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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 1.1871

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https://doi.org/10.11588/diglit.3249#0038
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■LE GRELOT.

LE DRAME

DE LA

RUE DES BARRICADES

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PERSONNAGES.

Victor Hdgo.

Un jeune pâtissier.

DojlRROWSKI.

Crapulinski.

\VrOBLEWSKI.

Félix PvA'r.

Le PÈRE Duchêne.

Paschal' Ghousset.

Le Directeur de Cbarenton.

Mariette Léclanché, servante du poète.

LA SCENE EST A BRUXELLES.

ACTE I.

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Ze cabinet du poêle. Intérieur des plus confortables. Une immense
bibliothèque. Un formidable bureau couvert de manuscrits. Sur le
bureau une lettre de Lacroix, le dernier éditeur du maître, lettre
commençant par ces mots :

a Cher Maître,

« Avec voire roman de l'Homme qui rit, vous me l'avez joli-
« ment-faite à l'oseille. I! faudrait voir à ne plus la recom-
« menecr. Elle est détestable, etc., etc.

(i Je vous serre la main; mais quand à vous éditer encore
« quelque chose, des nèfles !

« Lacroix. »

Suspendus au mur, trois portraits du maître : l'un quand il
était légitimiste, l'autre quand il était pair de France, sous Louis-
Philippe, le troisième en grand uniforme de républicain, chapeau
pointa, gilet à revers, barbe énorme.

Victor est étendu sur un divan. Il est revêtu d'une splendide robe
de chambre, fond noir, avec des flammes rouges. Robe de prophète
qui lui donne un faux air d'Edmond, l'ancien sorcier de Mabille.
Il ne dort pas précisément, il roupille. Quelques mots incompréhen-
sibles sortent de ses lèvres :

« Reprise des Misérables, chez Raphaël... Prime de 230,000
«francs... Droits d'auteur exceptionnels... Je donnerai cent
« sous pour les ambulances de la presse... On me blaguera...
« Je m'en fiche... 0 la charité !... 0 la fraternité I... 0 la répu-
« blique !... 0 l'affranchissement des nègres !... 0 les forçais!..,
« 0 la Commune !... 0 tout ce qu'il y a de beau et de grand
« sur la terre !... »

(A ces mots, Victor fait un brusque mouvement. Il perd l'équi-
libre et tombe de son divan par terre, le nez dans un crachoir. Il
êternue, se réveille et se frotte les yeux.)

SCÈNE I.
VICTOR, seul,

Où suis-je?... Ahl que c'est bête de dormir comme cela, un
jour où l'on attend du monde à souper!

(Il se lève).

Quelle heure est-il au beffroi de la ville ?

(Il lire une montre à répétition).

Onze heuresl... et mes invités doivent être ici à minuit. Pas
une minute à perdre T...

(Il sonne). ,

Mariette!... Mariette!...

(Entre la demoiselle léclanché. Elle est têtue d'un tablier grais-
seux, comme il convient à la servante d'un homme qui a cent mille
livres de rente.)

SCÈNE II.

VICTOR, MARIETTE.

(Mariette, en entrant, se jette à plat ventre et reste dans cette po-
sition, aussi humble que japonaise. Victor la-considère quelques
instants avec complaisance.)

VICTOR.

Bien, ma fille, bien, très-bien. Je vois que vous n'oubliez
pas le respect dû au plus gigantesque poète de l'humanité. Ce-
pendant, relevez la tête et lépondez-moi. Vous savez que j'at-
tends aujourd'hui quelques amis de Paris à souper?

MARIETTE.

Oui, maître..

VICTOR,

Trois incendiaires, quatre assassins, un citoyen accusé de
viol, — pauvre ami !... comme si le viol n'était pas dans la
nature! — et cinq faux-monnayeurs, tous réfugiés, clignes de
la plus grande pitié et, auxquels je suis heureux d'offrir un
' asile.

MARIETTE.

Oui, maître.

VICTOR.

Je compte aussi sur la présence de mon excellent confrère
Félix Pyat, que j'aime du meilleur de mon cœur, d'abord
parce qu'il n'a aucun talent, ensuite parce que c'est un citoyen
dont le courage égale l'austérité.

MARIETTE.

Oui, maître.

VICTOR.

La chère sera-l-elle exquise et digne de ces illustres exilés?

MARIETTE.

Jugez-en, maître. Potage à la purée de réactionnaire, plu-
sieurs maquereaux maître d'hôtel...

VICTOR.

Bien, cela. Ces messieurs adorent la marée, paraît-il.

MARIETTE.

Gigot bretonne.

VICTOR.

Allusion aux chouans.

MARIETTE.

Salade de barbe de capucins.

VICTOR.

Oh ! le clergé!... On en passera deux fois.

MARIETTE.

Timbale de macaroni.

VICTOR.

Qu'il iile comme ces énergiques citoyens, surtout !

MARIETTE.

Enfin, un gruyère entier.

VICTOR.

.Hommage rendu à la Suisse! Oh! la Suisse! .. 0 Guillaume
Tell 1... OBonnivard!... 0 le Mont-Blanc!... 0 Jean-Jacques!...
Mariette, ce menu nie convient. Je suis conlent de vous.

MARIETTE.

Maître, j'ai une crampe. Puis-je me relever?

VICTOR.

Pas encore. Que dit-on de moi en Belgique et qu'a-t-on
pensé de ma lettre à. propos de ces braves eommuneux de
France?

MARIETTE.

Le boucher, l'épicier, le boulanger et le charcutier sont una-
nimes. Ils disent que si vous osez faire venir à Bruxelles tous ces
gueux-là, il n'y aura jamais assez de cannes dans ce pays pour
vous les casser sur le dos, ni assez de bottes pour vous les in-
cruster au bas des reins.

victor, levant les bras au ciel.

0 les aveugles !... 0 la persécution !... Oh! l'affranchisse-
ment des nègres I... 0 les forçats !... 0 la Commune !... 0 tout
ce qu'il y a de beau et de grand sur la terre !...

(On sonne).

Mariette !.'.. Voyez qui vient...

(Mariette, toujours aplat rentre, outre la fenêtre cl regarde dans
la rue).

MARIETTE.

Maître... c'est un homme vêtu de blanc. Il porte à la main
un objet que l'obscurité ne permet pas de distinguer.

VICTOR.

C'est un exilé, sans doute!... Vite, fais-le enlrer... Ah! d'a-
bord, prépare-moi mon nuage et donne-moi mon auréole. Je
te permets de le relever.

(Victor se couche sur le divan. La femme Léclanché dispose dans
le cabinet plusieurs réchauds enflammés et y jette deux boîtes de
pastilles du sérail. Une nuée opaque et d'une odeur ignoble ne larde
pas à envelopper le poète de ses voiles. On n'aperçoit bientôt plus que
sa tête.)

VICTOR.

Mariette!...

MARIETTE.

Maître ?

VICTOR.

Et l'auréole?

■ MARIETTE.

Je ne la trouve pas. Je l'aurai mise hier dans votre table de
nuit.

VICTOR.

Oh ! misérable !... Cours la chercher. Tu sais bien que je ne
reçois jamais que l'auréole au front.

MARIETTE.

J'y vais, maître. Ne vous fâchez pas.
(Mariette sort et revient avec l'auréole.)

MARIETTE.

La voilà, maître.

VICTOR.

Donne vite.

(Le poète met l'auréole sur sa tête.)

Ah!... maintenant je puis recevoir... Dis donc, Mariette, il
faudra faire redorer ces deux rayons-là... on voit le fer-blanc..
A présent, va ouvrir et introduis.

(Mariette sort).

SCÈNE III.

VICTOR, seul.

Ça sent un peu fort, mais on s'y fait. Oh! que c'est beau
d'être Dieu! et qu'on est bien dans ce bon pays de Flandre!
(Entre Mariette, poussant un jeune pâtissier).

SCÈNE IV."
VICTOR, MARIETTE, LE JEUNE PATISSIER.

MARIETTE.

Maître, voilà le jeune homme en blanc.

VICTOR.

Qu'il paraisse !

le pâtissier, d'une voix étranglée.
C'est bien ici... que demeure... Monsieur... Victor... Hu...
Hu... Hu... (Il ne peut achever et tombe asphyxié par l'odeur et la

fumée).

VICTOR.

Quel effet je produis!... Tous comme cela!... Ah! c'est
beau la gloire!... Mariette... je soupçonne fort cejeune garçon
de ne pas être ce qu'il semble être. Je crois qu'il n'a pris ce
déguisement de gâte-sauce que pour pouvoir me contempler à
son aise. Qu'en penses-tu?

MARIETTE.

Je pense qu'il va crever s'il reste ici et que son macaroni se
répand partout.

VICTOR.

Alors, emmène-le. Mais c'est égal, ce doit être un rare esprit
et je suis bien fier d'inspirer de pareilles admirations!... Tu lui
diras, quand il aura repris ses sens, que demain il recevra une
lettre de moi.

(Mariette sort, traînant le jeune pâtissier absolument inanimé.
On ne voit plus du tout le maître, tant le nuage est opaque).

SCÈNE V.
VICTOR, seul.

Maintenant que nous voilà seul, dissipons le nuage et mono-
loguons. (Il ouvre la fenêtre et dépose son auréole, puis relevant
sa robe, il exécute un cavalier seul devant la glace en riant comme
une petite folle).

Faut-il que ces Belges soient assez gâteux pour me garder
dans leur bonne ville de Bruxelles, après toutes les niaiseries
que je leur ai voulues faire avaler?... II est vrai que le monde
entier sait bien que je ne pense pas un mot de ce que je dis...
et c'est là ma force... car enfin depuis cinquante ans en ai-je
écrit de ces blagues!... en ai-je édité de ces sottises!... en ai-
je rimé de ces mensonges!... dans une langue magnifique, il
faut me rendre cette justice!... Majs enfin de tout cela je ne
croyais pas un traître mot... J'ai prêché l'humilité en me pro-
clamant en toute occasion le plus grand poète du monde; j'ai
recommandé la charité en vivant comme un pingre; j'ai ac-
clamé la fraternité en cherchant par tous les moyens possibles
à armer les citoyens les uns contre les autres; j'ai fondé le
Rappel où l'on a largement et sous toules les formes légitimé
la révolution et le massacre; j'ai cessé d'être un poëte illustre
pour devenir un politique imbécile; j'ai fait tout ce qu'un
homme pouvait faire pour détruire, sans me préoccuper de
relever; j'ai grisé les foules idiotes, enrubanné les fusils lout
fumants de poudre des devises les plus ineptes, crevé toutes
les grosses caisses pour maintenir l'autorité rie mon nom et
vendre mes dernières élucubralions le plus cher possible, etje.
viens de mettre le comble à tous ces crimes en offrant un asile
aux gredins qui ont brûlé Pans!... Ah! il faut avouer que je
n'ai pas volé ma renommée !... J'aurais pu rester l'admirable
auteur des Orientales, de la Légende des Siècles, de Ruy-Blas et
de Notre-Dame-de-Paris; j'ai préféré devenir le vieillard qui a
écrit l'Homme qui rit et signé laLettre aux eommuneux!... est-ce
assez-malin? assez habile? assez roublard?... Allons, décidé-
ment, je suis le plus grand homme que la terre ait jamais pro-
duit et la Belgique est trop heureuse de me recueillir, moi,
mon nuage et mon auréole.

(Minuit sonne et trois pommes cuites lancées de la rue viennent
s'aplatir sur les trois portraits du maître.)

Trois pommes cuites!... c'est le signal... (Il se met à la
fenêtre).

SCÈNE VI.
VICTOR, UNE VOIX.

Qui vive? Qui va là?

La voix.
Moi! moi! moi!

VICTOR.

Qui? qui? qui?

LA VOIX.

Dombrowski.

VICTOR.

Dombrowski! Dombrowski! Dombrowski!
la voix.
Général polonais. J'ai volé plusieurs sommes
Un peu partout; tué pour ma part cinquante hommes,
Quatre femmes, de plus énormément d'enfants.
J'ai pris soin d'afficher des placards triomphants
Qui grisaient l'ouvrier et le faisaient se baltre.
Jurant comme un païen, me soûlant comme quatre,
Sabrant, assassinant, fusillant, bombardant;
J'ai couronné, Rigault et Pilotell aidant,
Mon œuvre de brigand, fidèle à sa parole.
En faisant de Paris un grand punch au pétrole,
C'était beau! Tu voulais mes litres? Les voilà,!
Suis-je à présent ton hôte attendu?

VICTOR.

Touche-là.
LA voix.
Mais d'autres m'ont suivi.
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