, un vrai bric-à-brac, et n’avait pas cessé de s’en-
richir pendant le xvnie siècle, grâce aux donations les plus diverses.
D’ailleurs une provenance — confiscation, dépôt ou don — qu’au-
rait purement et simplement omise le registre d’entrée, n’est guère
admissible, ce registre ayant été très correctement tenu, et les
archives du Cabinet des médailles témoignant, d’autre part, que,
dans toutes les affaires de confiscation ou d’attribution d’objets d’art
et de curiosité aux musées nationaux, l’administration révolution-
naire ne ménageait pas la paperasserie.
Que ressort-il de ces constata lions? C’est que le bas-relief est entré
à la Bibliothèque Nationale, vers 1796 ou 1797, sans qu’alors la
valeur en fût soupçonnée. N’est-ce pas là une preuve irréfragable
d’ancienneté et de sincérité? Qui donc, pendant le règne artistique
de Louis David, s’intéressait à Mino ? Lt, d’ailleurs, quel faussaire,
avant le milieu du xixc siècle et à plus forte raison avant la Révo-
lution, aurait jamais eu l’idée d’imiter le style et la signature de
Mino? Une preuve aussi forte d’authenticité nous dispenserait d’en
ajouter d’autre. Mais pour qu’on n’aille pas prétendre que, si ce
marbre est bien du xvc siècle, il n’est qu’un pastiche de Mino, l’œuvre
d’un imitateur qui aurait copié jusqu’à sa signature, il n’est pas
inutile d’analyser d’un peu plus près le monument.
M. Diego Angeli assure que l'habillement de la jeune femme ici
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de l'abbaye de Sainte-Geneviève. En effet les registres d’entrée
du Cabinet des médailles ont été régulièrement tenus pendant la
Révolution, bien que très sommairement. Les antiquités ou curio-
sités confisquées dans les hôtels des émigrés et qui furent apportées
à la Bibliothèque des deux dépôts de la rue de Beaune et de l’hôtel
de Nesle, de même que les envois d’Italie pendant et après les deux
campagnes de Bonaparte, ont été assez soigneusement inventoriés
pour que nous puissions affirmer que le relief de Mino ne provient
d’aucune de ces sources. Pour les deux autres confiscations qui enri-
chirent alors le Cabinet des antiques, c’est-à-dire celle des collec-
tions du stathouder (18 brumaire an IV) et celle des collections de
l’abbaye de Sainte-Geneviève (9 ventôse an V), les inventaires,
quoique réguliers, sont trop désespérément concis pour qu’on
puisse identifier les nombreux marbres qui y sont signalés. Mais
notre bas-relief pourrait être un de ceux qui sont décrits ainsi :
« Tête de femme, marbre moderne », ou simplement : « Bas-relief de
marbre ». De ces deux provenances, celle du cabinet de Sainte-Gene-
viève est la plus vraisemblable, car ce cabinet était, déjà au temps
du Père du Molinet, un vrai bric-à-brac, et n’avait pas cessé de s’en-
richir pendant le xvnie siècle, grâce aux donations les plus diverses.
D’ailleurs une provenance — confiscation, dépôt ou don — qu’au-
rait purement et simplement omise le registre d’entrée, n’est guère
admissible, ce registre ayant été très correctement tenu, et les
archives du Cabinet des médailles témoignant, d’autre part, que,
dans toutes les affaires de confiscation ou d’attribution d’objets d’art
et de curiosité aux musées nationaux, l’administration révolution-
naire ne ménageait pas la paperasserie.
Que ressort-il de ces constata lions? C’est que le bas-relief est entré
à la Bibliothèque Nationale, vers 1796 ou 1797, sans qu’alors la
valeur en fût soupçonnée. N’est-ce pas là une preuve irréfragable
d’ancienneté et de sincérité? Qui donc, pendant le règne artistique
de Louis David, s’intéressait à Mino ? Lt, d’ailleurs, quel faussaire,
avant le milieu du xixc siècle et à plus forte raison avant la Révo-
lution, aurait jamais eu l’idée d’imiter le style et la signature de
Mino? Une preuve aussi forte d’authenticité nous dispenserait d’en
ajouter d’autre. Mais pour qu’on n’aille pas prétendre que, si ce
marbre est bien du xvc siècle, il n’est qu’un pastiche de Mino, l’œuvre
d’un imitateur qui aurait copié jusqu’à sa signature, il n’est pas
inutile d’analyser d’un peu plus près le monument.
M. Diego Angeli assure que l'habillement de la jeune femme ici