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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 3.1873

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https://doi.org/10.11588/diglit.6812#0030

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LE GRELOT

LE GRELOT

ÉDITION DE LUXE

prix d'abonnement ponr paris et les départements

Un an ... r • 15 »
Six mois .... 7 50
Trois mois .... 4 »

Prix du numéro : 25 cent.

Un journal impute à l'éditeur du Grelot
des faits d'une nature telle, que nous
croyons devoir en référer à la justice.

Nos lecteurs comprendront que nous
devons nous abstenir de toute polémique
jusqu'à solution du procès que nous in-
tentons audit journal.

-*.--

A VOUS, MONSIEUR LE DÏÏC

L'Assemblée ne me paraît pas entrer dans
la voie de la plus franche gaîté.

Vous croyez peut-être, lecteurs adorés,
que cette majorité qui a, depuis Bordeaux,
passé son temps à brouiller toutes les cartes,
à nous préparer des journées qui ressemblent
à des révolutions ou qui, tout au moins, les
prépare, vous croyez, dis-je, que cette ma-
jorité va enfin se décider à rester un peu tran-
quille?

Erreur !

Vous ne connaissez pas ces braves gens-là !

On repeuplerait la forêt de Rambouillet
avec les lièvres que ces conservateurs s'ingé-
nient à lever.

Ahl çà, mais, se dit chaque matin le sire de
Lorgeril, on n'a pas encore fait de barrica-
des, et tout semble indiquer que la journée
se passera sans coups de fusils.

Qu'est-ce que cela veut dire?

Est-ce que, sous cette gueuse de Républi-
que, on s'aviserait d'être tranquille?

Oh! oh! oh!

Cela ne sera pas. Pasquierl... monsieur le
duc Pasquierl

— Mon ami!

— Qu'est-ce que vous pourriez bien nous
offrir aujourd'hui pour troubler un peu les
esprits de mes crétins de concitoyens?

— Dame, mon cher Lorgeril, vous me pre-
nez un peu au dépourvu...

— Bah!... cherchez bien...

— J'ai à peu près vidé mon sac !

— Vous?... allons donc!... des blagues!

— Je vous certifie...

— Un matin comme vous!

— Vous me flatlez... mais...

— Je suis sûr que vous tenez quelque
chose.

— Vous croyez?

— Je le vois à votre nez.

— Le fait est que...

— Hein?... quand je vous disais!...-

— Il me semble qu'une bonne petite inter-
pellation sur les marchés de Lyon...

— Parfait!

— N'est-ce pas? Je tombe sur Challemel-
Lacour.

— Bien !

— J'aplatis Ferrouillat.

— Exquis!

— J'envoie à travers le nez des républicains
le reste de mon panier aux ordures.

— Admirable!

— Et je souffle, sous le prétexte de remet-
tre tous ces galvaudeux-Ià à leur place, une
bonne petite bourrasque parlementaire , qui
a immédiatement pour résultat de nous faire
un peu plus mépriser de la galerie... si c'est
possible.

— Grand homme, va !

— Ça y est, hein?

— Si ça y est?... Enfant !... mais plutôt
cent fois qu'une !

— Je compte sur vous?

— Tiens, parbleu !

— Interrompez-moi ces croquants-là ferme,
au moins

— Rapportez-vous-en à Bibi.

— Vive le roi !

— Vive le... Chut!... Voici le petit père
Thiers qui entre.

— Motus !

— A demain!

— A demain !

*

* *

Ça n'a pas raté.

Pasquier a parlé.

Lorgeril a interrompu.

Et devant les hurlements de la droite, les
députés lyonnais ont remporté leur veste.

Cependant, voyons, soyons juste.

Qu'est-ce que M. Pasquier a voulu prouver?

Qu'il y avait eu des filous depuis le 4 sep-
tembre?

Parbleu ! voilà une belle nouvelle !
Il n'v en avait peut-être pas avant, n'est-ce
pas?

Il me semble que, sous la royauté, celte
denrée-là ne manquait pas non plus, et que,
depuis le premier des grands seigneurs jus-
qu'au dernier des fermiers généraux, c'était
à qui tondrait le plus près le pauvre Jacques
Bonhomme.

Maintenant, j'aurais bien voulu voir le bril-
lant d'Audiffret préfet de Lyon pendant la
guerre.

Je ne sais pas s'il eût fait beaucoup meil-
leure figure que les autres.

En somme, M. Challemel-Lacour ne pou-
vait pas être dans les capotes , dans les ca-
nons et dans les couvertures qu'on lui ven-
dait.

11 s'agissait d'aller au plus pressé.

Et la besogne n'était pas facile.

Ce n'est pas la faute du préfet si les four-
nisseurs l'ont trompé. Il n'avait guère le temps
d'examiner les échantillons.

Et puis, quoi!... C'est bien facile avec de
grandes pbrases et des clichés tout faits, de
produire de l'effet sur une majorité décidée à
être de votre avis quand même.

Le beau mérite de dire : tue!... quand les
camarades vous répondent : assomme! sans
même se donner le temps de la réflexion.

Pour moi, j'estime que le sire d'Audiffret
aurait mieux fait de se taire... quant à-présent,
du moins.

Il eût été toujours temps de laver notre linge
sale quand les Prussiens n'auraient plus été là,
l'arme au pied, dans nos provinces, riant de
nos discordes, de nos misères et de nos lâche-
tés.

Mais on ne saurait penser à tout.
N'est-ce pas, monsieur le duc?

Nicolas FLAMMÈCHE.

CAPRICES ET VARIATIONS

sur

UN THÈME FAVORI

Depuis quelque temps le public avait re-
marqué que l'agence Havas Bullier se com-
plaisait à faussor toutes les nouvelles dont elle
donnait communication aux journaux. Elle
déclarait, par exemple, la semaine dernière,
que M. Jules Simon venait de recevoir de S. S,
Pie IX le titre de chanoine honoraire du cha-
pitre du Saint-Crucifix, et qu'il n'apparaîtrait
plus au banc des ministres qu'armé de la
crosse abbatiale. Quelques jours plus tard
elle annonçait que M. Alexandre Dumas fils
posait tous les jours, de deux à cinq heures,
dans l'atelier de M. Courbet, auquel il avait
adressé le premier exemplaire de La Femme
de Claude, avec cette dédicace : « Au grand
maître du réalisme, son indigne élève. A. D. »
Et ainsi de suite. Mais tout se découvre k la
lin. Les inexplicables et malveillantes erreurs
de l'agence Havas-Bullier avaient une cause
toute naturelle que Paris-Mensonge, l'hono-
rable et spirituel journal de M. de Pêne, vient
de découvrir. Un agent de l'Internationale s'é-
tait, à ce qu'il parait, introduit dans le per-
sonnel de la maison, à l'insu du directeur.

*

* *

On sait "comment, dans ces derniers temps,
tous les journaux bien pensants ont dû s'ex-
primer surles lettres inqualifiables que M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire envoyait — sans les
affranchir — à tous les conseils municipaux
qui osaient applaudir au maintien de la Ré-
publique Il paraît que la bonne foi de l'an-
cien traducteur d'Aristote avait été surprise.
Il était invraisemblable, en effet, qu'un écri-
vain qui avait traduit dans sa jeunesse la mo-
rale de ce grand homme, pût condescendre à
flatter les espérances du parti radical. Les
témoins les plus dignes de foi nous ont donné
le secret de l'énigme. M. Barthélémy Saint-
Hilaire avait pour secrétaire un jeune homme
sur lequel il s'en reposait du soin de sa corres-
pondance; or, ce jeune homme ayant été pris
hier d'une syncope, futtrouvé nanti, au moment
où on déboutonnait le col de sa chemise
pour lui donner de l'air, d'un livret de l'Inter-
nationale parfaitement en règle qu'il portait
sur son cœur.

* *

Un horrible malheur vient de frapper lin de
nos confrères les plus sympatiques, M. X...

Au moment où il sortait de corriger ses
épreuves, un chien enragé sauta sur lui et le
mordit cruellement dans l'endroit le plus ex-
pressif de son individu. On transporta immé-
diatement M. X... chez un pharmacien qui lui
prodigua les soins les plus empressés. Mais
notre collègue avait été profondément atteint
par le chien dont l'hydrophobie n'est que trop
certaine. On parle de l'étouffer entre deux
matelas (pas le chien).

N. B. Nous apprenons à la dernière heure
que le chien qui a mordu M. X... appartient
à M. Métris, le propriétaire du lavoir de
Noire-Dame de Quiquengrogne qui est, comme
on sait, un des chefs suprêmes de l'Interna-
tionale.

*

* *

Le voilà donc connu, ce secret plein d'horreur!

Oui,
Nous,

Nous seuls,

Nous sommes les premiers,
Les premiers ! les premiers ! ! les pre-
miers! ! !

A donner des renseignements précis et in-
discutables sur l'épouvantable naufrage du
North-Fleet, couié à fond, comme on sait, par
un vaisseau resté jusqu'ici inconnu.

Ce vaisseau inconnu jusqu'à nous,

Ce n'est pas le Pelayo.

Ce n'est pas le Murillo!

C'est le Karl-Marx IU

Ah! ah!

Oui, le Karl-Marx!

Ce vaisseau gigantesque, construit dans le
plus grand secret par les membres du Conseil
général en mission dans les montagnes de l'E-
cosse, était chargé par la redoutable associa-
tion de porter aux ouvriers en mèches de lam-
pes de Bergerac (Gironde) douze cent mille
chassepots inunis chacun de cinq cents char-
ges, et quatre milliards en bons de la Société
industrielle, à seule fin de soutenir la grève par
tous les moyens humains et même inhumains.

Le Karl-Marx, lancé à toute vapeur, ren-
contra le Nori-Fleel à 4897 mètres, 2 centi-
mètres un tiers de la côte anglaise, et le coupa
en deux comme une galette. Après quoi, les
monstres qui le montaient reprirent leur
course effrénée, de toute la force de leurs
vingt-huit générateurs.

Mais le crime ne devait pas tarder à rece-
voir son châtiment :

Le Karl-Marx arriva sans encombre jusqu'au
70° de lattitude et 14° de longitude; mais là
une baleine l'attendait, gueule béante.

Par un esprit d'aveuglement sans exemple,
et où il faut reconnaître le doigt de la Provi-
dence, le pilote du Karl-Marx prit la gueule
de la baleine pour un port de salut et y fit en-
trer intrépidement le navire.

A peine le Karl-Marx avait-il pénétré dans
sa gorge que la baleine resserra les mâchoires,
étant ainsi aux détestables missionnaires de
l'Internationale tout espoir de retour.

Afin qu'on ne puisse douter de l'authenti-
cité de ces détails, nous nous empressons de
déclarer que nous les tenons de la baleine
elie-même qui nous les transmet par dépê-
che..

*

* *

Le Grelot, qui met à la disposition de ses
reporters des sommes vraiment incalculables,
est toujours — ses lecteurs l'ont deviné — le
journal le mieux informé de Pans : aussi
Villemessant ne peut-il l'apercevoir sans pâlir.

Or, voici ce qu'il vient d'apprendre d'une
personne qu'il peut regarder comme absolu-
ment sûre, relativement à l'issue malheureuse
des tentatives de fusion entre le comte de
Chambord et les princes d'Orléans.

Tout espoir n'est pas perdu!

Palpite, ô Dahirel.

En effet (attention, voilà les révélations qui
commencent), un de nos amis a reçu de
M. Bochet la confidence que le parti orléa-
niste était sur la trace d'une redoutable cons-
piration.

Il paraîtrait que le journal des Débats, le
journal de Paris et le Temps ont été acquis, il
y a six mois, par l'Internationale, et que les
trois rédacteurs en chef, gagnés par l'or du
conseil général, n'auraient pas craint d'inti-
mider, par les dernières menaces, M. Gauthier,
secrétaire de M. le duc de Nemours.

C'est à cette pression illégale et qu'on ne
saurait trop qualifier, qu'il faudrait attribuer
la lettre que l'infortuné M. Gauthier aurait
écrite ces jours derniers et qui a jeté le
trouble et le désespoir dans le camp fusion-
niste.

On comprend que si nos renseignements
sont exacts, cette lettre, fruit d'une abomi-
nable manœuvre, devrait être regardée comme
non avenue, et que tous les cœurs pourraient
renaître à l'espérance.

En attendant, que les méchants se tiennent
pour bien avertis! Leurs menées coupables
n'échapperont pas à l'œil vigilant du Grelot.

JOB.

LES TRENTE

Le but que se proposent probablement les
trente membres de la commission des réfor-
mes constitutionnelles est de mettre le prési-
dent de la République dans l'état d'équilibre

où se trouve un chat à cheval sur un bâton, à
la hauteur d'un cinquième étage.

Aussi, on se demande si, de hasard, ils ar-
rivaient à leurs fins, de quel côté il tomberait :
car sa chute n'est pas douteuse, et il faut s'at-
tendre à le voir sur le pavé l'un de ces matins.

On se figure assez difficilement, en effet,
qu'un cuisinier arrive à faire un pâté de lièvre
sans lièvre, et qu'un gouvernement arrive à
fonctionner sans autorité.

Du reste, fout se passe très-gentiment :

On ne veut nullement forcer le président à
faire ou à dire ce qu'il ne veut pas faire et
dire;

On se borne tout simplement à le prier de
ne pas faire et de ne pas dire ce qu'il voudrait
dire et faire.

Voici à peu près le langage que M. de Larcy
et ses collègues lui adressent :

'i Cher monsieur,

« Il est certain que nous avons la plus grande
confiance dans votre science gouvernementale
puisque nous vous avons fait l'honneur de vous
choisir pour président de notre petite répu-
blicaine provisoire. Mais comme nous avons
réfléchi que peut-être bien vous voudriez ef-
fectivement gouverner, en alléguant que vous
en êtes capable, vous trouverez bon que nous
réduisions votre autorité à la portion congrue
et que nous vous priions de venir prendre nos
ordres avant de vouloir quoi que ce soit. j>

Ce qui ressemble passablement à une plai-
santerie amère.

Je suppose une petite darne écrivant au
protecteur qui l'honore de ses bontés :

((Mon beau chien bleu,

« Tu ne peux pas t'imaginer combien je
t'aime !... Tu le sais, n'est-ce pas? et je t'en ai
donné assez de preuves, puisque je ne vou-
drais pas qu'un autre que toi payât les notes
de ma modiste et de mon carrossier. Mais
comme tu pourrais, sous l'ingénieux prétexte
que tu es fou de moi, vouloir me donner des
preuves de ton amour, trop matérielles pour
que j'y insiste davantage, je. te prie de ne pas-
ser chez moi que lorsque je t'y ferai appeler;
ce qui, tu peux t'en flatter, n'arrivera que tous
les trente-deux du mois. »

Il est probable que le nez du protecteur
prendrait des proportions inconnues jusqu'à
ce jour, et qu'il repasserait à un autre son rôle
de caissier.

C'est précisément le cas du président actuel
de la République :

On veut bien de lui pour régler les fournis-
seurs, — mais pour le reste, bonsoir.

11 faut avouer qu'il est de bonne composi-
tion, si ce iôle platonique lui suffit.

P. P. C.

LE MINISTRE ET LES DEUX DAUPHÏXS

La Chauve-souris et les deux Belettes

(La Fontaine, livre II, faile 6.

Un célèbre ministre à la tête blindée,
Nagea}! entre doux eaux quand il fut aperçu
Par un Dauphin dont il avait trahi l'idée.

Il fut par lui fort mal reçu :

— « Vous enfoncez!... ail right!... Il fallait vous con-

[duire

» Mieux!... Je ne sauve pas ceux qui veulent me nuire;
» Vous êtes Radical, c'est ma conviction;
» Vous avez entassé boulette sur boulette... »

Mais le ministre, hochant la tête,
Masqua bien sa confusion :

— « Moi, Rouge! Avez-vous pu gober cotte nouvelle !

» Je lis tous les jours ['Univers;
» Vive le Roi 1 Voyez mon zèle,
» Me croyez vous donc un pervers!... »

Le Dauphin attendri, pardonne,
Le conduit au port et lui donne
Liberté de se retirer.

Deux jours plus tard, tête engourdie,
Le ministre près d'expirer
Rebarbotait dans l'eau d'une chambre en furie.

Vint un autre Dauphin pour lui sauver la vie :

— « Quoi! — dit-il, — un Réac!... Zut alors!...

[Reste à l'eau;

» Je n'aime que les gens qui portent mon drapeau. »

Le ministre, s'armant d'un reste de courage,
S'écria : « Mon ami, mais vous n'y pense/, pas!...
» Vous me croyez Réac !... j'eurage !...
» Je suis Démoc, vivent les Ra-
» dicaux, Spuller et cœtera!... »

Grâce à l'esprit de repartie,
On lui sauva deux fois la vie.

La morale est qu'en France il se trouve des gens
Qui changent de couleur autant que de costume ;
Qui, dans leur intérêt, seront toujours changeants :

— Le matin pour le Roi; — le soir pour la Commune

QUIQUENGROGNE.
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