348 GAZETTE DES BEAUX-ARTS
ne peut reconnaître que le style de Chesneau dans la bouche ou sous la
plume de tous.
Préfère-t-on d’autres preuves plus objectives? elles ne manquent pas
davantage. Il est, en cet inventaire, fait mention d’ornements d’église que
Robertet aurait fait exécuter à Paris le 15 février 1532 (p. 63 de l’éd. Grésy),
d’un livre d’heures qu’il aurait offert à sa femme aux étrennes de l’année
1530 (p.22), d’un portefeuille que lui aurait donné le duc de Savoie en 1528
(p. 29): or Florimond Robertet est mort le 29 novembre 1527. A propos
d’un autre objet, on nous donne une prétendue lettre que la reine Eléonore
aurait écrite à Michelle Gaillard, la veuve de Robertet, au moment de
la mort de ce dernier (p. 57) : mais Eléonore d’Autriche n’est devenue
reine de France qu’en 1531, plus de trois ans après le décès du ministre.
Ailleurs, il est dit que Robertet lit élever Bury de 1501 à 1504 (p. 52): or
nous verrons qu’il n’acquit cette terre qu’en 1511. En plusieurs endroits
(p. 55, 56, 59), sa veuve cite des vers de Ronsard, qui n’avait pas encore
huit ans à l’époque de ce prétendu inventaire, et l’appelle déjà le « sçavanl
Ronssard » (p. 59). Et ce n’est pas avec moins de surprise qu’avant
l’apparition du premier livre de Pantagruel, on voit nommer Rabelais
« le vray grand esprit universel de ce monde » (p. 62). Nous ne parlons
pas de « l’entier dessein de Chambor » (p. 43) qui devait encore être bien
peu avancé lors de la mort de Robertet.
Est-ce à dire que cet inventaire soit entièrement apocryphe ? Peut-
être pas. Il est possible que Chesneau se soit aidé d’anciens inventaires.
Il semble bien que, dans la description de certains objets, on reconnaisse
le style sèc, précis et impersonnel habituel aux actes de ce genre ; en
d’autres articles, on croit distinguer les parties authentiques des inter-
polations de Chesneau ; d'autres sont de toute évidence complètement
supposés.
Mais, quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que les indications qui
nous intéressent ne sont que de l’invention de Chesneau. Qu’avons-
nous affaire, dans un inventaire, de connaître l’origine de cette bande
de taffetas peinte ou de savoir qui a donné la statuette de l’architecte
italien, et que vient faire ici la lettre de celui-ci ? C’est le style bour-
souflé et ridicule de Chesneau qui s’affirme en ces passages. Robertet
ne peut avoir fait travailler à Bury de 1501 à 1504, puisqu’il n’a acquis
cette terre qu’en 1511. Tout cela a exactement la valeur de renseignements
fournis par un sot et ignorant vantard du milieu du xvue siècle : c’est-à-
dire rien.
L’attribution du château de Bury à Fra Giocoudo, dont c’est le fondement
essentiel, pêche donc par la base.
ne peut reconnaître que le style de Chesneau dans la bouche ou sous la
plume de tous.
Préfère-t-on d’autres preuves plus objectives? elles ne manquent pas
davantage. Il est, en cet inventaire, fait mention d’ornements d’église que
Robertet aurait fait exécuter à Paris le 15 février 1532 (p. 63 de l’éd. Grésy),
d’un livre d’heures qu’il aurait offert à sa femme aux étrennes de l’année
1530 (p.22), d’un portefeuille que lui aurait donné le duc de Savoie en 1528
(p. 29): or Florimond Robertet est mort le 29 novembre 1527. A propos
d’un autre objet, on nous donne une prétendue lettre que la reine Eléonore
aurait écrite à Michelle Gaillard, la veuve de Robertet, au moment de
la mort de ce dernier (p. 57) : mais Eléonore d’Autriche n’est devenue
reine de France qu’en 1531, plus de trois ans après le décès du ministre.
Ailleurs, il est dit que Robertet lit élever Bury de 1501 à 1504 (p. 52): or
nous verrons qu’il n’acquit cette terre qu’en 1511. En plusieurs endroits
(p. 55, 56, 59), sa veuve cite des vers de Ronsard, qui n’avait pas encore
huit ans à l’époque de ce prétendu inventaire, et l’appelle déjà le « sçavanl
Ronssard » (p. 59). Et ce n’est pas avec moins de surprise qu’avant
l’apparition du premier livre de Pantagruel, on voit nommer Rabelais
« le vray grand esprit universel de ce monde » (p. 62). Nous ne parlons
pas de « l’entier dessein de Chambor » (p. 43) qui devait encore être bien
peu avancé lors de la mort de Robertet.
Est-ce à dire que cet inventaire soit entièrement apocryphe ? Peut-
être pas. Il est possible que Chesneau se soit aidé d’anciens inventaires.
Il semble bien que, dans la description de certains objets, on reconnaisse
le style sèc, précis et impersonnel habituel aux actes de ce genre ; en
d’autres articles, on croit distinguer les parties authentiques des inter-
polations de Chesneau ; d'autres sont de toute évidence complètement
supposés.
Mais, quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que les indications qui
nous intéressent ne sont que de l’invention de Chesneau. Qu’avons-
nous affaire, dans un inventaire, de connaître l’origine de cette bande
de taffetas peinte ou de savoir qui a donné la statuette de l’architecte
italien, et que vient faire ici la lettre de celui-ci ? C’est le style bour-
souflé et ridicule de Chesneau qui s’affirme en ces passages. Robertet
ne peut avoir fait travailler à Bury de 1501 à 1504, puisqu’il n’a acquis
cette terre qu’en 1511. Tout cela a exactement la valeur de renseignements
fournis par un sot et ignorant vantard du milieu du xvue siècle : c’est-à-
dire rien.
L’attribution du château de Bury à Fra Giocoudo, dont c’est le fondement
essentiel, pêche donc par la base.