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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 8.1912

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Nr. 5
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Marcel, Henry: Un peintre de la vie rustique au XVIIe siècle: Jean Siberechts
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https://doi.org/10.11588/diglit.24885#0391
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JEAN SIBERECHTS

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l’absence de sobriété de gens souvent privés, et se rattrapant gou-
lûment dès qu’ils le pouvaient, nous ne laissons pas d’être surpris,
devant les scènes de campagne, par la laideur cagneuse, le fréquent
prognathisme des personnages représentés. Est-on en présence d’une
tare de la race, ou ces mentons en galoche, ces nez en bouchon de
carafe, ces épaules inégales, ces jambes en a?, qui pullulent dans les
toiles de Téniers et d’Ostade, sont-ils l’effet d'une vision prévenue
et comme une signature du peintre? On hésite sans cesse entre l’idée
d’une représentation exacte et celle d’une charge déformante. Adrien
van de Yelde et Cuyp sont plus rassurants: à la vérité le bétail,
chez eux, prend le pas sur l’humanité, mais celle qu’ils exhibent,
dans les coutumières besognes de la garde des moutons, de la fenai-
son ou de la traite des vaches est de formes tassées, presque sans
taille; les visages ronds, camards, au front bombé, aux pommettes
relevées, à la lourde mâchoire, ont la placidité des ruminants que
ces rustres avoisinent. Avec Berghcm et Karel Du Jardin, on verra
apparaître la convention dans les figures, comme dans les sites ; les
unes se feront avenantes et coquettes, les autres s’accidenteront de
pics et de torrents, vaguement imités de la nature italienne.

L’artiste mal connu que nous voudrions étudier aujourd’hui, Jean
Siberechts, appartient au groupe de Cuyp et d’Adrien van de Yelde.
Moins finement paysagiste que l’un et l’autre, moins habile à tra-
duire les délicates dégradations de la perspective aérienne ou la
pacifique irradiation du soleil, il est un observateur aussi minutieux
que le premier, et moins transigeant que le second, dans le rendu
littéral du site et de ses frustes habitants. Il nous montre les
besognes rustiques avec l’exactitude d’un procès-verbal, mais la
conscience et l’attention presque religieuses qu’il y porte, l’extrême
sérieux que respirent ses personnages, où plus rien ne transparaît
des bambocheurs et des mauvais garnements si chers à ses confrères,
empreignent son œuvre d’une tenue et comme d’une dignité parti-
culière, et sur les toiles de ce peintre si mal connu on sent passer
devant soi cette visiteuse auguste et un peu sévère : la vérité.

❖ *

Jean Siberechts naquit à Anvers le 29 janvier 1627; son père
était sculpteur et portait le même prénom. Après s’être instruit
dans la peinture, sous un maître fort ignoré, Adrien de Bye, il devint
maître de la guilde de Saint-Luc en 1648. Horace Walpole, dans
 
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