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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 3.1873

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LB GRELOT

UNE ÉPITRE D'HENRI IV

A LA COMMISSION DES NEUF

Nous recevons, au moment de mettre sous
presse, la lettre suivante que nous nous em-
pressons de publier :

« Terre-plein Ou Pont-Neuf, 1er novembre 1S73.

» Monsieur le rédacteur,
»Il m'est absolument impossible de voir la
conduite des monarchistes de votre temps sans
y répondre comme il convient. Quant à mon
petit Chambord, il aura sous peu de mes nou-
velles.

» S'il compte sur les étrcnnes que je lui
donnerai!

» Il peut se fouiller, comme j'entends dire
quelquefois au bas de mon piédestal.
» Sur ce, cher monsieur, tout à vous,

» Votre bien dévoué,

» HENRI IV.

» P. S. Veuillez donc, je vous prie, insérer
ma prose. Vous serez un ange. »

a messieurs les membres de la commission
des neuf.

» Messieurs,
» On ne saurait, en vérité, être plus sot et
plus coupable que vous ne l'êtes depuis deux
mois.

» De quel droit, s'il vous plaît, vous permet-
tez-vous de régler suivant vos petites ambitions
personnelles le sort du pays que j'ai tant aimé?

» Vous vouliez rétablir la monarchie quand
même, et vous n'avez pas craint, pour en arri-
ver !à, de plonger la France dans une série
d'agitations déplorables et de compromettre
mon pauvre neveu dans une aventure qui ne
peut que compléter son impopularité et le
couvrir de ridicule.

» Si vous croyez que nous la trouvons drôle,
nous autres, les grands rois?

» Ahl niais non !

» Si vous vous étiez tenus tranquilles, si vous
aviez laissé faire le temps, peut-être en seriez-
vous venus à vos fins. Au lieu de cette sage et
patriotique réserve, vous avez voulu quand
même installer ce malheureux Chambord sur
mon trône, et vous n'avez pas pris garde que
les pieds en étaient singulièrement vermoulus.

Us se sont cassés rien qu'à l'idée de le sup-
porter.

Enfin, c'est fait, n'en parlons plus
J'étais en droit d'espérer qu'après ce four
colossal, vous seriez rentrés dans le silence
qui convient à des gens aussi formidablement
roulés que vous l'êtes.
Je t'en souhaite!

Vous ne vous regardez \ as comme battus
et, d'après ce que m'apprend mon journal, je
vois que vous voulez quand même imposer un
monarque à mes ex-sujets, qui, à toit ou à
raison, n'en veulent plus.

Ahl çà, dites-moi donc un peu, est-ce que
ça ne va pas finir?

A force de vous rendre odieux, vous irriterez
tellement ces malheureux Français, qu'un
beau jour, dans leur colère, ils finiront par
me flanquer en bas de mon piédestal.

Or, mon piédestal est à peu près tout ce
qui me reste et j'y tiens.

Donc, messieurs, moi, dont la voix est
quelque peu autorisée, je pense, je vous dé-
fends de donner suite à vos idées de restaura-
tion quand même.

Personne ne veut de vous.

C'est facile à voir.

Personne!... même les d'Orléans, qui pour-
tant ne se sont jamais montrés bien difficiles,
quand il s'est agi de pincer quelque chose
qui nous appartenait.

Mais eux, ce sont des malins.

Tandis que vous !...

Ah ! malheur!...

Quant à mon neveu, c'est un très-honnête
homme, mais sapristi! il n'est pas fort!

Je me propose, du reste, de lui en toucher
deux mots.

Lorsque moi, je n'ai pas hésité à entendre
la messe pour gagner Paris, il me semble
qu'il aurait bien pu...

Enfin, c'est une affaire à régler enlre lui et
moi.

Nous la réglerons.

Pour vous, messieurs, je vois que déses-
pérés, fous du peu de succès de ces miséra-
bles menées, vous vous proposez, à peine 'e
Parlement réuni, de vous ingénier de mille
manières à mettre des bâtons dans les roues.

Un ROU... il vous faut un ROI!

Faute de Chambord et du comte de Paris,
vous offrirez votre trône à Mac-Mahon, à
Pierre, à Paul, à Jacques, à qui voudra!

Un trône, messieurs! un trône!... qui veut
un trône? il y a marchand à cent francs... per-
sonne ne dit mot?

A quatre-vingts!

A cinquante!

A vingt !

A cent sous!

A vingt- cinq centimes !

Vous aurez beau baisser la mise à prix,
messieurs, vous ne trouverez pas d'acheteurs.

C'est triste. Mais c'est comme cela!

Prenez garde, messeigneurs de l'extrême
droite!

Il se pourrait bien que le pays, las de vos
agissements, ne finît par ne plus vous considé-
rer que comme des conspirateurs vulgaires
et ne vous traitât comme tels.

En ce cas, gare à la Bastille !

Pardon... j'oubliais que la Bastille a été
supprimée pour cause d'utilité publique...
mais je crois qu'il y a néanmoins d'autres
moyens de se débarrasser de vous.

Donc, dans votre intérêt, méditez les con-
seils d'un bonhomme qui, pour être en bronze,
n'en jouit pas moins encore d'un certain cré-
dit.

Faites les morts.

C'est ce qu'il y a de plus sage pour vous.
Sur ce, que Dieu vous ait en sa sainte et

digne garde !

HENRI IV. » j
Pour copie conforme.
NICOLAS FLAMMÈCHE.

LE PREMIER PLACET

Le 5 novembre, jour de la convocation de !
l'Assemblée, au moment où tant d'espérances ,
allaient aller rejoindre les neiges d'antan,
l'Hôtel des Invalides était le théâtre d'un mi- (
racle comme n'en fit jamais Notre-Dame de j
Lourdes. f

En effet, si les populations qui ont l'honneur -,
— si contesté, que ce n'est pas la peine d'en ■
parler — d'être le peuple souverain, ont, bien !
entendu dire que certains hommes privilégiés
avaient reçu des lettres de la sainte Vierge
dans des circonstances dontlagravité échappe
à l'analyse, jamais elles n'ont eu celui de pou-
voir dire qu'elles avaient compté parmi leurs
membres des gens assez distingués pour obte-
nir une communication d'outre-tombe ne ve-
nant pas. du ciel. !

Or, c'est précisément une confidence de
cette nature que l'invalide à la tête de bois
vient de recevoir pas plus tard que mercredi
dernier.

Il faut tout dire :

Ce jour-là, l'invalide à la tête de bois était
de garde auprès de l'ancien, qui n'avait pas
l'air de vouloir remuer plus qu'une souche.
Napoléon Ier gardait honnêtement l'attitude
qu'il doit au prince de Joinville.

Le bonhomme avait donc pris son poste de !
faction avec le calme que sa conscience lui
donne, quand soudain, il se sentit appeler par
une voix connue :

— Eh! grognard!... disait la voix.

11 jette les yeux autour de lui, ne voit per-
sonne, et se dit : J'aurai mal eniendu.

Mais, pas du tout, la voix répéta son inter-
pellation, et l'homme héroïque qui nous oc- '
cupe en ce moment murmura :

— Si c'est vous, mon empereur, ne vous
gênez pas, et si ça ne dépasse pas les moyens
d'un brave, pensionné par l'Etat, je suis à vo- i
tre service...

En prononçant ces mots, l'invalide à la tète
de bois tourna l'œil clu côté de Vancien qui,
sournois comme un prêtre, n'avait pas plus
l'air vivant qu'un bonhomme de cire, et il
aperçut tout à côté à de lui une lettre cache-
tée avec un soin qui (ûl défié tous les « cabi- j
nets noirs. »

Comme il ramassait cette lettre, la voix re- !
prit :

— Fais-la parvenir à son adresse.

— Convenu!... dit le grognard, la moitié
de ça suffît : on remplira le devoir!

Et comme il regardait la suscription, afin
de tenir sa promesse, il lut avec stupéfaction
ces mots :

a m. le comte de chambord,

Pour lui être remis où on le trouvera.

L'invalide, qui compte parmi nos plus an-
ciens abonnés, fut un moment embarrassé :
M. de Chitmbcrd était-il à Salzbourg, à
Froshdorff, à la frontière, ou à Ltvallois- I
Perret, c'est ce qu'aucun de ses camarades ne
pouvait lui dire...

Aussi, après bien des hésitations, se décida- I
t-il à venir trouver le directeur du Grelot et à I
le prier d'user de sa haule influence sur l'ad- !
ministralion des postes pour faire tenir à M. de
Chambord la lettre de son empereur.

Eh bien!... faul-il le dire?...

Oui, après lout, disons-le!... Et qu'on juge !
de notre dévouement à nos lecteurs,

A peine le directeur du Grelot eut-il vu Pin- 1
valide à la tête de bois tourner le coin de la
rue du Croissant qu'il prit un canif à lame
très-mince, et ouvrit délicatement la lettre en
question sur l'un des côtés, ainsi que cela se
pratique dans le meilleur monde et dans les
romans de Ponson du Terrai!. j

Mon Dieu! vous me direz : voilà un procédé '
qui,... que !...

Certainement!

Mais du moment que les plus honnêtes gens
le font, n'est-ce pas, nous n'avons pas besoin,
nous autres qui sommes des coquins, à ce que
ditSaint-Genest, d'être plus scrupuleux qu'eux.

Enfin, voici ce que Napoléon Ier écrivait au
chef de îa maison de Bourbon :

« Hôtel des Invalides, S novembre 1873.
» Sire,

» Ce n'est pas d'une petite affaire que je viens
vous entretenir,

» Et je ne mets pas la main à la plume pour
des prunes.

» J'arrive au fait :

» Il s'agit de la Colonne.

» Les coquins de communards l'ent renver-
sée,

» J'ai été jeté en bas, d'une hauteur de
trente mètres, et la tête la première, — ce qui
n'est pas une façon de congédier un honnête
homme.

" » Dans quel état on m'a ramassé, Sire, je ne
vous le dirai pas par pitié pour moi-même...

» Mais ce n'est pas tout,

» Ce premier outrage ne suffisait pas.

» L'Assemblée, à qui vous devez tant, devait
combler la mesure.

» En effet, non contente de m'avoir vu à
terre,

» Elle eut la cruauté de décréter que j'y
resterais,

» Et qu'on mettrait à ma place la statue de
la France, sur la colonne réédifiée.

» Je vous demande un peu, Sire, si cela a
une ombre de justice ;

» Car, enfin, qui est-ce qui a donné le bronze
pour faire cette colonne?

» Est-ce moi, — ou un autre?

» Si la France avait su d'avance combien
eile lui coûterait, en eût-elle voulu seulement?

» Tandis que moi, ai-je hésité ?

» Sire, vous êtes juste;

» Vous avez déclaré que vous respecteriez
tous les droits acquis!

» Vous ne faillirez pas à vos promesses,
Sire!...

» Et puis d'ailleurs, entre nous, qu'est-ce
que la France pour vous, sinon la collection
de vos sujets?

» Et depuis quand a-t-on vu un roi dresser
des statues à ses sujets?

» Ce serait le monde renversé !

» Tandis qu'à moi, c'est tout naturel.

» Et, entre nous, vous me devez bien ça.

» Si nous n'avons pas des égards les uns
pour les autres, de qui devons-nous en at-
tendre?

» Et puis une question :

» A qui devez-vous de revenir en France,
sinon à moi et aux miens?

» Que serait devenu Louis XVIII sans Wa-
terloo!

» Où seriez-vous sans Sedan !

» Allons, Sire, un peu de reconnaissance !

» Ma colonne!... ou je dis partout que vous
êtes un ingrat.

» De Votre Majesté, le très-dévoué et très-
fldèle usurpateur.

» buonaparte. »

P. S. Un mot de réponse à i'Hôtel des In-
valides, s. v. p. — Affranchir.

HOMO.

LE CAS DE M. CHESNELONG

On nous apprend à la dernière heure une
épouvantable nouvelle.

M. Chesnelong est devenu fou !

Un de nos plus agiles reporters se précipite
à l'instant au domicile de l'infortuné restau-
rateur... de la monarchie et y recueille les
renseignements suivants.

Il paraîtrait que depuis la lettre du comte
de Chambord, la vie élait devenue impossible
pour cet illustre cuisinier politique.

Voici, en effet, ce qui se passait.

M. Chesnelong, après une soirée passée
joyeusement avec quelques restaurateurs de
ses amis, so'ngeait naturellement à regagner
son logis.

Arrivé devant sa porte, il sonnait.

Pas de réponse.

11 resonnait.

Alors, la voix de son concierge s'élevait
dans le silence de la nuit.

— Qui est là?

— M. Chesnelong.

— Eile est bien bonne !

^—Comment, elle est bien bonne !... Elle
n'est pas bonne du tout, au contraire... Il fait
un froid de chien. Ouvrirez-vous à la fin?

— Vous êtes bien M. Chesnelong?

— Oui! oui! oui !... cent fois oui!

— Alors, je n'ouvre pas.

— Vous n'ouvrez pas?

— Non.

— Et pourquoi cela, s'il vous plaît?

— Parce que, s'il vous plaît, depuis que
M. Chesnelong nous a fichus dedans avec sa

restauration, ùous ne croyons plus un mot de
ce qu'il dit. Vous prétendez que c'est vous qui
sonnez, vous Chesnelong; eh bien, ça doit être
une blague... En conséquence, pas de cor-
don ! Bonsoir.

— Mais...

— Bonsoir.

Et le malheureux se voyait obligé de passer
la nuit sous les arches d'un pont quelconque...
ou au poste.

Même jeu au chemin de fer del'Ouest.

H se présentait au guichet.

— Une première, Versailles.

— Vous êtes M. Chesnelong?

— Parfaitement.

— Alors, voici un billet pour Meulan.

— Comment cela? Je vais à Versailles.

— C'est justement parce que vous me dites
que vous allez à Versailles que je n'en crois
pas un mot. Voilà ce que c'est que de blaguer
comme vous l'avez fait!

— Cependant...

Le guichet se refermait et la buraliste rica-
nait au nez du célèbre négociateur.

Ainsi de suite dans les moindres circons-
tances de sa vie.

On comprend facilement que la raison de
M. Chesnelong n'ait pu résister à ce régime.

Le pauvre diable est transporté aujourd'hui
même chez le docteur Blanche.

Nous ferons prendre de ses nouvelles.

NICOLAS FLAMMÈCHE.

GAZETTE DE QUIQUENGROGNE

E finita la comedial

Désormais la monarchie légitime, aussi bien
que la monarchie bâtarde, seront classées au
nombre des choses chimériques.

La Fusion ira rejoindre la pierre philoso-
phai, la quadrature du cercle et le mouve-
ment perpétuel.

C'est égal, je me sens une fameuse couronne
de moins sur Ja poitrine.

Et dire que ce cascadeur de Chesnelong a
pu se faire prendre au sérieux pendant quinze
mortels jours !

Sommes-nous assez gobeurs !

Si, au moins, le cas de Chesnelong pouvait
dégoûter les autres de Foy (inventeurs de la
profession royale ! ) de leurs tentatives de fu-
sion !...

Quelle veste à brandebourgs, mes amis!

Quant à nous qui, la semaine dernière,
avons joué au Journal des Débats, nous ne nous
repentons pas d'avoir vendu nos plumes.

Henri V nous avait payés pour cela.

Nous lui en avons donné pour son argent à
cet homme.

Mais aujourd'hui qu'il n'y a plus rien à
gratter, nous renions courageusement notre
drapeau d'occasion et nous n'hésitons pas à
chanter la palinodie et à crier à cet aimable
Chambord :

— Va te faire f.....usionner, mon bon-
homme !

* *

Comme M. Petdeloup, nous sommes sévères
mais justes.

Aussi n'endossons-nous point sans observa-
tions les louanges stupides que certaines
feuilles républicaines adressent au comte de
Chambord.

C'est à qui couvrira de fleurs... de rhétori-
que le tombeau de la monarchie.

« Ce noble sire, dit le Temps, est bien réel-
lement le plus honnête h,.mme de la chré-
tienté. Il n'a pas transigé avec sa conscience ;
c'est grand ! Il n'a pas renié son étendard
blanc; c'est beau! etc. »

« Henri V n'est pas tout à fait une canaille,
dit le Rappel, puisqu'il a préféré conserver son
noble caractère de gardien des sottes tradi-
tions monarchistes à la sinistre et farouche
gloire d'une resfauration antipathique à tous...
Il n'a pas voulu s'imposer... »

Minute, mes amis. Vous en parlez bien à
votre aise.

Permettez-moi de déculotter un peu votre
petit Chambord.

II faut êlre myope comme Foucher et bête
comme Villelard pour ne s'être pas aperçu
que Chambord ne s'est désisté (généreux dé-
sistement ! ) qu'après avoir acquis l'absolue
certitude que son affaire élait devenue horri-
blement mauvaise.

Le bon apôtre, conseillé parles domini-
cains, franciscains, bénédictins, et surtout
par les jésuites en cotillons courts qui l'entou-
rent, a préféré dépoétiser M. Chesnelong, son
bouc émissaire...

Sa lettre, sa fameuse lettre, n'a été écrite
qu'en vue d'éviter le plus joli four histo-
rique...

Le beau mérite, en vérité!

Cela me rappelle ce ministre de l'Empire
qui, tombé en disgrâce, et sachant qu'il allait
être remercié le lendemain, donna sa démis-
sion la veille anx applaudissements unanimes
du pays...
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