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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 11.1914

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Nr. 3
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Réau, Louis: L' œuvre d'Hubert Robert en Russie
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https://doi.org/10.11588/diglit.24888#0196
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L’OEUVRE D’HUBERT ROBERT EN RUSSIE

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flatteuses de l’impératrice qui le pressait de venir s’établir en Russie.
Mais, tout en restant à Paris, il ne cessa depuis 1772, c’est-à-dire
pendant presque toute sa carrière, de travailler pour les amateurs
russes qui se disputaient ses œuvres. Sa popularité égalait celle de
Greuze. Les raisons de cette vogue internationale sont faciles à
démêler. Ses « Ruines » intéressaient la sensibilité ou plutôt la senti-
mentalité de ses contemporains au même titre que les « Malédictions
paternelles » ou les « Cruches cassées ». En outre sa peinture « archéo-
logique » convenait à merveille à une société que les fouilles de
Pompéi et l’apostolat de Winckelmann avaient convertie au culte
de l’antique. Catherine II ne rêvait-elle pas de se faire construire
dans son parc de Tsarskoïé-Selo une « maison antique », scrupuleuse
reconstitution d’une maison romaine, dont elle demandait les plans
à l’architecte français Clérisseau? Si, à Paris, « il était de mode et
très magnifique de faire peindre son salon par Robert1 », cette mode
ne devait pas tarder à gagner la Russie qui était, à cette époque, une
véritable colonie artistique de la France.

C’est un grand seigneur russe résidant à Paris, le comte Alexandre
Serguiéevitch Stroganov, qui rendit à Robert le service de l'intro-
duire en Russie et d’ouvrir à son intempérante production ce pré-
cieux débouché. Le comte Stroganov (1738-1811), dont Roslin nous
a laissé le portrait, avait la réputation d’un Mécène fastueux et délicat.
« C’est un seigneur qui est amateur et connoisseur », lisons-nous
dans une brochure de 1773, Les Entretiens de M. l'abbé A*** avec
Mylord />***; « on dit qu’il a un très beau Cabinet : il fait beaucoup
travailler nos artistes en tous les genres et sait apprécier leur mérite. »
En effet, le livret du Salon de 1773 mentionne comme « faisant
partie du Cabinet de M. le comte de Stroganoff » deux toiles de Le
Prince et quatre vues de Rome par Robert2.

Deux de ces tableaux se retrouvent aujourd’hui au palais de
Tsarskoïé-Selo. Il est probable que le comte Stroganov en fit hom-
mage à l’impératrice, qui conçut dès lors une grande admiration
pour Robert : elle le combla de commandes et l’eût comblé de
faveurs s’il s’était décidé avenir à sa cour. Son fils, le grand-duc Paul
Pétrovitch, le futur tsar Paul Ier, qui poussait cependant l’aversion
pour sa mère jusqu’à haïr de parti pris tout ce qu’elle aimait, parta-

1. Mme Vigée-Lebrun, Souvenirs, t. II, p. 328.

2. Ces 4 tableaux ovales, de 18 pouces de large sur 13 de haut, représentaient
les Ruines du Campo Vaccino à Rome : un Escalier du casino Albani, un Temple
grec avec la colonnade de Saint-Pierre, une partie des Jardins Borghèse à Rome.
 
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