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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 9.1913

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Nr. 6
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Hautecoeur, Louis: Les Salons de 1913, 2, La peinture aux salons de la Société Nationale et de la Société des Artistes Français
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https://doi.org/10.11588/diglit.24886#0520
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

un amusant traité de stratégie picturale. Les portraitistes aiment à
exposer une personnalité « très parisienne », une danseuse de
l’Opéra, un ancien ministre qui refusa la présidence, un nouveau
directeur des Musées nationaux, etc. Ils réunissent autour d’une
table deux directeurs de théâtres subventionnés, une poétesse futu-
riste, d’autres encore, ou bien ils écrivent en lettres d’or les noms
et titres de leurs modèles et peignent bien exactement leur château
sur la toile de fond, heureux quand, au moment où le sentiment
national s’affirme, iis peuvent montrer notre grand patriote debout
dans son mac-farlane. Les narrateurs d’anecdotes racontent après
les éditions spéciales un fait-divers dont le récit fit trembler les
lecteurs et M. J. Béraud s’est arrangé si bien qu’on se demande s’il
célèbre M. Millerand et ses retraites militaires ou M. Lépine et la
Nuit de Nogent.

Les visiteurs sont aussi reconnaissants aux peintres dont la
manière bien connue leur permet de passer rapidement et de
déclarer à coup sûr : « Tiens, voilà le Didier-Pouget. » Us ont plaisir
à prouver leur érudition en demandant devant Mme de Fontenay par
M. Lazlo : « Ne croirait-on pas un Lawrence? » ou devant les œuvres
de M. Humbert : « Vous rappelez-vous l’exposition des maîtres
anglais? » Ils admirent avec joie une habileté facile qui les auto-
rise à se croire connaisseurs et trouvent très fort M. Boldini, ce
tzigane de la peinture, dont le brio calculé lance des touches éper-
dues, qui tord les bras, casse les jambes, aiguise les ongles, énerve
ses personnages et pour'qui Sully Prudhomme semble avoir jadis
écrit : « Dans les arts d’imitation, l’aptitude à l’exécution, tout
essentielle qu’elle est, peut aisément se dépraver. La grande habi-
leté, la » patte », côtoie un défaut des plus graves, le chic qui consiste
à substituer des habitudes de la main à la représentation réfléchie et
consciencieuse des images formées dans le cerveau. Il se peut
même qu’une certaine gaucherie, garantie de sincérité, soit préfé-
rable à la grande facilité d’exécution1. »

Signalons enfin un dernier artifice : il consiste à peindre de
grandes « tartines ». On comprend le monsieur qui s’exclame : « Où
donc s’en ira toute cette peinture-là? » Certainement pas dans nos
petits appartements modernes qui ne peuvent contenir, à la manière
des hôtels du xvue siècle, de telles « machines » ! Pas davantage
dans les musées surpeuplés de province. Où donc alors? Mais nulle

1. De l’expression clans les Beaux-Arts, p. 22.
 
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