GAZETTE DES BEAUX-ARTS
de (( cette horde de Turcs impies qu’on nomme Tatars1 », parle des biblio-
thèques célèbres de Merv, où il avait puisé les matériaux de ses ouvrages ;
de Nichapour, mine de savants, à laquelle il n'avait pas vu de ville com-
parable dans ses voyages; de Hérat, qui « l'emportait sur toutes les autres
villes du pays par sa grandeur et sa prospérité, par la richesse de son sol,
sa nombreuse population, la beauté de ses jardins, l’abondance de ses
cours d’eau, et aussi par la foule de savants et d’hommes de mérite qu’elle
a produits2 ».
Cette séparation politique de la Perse, et principalement de la Perse orien-
tale3, qu’accompagnait une violente réaction nationale4, devait favoriser le
développement d une école de peinture distincte de celle de Bagdad. Je suis
porté à situer cette école dans le Khorassan, où l’influence chinoise devait
s’exercer plus directement, et je propose de voir dans les miniatures de la
bibliothèque de Xildiz des œuvres de cette école, contemporaine de celle de
Bagdad et antérieure à la marée mongole du xme siècle qui atteignit le
Khorassan dès 1221.
*
* *
Les grandes dimensions de l’album de ^ ildiz et l’état fragmentaire de nos
miniatures ont obligé Chah Couli à en réunir au moins deux, et quelquefois
même trois, dans le cadre d’une seule page. En outre, des textes calligraphi-
ques étrangers sont venus remplir les vides, comme sur les figures i, 5 et 7.
Ces fragments calligraphiques sont de style nestalik et, par conséquent, d’une
époque postérieure aux légendes des peintures dont le texte est toujours en
nesikh. Il n’existe aucun doute au sujet de la corrélation des textes nesikh et
des illustrations correspondantes : en effet, il est question, sur la figure 2, du
corbeau qui s’envole, de la souris qui se réfugie dans son trou, ainsi que du
chasseur et du cerf; sur la figure 5, de la tortue, etc.
Remarquons enfin que nos peintures débordent hardiment sur la marge,
bien que les pages soient délimitées par un cadre.
Tel est l’état matériel dans lequel se présentent ces miniatures, qui sont
à grande échelle5.
En les examinant en elles-mêmes, on est frappé de prime abord par ce
fait que les couleurs ne sont posées à plat ni sur les animaux ni sur les
1. Il ne faut pas perdre de vue que les Mongols de Perse n’ont embrassé l’islamisme
qu’après la conquête, sous Ghazan, en I2g5.
2. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique, historique et littéraire de la Perse1, 1861.
3. Les Tahirides, les Saffarides et les Samanides appartiennent à la Perse orientale.
4- J. Molli, ouv. cité, t. I, préface, p. xv et xix.
5. Les reproductions que nous donnons sont aux trois quarts environ de la grandeur
des originaux.
de (( cette horde de Turcs impies qu’on nomme Tatars1 », parle des biblio-
thèques célèbres de Merv, où il avait puisé les matériaux de ses ouvrages ;
de Nichapour, mine de savants, à laquelle il n'avait pas vu de ville com-
parable dans ses voyages; de Hérat, qui « l'emportait sur toutes les autres
villes du pays par sa grandeur et sa prospérité, par la richesse de son sol,
sa nombreuse population, la beauté de ses jardins, l’abondance de ses
cours d’eau, et aussi par la foule de savants et d’hommes de mérite qu’elle
a produits2 ».
Cette séparation politique de la Perse, et principalement de la Perse orien-
tale3, qu’accompagnait une violente réaction nationale4, devait favoriser le
développement d une école de peinture distincte de celle de Bagdad. Je suis
porté à situer cette école dans le Khorassan, où l’influence chinoise devait
s’exercer plus directement, et je propose de voir dans les miniatures de la
bibliothèque de Xildiz des œuvres de cette école, contemporaine de celle de
Bagdad et antérieure à la marée mongole du xme siècle qui atteignit le
Khorassan dès 1221.
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Les grandes dimensions de l’album de ^ ildiz et l’état fragmentaire de nos
miniatures ont obligé Chah Couli à en réunir au moins deux, et quelquefois
même trois, dans le cadre d’une seule page. En outre, des textes calligraphi-
ques étrangers sont venus remplir les vides, comme sur les figures i, 5 et 7.
Ces fragments calligraphiques sont de style nestalik et, par conséquent, d’une
époque postérieure aux légendes des peintures dont le texte est toujours en
nesikh. Il n’existe aucun doute au sujet de la corrélation des textes nesikh et
des illustrations correspondantes : en effet, il est question, sur la figure 2, du
corbeau qui s’envole, de la souris qui se réfugie dans son trou, ainsi que du
chasseur et du cerf; sur la figure 5, de la tortue, etc.
Remarquons enfin que nos peintures débordent hardiment sur la marge,
bien que les pages soient délimitées par un cadre.
Tel est l’état matériel dans lequel se présentent ces miniatures, qui sont
à grande échelle5.
En les examinant en elles-mêmes, on est frappé de prime abord par ce
fait que les couleurs ne sont posées à plat ni sur les animaux ni sur les
1. Il ne faut pas perdre de vue que les Mongols de Perse n’ont embrassé l’islamisme
qu’après la conquête, sous Ghazan, en I2g5.
2. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique, historique et littéraire de la Perse1, 1861.
3. Les Tahirides, les Saffarides et les Samanides appartiennent à la Perse orientale.
4- J. Molli, ouv. cité, t. I, préface, p. xv et xix.
5. Les reproductions que nous donnons sont aux trois quarts environ de la grandeur
des originaux.