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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 1.1920

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Nr. 1
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Dorbec, Prosper: La sensibilité picturale chez Saint-Beuve: (à l'occasion du cinquentenaire de sa mort)
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https://doi.org/10.11588/diglit.24918#0072
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LA SENSIBILITÉ PICTURALE CHEZ SAINTE-BEUVE

Volupté. Il nous a paru, en outre, que ces deux confessions d’un jeune
homme aux alentours de la révolution de Juillet, bien qu’elles portent la
marque de ces temps romantiques, contenaient en germe presque toutes les
curiosités visuelles, et certainement les plus fines, de la peinture française
au xixc siècle.

*

* *

Il avait été à 1 école de la nature. Il aimait à rappeler à son compagnon de
classe, 1 abbé Eustache Barbe, leurs promenades aux environs de Boulogne-
sur-Mer, leur ville natale, celles du jeudi principalement, où ils se rendaient
sur les bords de la Liane ou vers Outreau, « du côté des sables », ou au
tout proche vallon du Denacre, qui leur paraissait une autre Tempé. Sainte-
Beuve recueillit là des images champêtres qui ne devaient pas s'effacer de sa
mémoire.

A la fin d’un des volumes où ont été rassemblés, en i85o, ses Portraits
contemporains, on le voit céder à la mélancolie d’un retour sur soi-même,
en cette époque déjà avancée de sa carrière : « Pourquoi je n’aime plus la
nature, la campagne? Pourquoi je n’aime plus à me promener dans le petit
sentier? Je sais bien qu’il est le même, mais il n’y a plus rien de l’autre
côté de la haie. Auparavant il n’y avait rien le plus souvent, mais il pouvait
y avoir quelque chose. »

La haie, la charmille, il y reportait souvent son souvenir, pour l’avoir,
écolier, maintes fois longée aux alentours de Boulogne. Que s’offrît à sa pen-
sée la physionomie de son père, qu’il perdit presque au moment de sa nais-
sance, il le voyait, le Virgile à la main,

doublant la prochaine colline,

Côtoyant le sureau, respirant l’aubépine.

Que lui-même il ouvrit Ecjloc/ues ou Géorgiennes, d croyait entendre bruits
pour lui autrefois familiers — « le murmure des abeilles dans la haie, le
chant, mais un peu lointain, de lemondeur, la-bas, sur le coteau ». Com-
bien de fois, adolescent, ne s’était-il pas surpris à suivre la haie d’un certain
château de Wierre, où l’attirait le premier amour de sa jeunesse, celui qui,
dans Volupté, s’incarne en Mlle Amélie de Liniers!

Beaux fieux dont je n’ai vu que l’enceinte, bordée
De mélèzes en pleurs et d’arbres de Judée
Et de faux ébéniers;
 
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