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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 10.1913

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Nr. 4
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Rosenthal, Léon: La genèse du réalisme avant 1848, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24887#0345
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LA GENÈSE DU RÉALISME AVANT 1848

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n’est pas étrangère la popularité de l’artiste. Mais, ainsi que ses pré-
décesseurs, ce nouveau champion se dérobe à son tour1.

A ce même Salon, un élève de Gharlet, Canon, expose un Men-
diant qui, d’après la lithographie insérée dans Y Artiste2, ne man-
quait ni d’intérêt ni de puissance, et qui passa, d’ailleurs, presque
inaperçu. La grande manifestation de cette année, c’était La Charité
du peuple ou les forgerons de la Corrèze de Jeanron. Esprit tourmenté
par des idées démocratiques et humanitaires, Jeanron avait déjà mis
au service de ses passions un talent vigoureux, moins personnel
dans l’exécution que dans la pensée, et qui demandait au romantisme
des formules techniques. Il avait exposé un épisode de Juillet 18303,
en 1833 une Scène de Paris d’intention révolutionnaire4.

Les Forgerons de la Corrèze constituaient une tentative plus sobre
dans l’expression des idées, plus importante comme morceau de
peinture. « On se rappelle », écrivait deux ans plus tard Thoré, « la
tournure puissante et délibérée des deux forgerons, dont l’un coupe
du pain à une pauvre femme. C’est de l’art nouveau par la forme et
par le fond, et l’un ne pouvait aller sans l’autre, car, en entrant dans
cette sympathie populaire, il fallait aussi renouveler en même temps
la forme abâtardie, c’est-à-dire exprimer tout ce qu’il y a de noblesse
et de grandeur dans la nature humaine de toutes les classes. Que
M. Jeanron », ajoutait Thoré, « nous fasse donc encore de ces émou-
vantes peintures... M. Jeanron porte une grande responsabilité; c’est
lui qui comprend le mieux la direction de l’art moderne et qui l’ex-
prime avec le plus de verdeur5. » A vrai dire, dans cette page, Thoré
décrivait moins la toile de Jeanron qu’il ne traçait un programme,
et l’artiste, malgré des tentations nouvelles dont aucune ne retrouva
le même succès, ne devait pas répondre à l’espoir magnifique ici
formulé.

1. Le Passage du Rhin, que Gharlet exposa en 1841, ne dépasse plus le
domaine de l’anecdote.

2. L’Artiste, 1836, t. XI, p. 96.

3. Au musée de Caen.

4. Laviron, dans le Salon de 1833, fait de ce tableau une description déclama-
toire (p. 256-257); j’en extrais ce passage typique : « Le malheureux eut le cou-
rage de vivre. Il sacrifia son orgueil à l’existence de ses enfants et vint exposer
leur misère à la foule inattentive préoccupée de joie et de fête vis à vis le palais
où des hommes qui se prétendent les mandataires du peuple français stipulent
tous les jours des lois de privilège qui ôtent le dernier morceau de pain à la
bouche des enfants du prolétaire. »

5. Thoré, Salon de 1838 (Revue de Paris, 2e série, t. II, p. 269). — Voir aussi
A. Decamps, Salon de 1836 (Le National, 13 mai 1836).
 
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