Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 2.1872

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.3250#0049
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
s

!%

LE GRELOT

**K\

*«*".

"\.

""SX

'Vit

%

■sa

««*(,..

,(!(#'

;ï..',{'. LE DOCTEUR.
Méfiez-vous tout de même.

MOI.

Hein?

LE DOCTEUR.

Tout ça n'est qu'un truc, allez.

MOI.

Bah?.

LE DOCTEUR.

C'est un roublard.

MOI.

Oh!

LE DOCTEUR.

A bon entendeur, salut.

le berger courbet, se levant et continuant à monologuer :
O les prés! ô les bois! ô les divines senteurs de la brise!
ô les plaines embaumées! ô les moutons!... ici, Rigault!

Nicolas FLAMMÈCHE.

On dit — remarquez que ce n'est qu'un on-dit — on dit
que Napoléon III a désigné — ou va désigner — le, maréchal
Bazaine aux suffrages des Corses en remplacement de feu Cont),
représentant à l'Assemblée nationale.

Si ce qu'on dit est vrai, — et je me demande pourquoi ce ne
serait pas, — Bazaiue deviendra député et inviolable avant
d'être jugé.
i Est-ce donc là. ce qu'attend le Gouvernement?

Depuis un an que les enquêtes durent, est-il impossiple de
formuler une accusation ou de prononcer un acquittement ?

Bazaine a-t-il été un traître comme tout le fait supposer, ou
un héros comme quelques-uns le disent ?

II y a quelqu'un de plus intéressé peut-être à un jugement
définitif, ce serait, —s'il est innocent de trahison, — le maré-
chal Bazaine lui-même!

Mais il faut que le jour se fasse.

Le maréchal Bazaine ne pourrait entrer à la Chambre que
jugé et acquitté.

Qu'on le juge.

Le Grelot en était à son troisième dessin refusé dans la même
semaine.

Pourquoi? Bien fin qui l'aurait dit.

—• Parbleu! m'écriai-je, dès que je me trouvai seul en face
de mon papier, dame Censure mérite bien d'être secouée
d'importance. A-t-on jamais vu ailleurs que dans ses bureaux
l'arbitraire se prélasser avec plus d'impertinence dans les fau-
teuils administratifs ?

« Quoi! ce que la plume du journaliste le moins osé dit à
chaque heure du jour, il ne sera pas permis au crayon du ca-
ricaturiste de l'exprimer à son tour!

« Eh soit, admettons encore — nous ne sommes pas de diffi-
cile composition — que la plume ait des droits qui n'appar-
tiennent pas au crayon. Qu'on impose donc alors au crayon des
lois régulières; qu'on lui trace le cercle dans lequel il lui sera
désormais permis de se mouvoir. Mais non ; pour le crayon,
il n'y a pas de cercle, même étroit; il n'y a pas de lois, même
barbares, même grotesques.

« Le crayon ne connaît qu'un régime, celui de l'arbitraire.
Tel dessin est refusé, tel autre est accepté selon qu'un employé
a mal ou bien déjeuné; qu'il a perdu sa canne ou retrouvé son
chien; que son barbier l'a coupé; que sa femme lui a fait des
traits, ou qu'un créancier lui a présenté sa note.

« Et ce n'est pas tout. Grâce à ce concours des circonstances
extérieures, le dessin qu'on avait accepté hier se trouve refusé
aujourd'hui; celui qui avait été mis à l'ombre acquiert tout à
coup la faculté de paraître au grand jour. Est-il possible qu'un
gouvernement qui se respecte, qui entend être respecté, tolère,
pis que cela, entretienne cet arbitraire organisé? Non, cela
n'est pas possible. »

Et, ce disant à moi-même, je tourmentais la plume d'une
main fébrile quand quelqu'un me frappa sur l'épaule.

Je me retournai. C'était l'ami Asmodée.

Un malin sourire apparaissait à travers les ûls rares de sa
barbe.

— Allons, viens, me dit mon boîteux compagnon.

Je me levai sans lui demander d'autre explication. 11 jeta son
manteau par terre. Nous posâmes les pieds dessus et le vent
nous emporta.

IJn moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous nous
trouvâmes devant une habitation qui m'était inconnue.

Asmodée fit un signe : les murs s'écartèrent obligeamment;
et nous eûmes tout à coup le singulier spectacle d'un vilain
monsieur qui se couchait.

-i-Mon Dieu ! mon Dieu ! quel sort est le mien ! disait le vilain
monsieur en insinuant son chef dans un vaste bonnet de coton.
Mon Dieu, pourquoi ne m'avez-vous pas permis do gagner ma
vie d'une façon estimable comme tant d'autres. Je serais si heu-
reux de boulotter tranquillement dans une arrière-boutique.
Au lieu de cela... Ah ! malheur !

Et il arpentait la chambre à grands pas.

Tout-à coup il s'arrêta devant sa table de nuit et... —j'allais
me retourner, — et prit sur le marbre un journal.

Il le déploya d'une manière assez évidente pour que nous
pussions lire le titre :■ Journal de Paris.

Je donnai un coup d'œil aux autres feuilles politiques éparses

à la surface du meuble. C'étaient l'Union, l'Ordre, le Radical et
le Bien public.

— Ah! pensai-je, nou^sommes chez un éclectique !

— Allons, bon, j'en étais sûr, s'éoria le vilain monsieur en
jetant son journal,'c'est l'orléanisme qui a la corde. Et moi
qui ai laissé passer hier un coq.

J'étais fort intrigué.

— Qu'est-ce que c'est donc que ce monsieur qui se repent
d'avoir laissé passer un coq? demandai-je à Asmodée.

— Tu ne devines pas, dit mon compagnon, c'est un de tes
censeurs.

— Ah bah!

Le spectacle acquérait pour moi le plus vif intérêt.

— Oui, j'ai laissé passer hier un coq, un coq ridicule ! repre-
nait le vilain monsieur avec un accent désespéré.

Et se frappant la tête de coups répétés qui renfonçaient à
temps égaux la mèche de son couvre-chef :

— Imbécile, tu as laissé passer un coq, quand les orléanistes
ont la corde ! Sois tranquille, on s'en souviendra. Et alors,
adieu ta bonne petite place. Ah I quel enfer!

Là dessus le pauvre homme souffla brusquement sa bougie
et se jeta dans son lit comme on se jette à l'eau — pour oublier;
mais à la lueur d'une veilleuse nous continuions de voir s'agiter
entre les draps sa silhouette tourmentée.

II y avait pourtant dix minutes qu'il se tenait tranquille, et
on aurait pu le croire endormi, quand tout à coup il "se
dressa sur son séant et se frappant le front:

— Ohl cette pointe inexplicable qui figurait, il y a trois se-
maines, dans ce dessin que j'ai autorisé. Enfer et malédiction!
J'ai trouvé... c'est celle d'un casque! Si l'on allait s'en être
aperçu... Oh! ma place; ma place, ma pla...a...ace!

Cette fois il arriva qu'épuisé par les émotions de I* soirée,
le vilain monsieur finit par trouver un.moment de repos, — mo-
ment bien court.

Deux ou trois ronflements sonores avaient à peine témoigné
du charme qu'il commençait à goûter que ses bras s'agitèrent
hors du lit et que des cris étouffés commencèrent de témoi-
gner qu'il était en proie à un affreux cauchemar.

— Allons, bon ! j'en étais sûr, balbutia-t-il, croyant évidem-
ment déguster encore un des journaux posés sur sa table de
nuit, c'est aux bonapartistes qu'appartient l'avenir. Et cet aigle
déplumé dont j'ai permis la mise en vente. Ah ! le ciel m'est
témoin que je n'y ai pas mis de bonne volonté! Si je me suis
laissé forcer la main, c'est que je croyais bien ce jour-là que
l'avenir était à la monarchie. Oui, mais se diront-ils cela, les
bonapartistes, en revenant au pouvoir? Hélas, non!... Quelle
vie, mon Dieu!... ma place! ma place! ma.'..a... pla...ace I

Il se retourna en gémissant avec un soubresaut comme aurait
pu faire saint Laurent sur son gril.

Un moment après il s'adressait à la muraille.

— Non, monsieur le dessinateur, je ne puis pas tolérer que
vous représentiez une cheminée sansmeltre une pendule sur
le marbre. Représenter une cheminée veuve de sa pendule,
c'est insinuer que cette pendule a pu être enlevée par les Prus-
siens; or, cela...

Ici il s'arrêta comme pour écouter une réponse.

— Oui, reprit-il, je sais bien que cela s'est fait. Je n'ai pas
la prétention de le nier; mais pourquoi rappeler ces choses-là,
il vaut bien mieux les dissimuler. Voyons, ajoutez-moi là une
pendule. Si ce n'est pas pour moi, faites-le pour être agréable
à nos voisins.

Ici le verbe de son interlocuteur imaginaire lui parut monter
de ton probablement, car il éleva lui-même la voix.

Ce furent deux ou trois exclamations inintelligibles; après
quoi, notre dormeur donna finalement du néz dans la muraille,
ce qui le rendit au sentiment de la réalité.'

Il fit un bond hors du lit, alluma sa bougie, et, pour se ras-
séréner, ouvrit l'Union avec confiance.

Le vilain monsieur n'en avait pas lu plus de quinze lignes
qu'il se livra à une nouvelle gymnastique.

— Je le disais bien, à Chambord le pompon. C'est vers lui
que la France entière tourne en ce moment des yeux sup-
pliants... Bon Dieu ! Est-ce q.ue J'aurais eu le malheur d'auto-
riser quelque chose qui... Ah I J'en ai bien peur. Comme il
faut être prudent dans notre état. C'est-à-dire, que pour l'être
assez, il ne faudrait jamais rien permettre. Patience, ça viendra.
En attendant, ces brigands de journalistes nous.harcèlent 1 Ils
ne nous laissent pas 'un moment-de repos... Tiens ça me fait
penser que j'ai là des dessins qui. attendent depuis quatre
jours.

Il se leva pour aller chercher nu-pieds quelques chiffons de
papier déposés dans un coin.

— Oui, continua-t-il, ce sont ces dessins qu'on attendait
pour le numéro d'avant-hier. Mais il faut bien le temps de les
examiner. Celui-ci à la prétention de représenter un clair de
lune. Un clair de lune tout simple, ça n'est pas naturel. Il y a
une allusion là-dessous; cette allusion estévidemment d'autant
plus, grave qu'on a pris soin de la cacher davantage. Et je ne
la vois pas ! Je ne me relève pourtant pas une fois la nuit sans
y.aller jeter un coup d'œil: Voyons encore.

Ce disant, il regardait le dessin, en se tournant à droite, en le
tournant à gauche, en le renversant, en le regardant en trans-
parence dans tous les sens.

— Non, rient Le sens m'échappe. Ah ! c'est à rendre fou, ces
choses-là. C'est à... Attch!

Un élernuement rappela au vilain monsieur la légèreté de
son costume. Il rentra dans son lit, maudissant encore une fois
les dessinateurs auxquels il devrait son prochain rhume de cer-
veau ; puis sa tête bourrelée de secrètes terreurs disparut dans
le creux de l'oreiller; mais les soubresauts de la mèche blanche
qui émergeait au-dessus trahissaient assez les angoisses persis-
tantes de son propriétaire.

Parmi les paroles entrecoupées qui arrivaient jusqu'à nous,
j'entendais encore :

«Ma responsabilité! Oh! terrible!...

« Le clair de lune. Je devine ! Non, ça n'est pas ça...

« Est-ce que ce brin d'herbe écrasé n'a pas un peu la forme
d'une fleur de lys?...

« Si je savais seulement ce que l'avenir nous réserve...

« Ma démission? Non, non, jamais! »

Asmodée me regarda :

— Te sens-tu le courage de le plaisanter encore?
Je secouai négativement la tête.

— Oh! murmurai-je, le pauvre homme!

CHUT.

La lecture Ou Pays offre des charmes tout particuliers. Il
serait difficile de trouver un journal où l'imprévu ioue un nlus
grand rôle. \ • *

Un sieur Dularlre, représentant de commerce, a écrit à
M. Raoul Duval une lettre assez raide, à peu près conçue en
ces termes" :

« Vous dites que je suis de l'Internationale, vous meniez I » Le
Pays en reproduisant cette lettre, pousse les hauts cris.
(.Quel style! quelle impolitesse! si M. Dutartre ne lient pas
par quelques bouta l'Internationale ou à la Commune, il en a
du moins tout le langage ! »

N'est-il pas adorable de trouver cette leçon d'urbanité dans
le journal des bottes dans le derrière ?

Quand le Pays accuse M. Jules Claretie de crocheter les ser-
rures et de faire sauter les tiroirs, est-ce à l'Internationale
qu'il tient par quelque bout ou à la Commune?

GRELOTS

Si j étais gouvernement, et si j'avais quelque projet de loi scabreux à
présenter à la Chambre, j'attendrais que nous soyons à la semaine
sainte... parce que c'est la semaine des votes, par excellence.

Par suite de la démission de M. Pouyer-Quertier, on a parlé dernière-
ment de M. BufletiComme ministre des finances, probable.

La nouvelle me semble douteuse; M. Thiers est trop habitué à avoir
des ministres comrjodes pour leur adjoindre un ministre Buffet.

Le ministère veut â tout prix une nouvelle loi répressive à l'égard de
la presse. 4

Cette loi est déjà baptisée dans le public. On l'appelle la loi. . du
plus tort. rr

Chose bizarre, C'est surtout dans les maisons de blanc que les em-
ployés travail ent comme des nègres.

Les journaux illustrés de la semaine dernière ont donné le portrait du
roi de Siam. .

Je trouve que ce roi a une assez bonne boule.

A côté des versements en argent, on remarque dans les listes des
souscriptions déjà publiées un nombre important d'engagements condi-
tionnels, émanant lie personnes riches.

Rien de plus naturel. N'appelait-on pas autrefois les gens riches des
gens de condition?

Dans la guerre désastreuse dont nous subissons aujourd'hui les consé-
quences, les uns ont donné leur sang, les autres leur fortune.
C'est toujours l'application delà formule : la bowseou la vie!'

Parfois l'on dit : « C'est le monde renversé » ; l'on parle sans doute
alors des Chinois qui sont nos antipodes. '

-ogo^a-

Lorsque l'on ne veut pas être reconnu par les gendarmes, un moyen
de salut, c'est de s'enfoncer la tête dans sa casquette.

Un vidangeur peut en même temps avoir l'esprit léger et être enfoncé
dans la matière.

L'honnête homme qui dit ce qu'il croit être la vérité impose.
Ceci explique la conduite de M. Thiers.

L'homme est sujet aux travers; ce qui est imposable est sujet aux
droits.

M. Thiers ne vend pas le terrain de sa propriété do la place Saint-
Georges. Contrairement à son hôtel qui n'a plus que les fondations ce
bruit manque de fondement.

TB1BOULBT.

Plusieurs fautes se sont glissées dans notre dernier numéro :
A la ligne 29 du cas de Bcnin-Poiré, de M. Louis Leroy, une feuille
de chou était devenue une famille de chou.
Au dernier vers de l'Argent béni, de M. Paul Parfait, au lieu de :

d'Alsace et de Lorraine,
Il fallait lire :

d'Alsace ou de Lorraine.
Image description
There is no information available here for this page.

Temporarily hide column
 
Annotationen