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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 4.1874

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https://doi.org/10.11588/diglit.6813#0050
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LB GRBLOT

ÉCHANGE DE CORRESPONDANCES

Saint-Genest à général Pavia.

Avez-vous reça dernier article Figaro?
Réponse, S. V. P.

Saint-Genest.

P. S. Je paye la dite réponse, parce que je
sais qu'en ce moment les affaires ne vont pas
trop chez vous.

Général Pavia à Saint-Genest.

Reçu article et lu avec grand plaisir.
Enverrai lettre détaillée à ce sujet.

Pavia.

Un heureux concours de circonstances nous
a permis de nous procurer une copie de la
lettre de l'illustre balayeur des Gortès espa-
gnols.

Trop heureux d'offrir ce morceau de style
auxjecteurs du Grelot.

A M. Saint-Genest, au Figaro,
Monsieur,

Croyez qu'après le plaisir de savourer ma
cigarette, je n'en saurais goûter de plus grand
que de vous lire, surtout après le boniment
que vous avez bien voulu faire sur ma per-
sonne et ma façon de procéder à l'égard des
assemblées constituées.

11 paraîtrait, d'après vos paroles, que la
France aurait le plus grand besoin de mes
services.

Je m'en doutais un peu, à ne vous rien
cacher.

Mais, après votre excellent article, mes
convictions sont absolument arrêtées.

Oui, c'est moi qui devrais...

(Ici quelques lignes que nous supprimons par
un excès de pfudence. Nos lecteurs suppléeront à
cette lacune).

Evidemment, parbleu!
Oui, mais il n'y a qu'un petit malheur.
C'est que je suis fort occupé en ce moment
chez nous.

Il ne me parait pas du tout, mais du tout
démontré que, l'un de ces matins Don Carlos
ne me rasse pas appeler, et ne me tienne pas
à peu près ce langage :

— Pavia!

— Sire?

— Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a
bien longtemps que Serrano garde le pouvoir?

—',Mon Dieu, sire, cela dépend des manières
de voir.

— Oui, mais la vôtre?

— La mienne? . Vous savez quelle est ma
spécialité, sire?

— Sans doute, jeter les gouvernements par
les fenêtres.

—'Précisément. Dam! pour peu que ma
petite industrie vous soit agréable, je me ferai
une véritable joie de l'exercer à votre service ;
mais il me semble que nous pourrions encore
attendre une huitaine.

— C'est bien long !

— J'en conviens; cependantfil est néces-
saire de donner à mes hommes le temps de
respirer.

— Mais, général, vous ne voyez donc pas
toutes les sottises que cet idiot-là fait?

' — Je les vois à m'en crever les yeux, sire.
-— Eh bien?

— Eh bien, certainement, ce gredin-là se
fiche.....

(Autre suppression conseillée par la prudence.)
On se croirait en France.

— Alors, il me semble que le moment...

— Un peu de patience, sire, un peu de pa-
tience.

— Allons, soit. J'attendrai jusqu'à la fin du
mois... mais une fois ce délai expiré, du balai,
Pavia, du balai !

— A vos ordres, sire.

Vous voyez donc, cher monsieur Saint-Ge-
nest, qu'il m'est bien difficile en ce moment
de quitter le beau pays des Espagnes pour
aller donner à Versailles une petite représen-
tation à votre bénéfice.

Charité bien ordonnée... n'est-ce pas?

Mais je puis vous envoyer Eugène.

Eugène est mon meilleur élève.

Il a travaillé longtemps dans les républiques
de l'Amérique du Sud et connaît son affaire.

Ce n'est pas un premier rôle, mais il a de
grandes dispositions. Avec cela, de la poigne,
rie l'audace et sourd comme un pot.

Ce qui lui permet de ne tenir aucun compte
des observations qui lui sont faites.

Voulez-vous Eugène?

Il est à vous.

D'autant mieux qu'il sera enchanté d'aller
faire un petit tour à Paris. Il paraît qu'il y a
laissé, dans la plus intéressante des situations,
une jeune ingénue des Menus-Plaisirs.

Ce n'est pas qu'il reconnaîtra l'enfant ;

Je connais ses principes ;

Mais il achètera un petit mobilier à la mère.
Voyons, ça vous va-t-il?

A vous de tout cœur,
Pavia.

Saint-Genest à Pavia.

Moi, fichu à la porte par Villemessant.
Donc, moi quitter Paris et me battre absolu-
ment l'œil de ce qui se passe chez nous.

-Merci pour Eugène.

Gardez-le toujours et perfectionnez son
éducation.
On ne sait pas ce qui peut arriver.

Je vous la serre,

Saint-Genest.

Pour copie conforme :
NICOLAS FLAMMÈCHE.

POUR LES PAUVRES!

Les journaux rédigés par des hommes qui
ne sauraient donner deux sous à un pauvre
sans éprouver le besoin de crier à toute la
France la gloire de cet acte héroïque,

Ces journaux reviennent, avec; une insis-
tance toute particulière, sur ce fait que l'on
I voit peu le nom des républicains opulents
! dans les listes de souscriptions publiques,
i Et avec la modestie pharisaïque qui est leur
! plus bel ornement,
i Us s'écrient :

« Voyez-vous ces républicains!...
» Quels pingres !

» Jamais ça ne met la main à la poche ;

» Tandis que nous !...
j » Nous avons encore donné aujourd'hui dix
1 sous pour les petits Chinois,
| » Et la semaine passée nous avions déjà
( donné deux francs pour l'œuvre des filles re-
: penties,

i » El, il y a trois mois, 1 fr. 50 !.,.

i » C'est-à-dire que nous sommes de petits

' Saint Vincent de Paul,

; » Tandis que vos chefs de file ne sont que
des pince-mailles.»

Nous n'avons pas à prendre la défense des
gros bonnets du parti républicain;
Mais entre nous,
' Voyons, là, franchement,

Combien le duc d'Auinale a-t-il donné pour
les pauvres sur les cinquante millions dont on
. vient de lui faire cadeau?

ST.

SCÈNES DE LA VIE POLITIQUE

LES INCIDENTS D'UN ANNIVERSAIRE

En sortant de Brivcs-la Gaillarde.

• (Les deux bonapartistes de Brives-la-Gaillarde, Fleur-
I dorti et Leneddant, montent en chemin de fer, se
i disposant à aller porier à Chislehurst les violettes
i de leurs sentiments. — Ils ont pris leur canne, leur
I parapluie, et ont laissé leurs femmes à la maison :
\ car le prince va être majeur, et alors!... Bonaparte
j ou Bourbon, le souverain n'a pas l'habitude de s'en
j passer en t'rance, n'est-ce pas?... Demandez'un peu
au prince (?) de.........!.'.. — Une certaine sé-
rénité colore d'une douce joie le visage des naturels
de Brives la-Gaillarde. — Le programme est arrivé
j en effet, dans cette ville, simple de cœur, maiséloi-
j gnée du bruit des affaires courantes, dans toute sa
I pureté, — et les deux amis se sont purgés la veille,
I afin d'être plus à même de célébrer dignement ce
grand jour.

fleurdorti.

Ma foi ! je crois que nou# allons rigoler !

leneddant.

Vous n'avez plus de coliques?

fleubdorti.

Non... c'était de l'huile de ricin... ça n'en
' donne pas.

leneddant.

Oh! moi, c'était du sel d'Epsom... J'en ai
I encore les entrailles qui m'en font des repro-
! chesI

fleurdorti.

Rah! bah!... le voyage vous remettrai... Et
j puis, vous savez, comme tout est à discré-
I tion, vous n'aurez qu'à prendre quelques ver-
j res de rhum sur le bateau, — et ça se remet-
j tra.

leneddant,

J'ai entendu dire qu'un peu d'absinthe pure
était meilleur!

fleubdorti.

! Je ne dis pas, — mais le rhum est bon
! aussi... Allons, allons, ça ne sera rien!...

leneddant.

Je l'espère bien, — sans ça, est-ce que vous
croyez que j'abandonnerais comme ça mon
épouse !

fleurdorti.

Et moi donc!... Mais, ah çà! dites-moi,
est-ce qu'ils vont nous servir à l'anglaise ou à
la française?

leneddant.

Ça, je ne sais pas, par exemple, — mais on
dit que le chef est bon!

fleurdorti.

Moi, s'il y a des croquettes de volailles et
des épigrammes d'agneau aux pointes d'as-
perges, je ne demande pas autre chose... je
ne suis pas difficile.

, leneddant.

Moi, j'aimerais mieux de la cuisine britan-
nique... de l'ox tail, un rumpsteak, des greens,
une grouse rôtie, — et saignante!... Vous sa-
vez qu'il faut qu'elle soit saignante!... Avec
ça une pointe de Stilton, quelques bouteilles
de Bass pale aie et du p>rt 69!.,. ça me chan-
gerait!

fleurdorti.

Je n' dis pas!... i*n' dis pas!,.. Enfin, il fau-
dra voir!... Mais, mention!

leneddant.

Quoi?

fleurdorti.

Le train est arrivé... nous n'avons qu'à de-
mander le bateau : nous allons trouver là belle
et nombreuse compagnie.

Sur le bateau.

(Fleurdortî et Leneddanf sont installés sur le pont,
du côté de la seconde classe. — De l'autre côté, cau-
sent gravement des passagers de première classe.
— Mais les deux catégories de voyageurs ne sont pas
tellement séparées l'une de l'autre, que les grands l
de ce monde ne puissent entendre la conversation
des gens du petit peuple, et réciproquement. —
Ou reste, les deux bonapartistes de Brives-la-Gail-
larde ont choisi, par hasard, une place très-favo-
rable à cette espèce d'espionnage involontaire. Ils
se sont adossés à la cheminée du navire qui occupe
juste le milieu de l'embarcation.

une voix (derrière eux).

J'aurais cru que nous serions plus nom- :
breuxl...

une autre voix.

Je vous avais dit que votre annonce produi-
rait un effet déplorable!...

la première voix.

Bah!... est-ce qu'on pouvait savoir?

la seconde voix.

Allons donc!... est-ce que vous avez des
prétentions à la naïveté, par hasard?

la première voix.

Mon Dieu, non!... Mais.,.

la seconde voix.

C'est inouï, ce que vous avez fait!... Com-
ment! vous croyez qu'on va se ruer à Chis-
lehurst lorsque, vous faites mettre des avis
semblables dans les journaux!

la premiere voix.

Mais il fallait bien le dire, puisqu'on me re-
fuse les fonds.

la seconde voix.

Décidément, vous êtes un sot en trois let-
tres : quoi! les feuilles républicaines et roya-
listes vous font cette réclame énorme de dire
que tous ceux qui voudront aller à Chislehurst
seront défrayés de leurs dépenses d'hôtel, et
vous avez la bêtise de dire, que ce n'est pas
vrai... Il fallait vous taire, imbécile, vous au-
riez bénéficié de la fausse nouvelle...

la première voix.

Et si on était venu me demander des fonds?

la seconde voix.

Vous auriez fait comme les princes d'Or-
léans; vous auriez répondu ; Il n;y avait rien
d'écrit!... Vous savez, dans ces temps-ci, et
dans notre monde, c'est très-bien porté le : il
n'y a rien d'écrit/

la première voix.

Oui, et puis l'on m'aurait appelé filou ! —
comme l'an passé.

la seconde voix.

Et puis, après ?. ..|En voilà une belle affaire !
Mais au moins vous auriez eu du monde.
leneddant, bas à Fleurdorti.
Dites donc, est-ce que vous avez entendu?

fleurdorti.

Si j'ai entendu?... j'en suis tout ébaubi !

leneddant.

Mais alors nous sommes floués !... nous ne
dînerons pas!

fleurdorti.

J'en ai peur!

leneddant.

Mais c'est donc de la volerie organisée!...
Comment, je m'en vais quitter Brives-la-Gail-
larde, ma patrie, — risquer une traversée, —

courir la chance de me noyer peut-être, — et
outre cela, il faudrait encore que je danse/ah!
mais non! par exemple !...

fleurdorti.

Allons, voyons!... n'faut pas s'décourager
comme çal... maintenant que nous sommes
presque en Angleter.e, il faut bien que nous
nous résignions à aller jusqu'à Chislehurst,
puisque nous sommes venus pour ça!... D'ail-
leurs, écoute... j'ai une idée !

leneddant.

Exhibe !

fleurdorti.

Nousnefaisons'semblant de rien, nous allons
à Chislehurst comme si nous étions aux anges
de tout ce qui se passe... nous voyons le petit...
nous lui disons : Sire, votre majesté peut être
convaincue que son souvenir restera toujours
là (il montre sa bouche d'un geste énergique avec
l'index de la main droite)... et comme le gosse
n'est pas bête, il comprendra tout de suite
qu'on ne lui demande pas de quoi écrire... je
ferai un signe à sa mère, — qui nous fera
passer dans la salle à manger.

leneddant.

Vrai?

fleurdorti.

Je suis convaincu que c'est comme ça que
ça se passera.

leneddant.

Vous me remettez du baume dans le cœur...

En route pour Chislehurst!

Dans un wagon de seconde classe.

fleurdorti.

Comment vous trouvez-vous?

leneddant.

Ce mal de mer m'a vidé.
(Dans un coin du wagon, un homme à longues
moustaches noires, boutonné jusqu'au menton,
et un gourdin sous le bras, fait de temps en
temps: Hum! hum! d'une voix significative.)

fleurdorti.

Voulez-vous une tablette de chocolat?

leneddaist.

Non, ça me couperait l'appétit !...
(L'homme aux longues moustaches sourit mali-
cieusement.)

A Chislehurst.

(La cérémonie s'est assez bien passée. — Il y a eu
au moins pour 27 fr. 30 de fleurs, qui se pavanent
actuellement dans les vases du grand salon.— Une
partie des gros bonnets auxquels on a fait un signe
se sont glissés les uns après les autres dans la salle
à manger. — L'homme aux moustaches est des-
cendu tranquillement à la euisine, où on lui trempe
sa soupe. — Le reste des voyageurs s'est dispersé,
avec des longueurs de nez proportionnelles aux dis-
tances qu'ils ont parcourues pour venir assister à
cet anniversaire. — Et finalement, Leneddant et
Fleurdorti restent seuls avec leur déshonneur dans
la cour qui précède le château.)

lemeddant.

Eh bien, qu'est-ce que tu en dis?

fleurdorti.

Je la trouve roide !

leneddant.

Rien à bouffer !

fleurdorti.

Si on sait ça à Brives-la-Gaillarde !

leneddant.

Il ne faudra pas le dire!... on se gausserait
de nous!

fleurdorti.

Oui, nous nous tairons, mais c'est égal!

leneddant.

Moi, je crève de faim, soit dit entre paren-
thèses !

fleurdorti.

Et moi itou!

leneddant.

Ce que nous avons de mieux à faire, c'est de
retourner à Londres.. Allons-nous-en!
(Us se disposent à redescendre vers la gare. —
Mais en passant devant les cuisines, l'homme
aux grandes moustaches les appelle.)

leneddant.

Tiens! l'homme du wagon!

l'homme.

Vous avez faim?

leneddant.

Je crois bien !

l'homme, leur donnant deux morceaux de pain.
Tenez, — et n'oubliez jamais l'hospitalité
que vous avez reçue ici.

fleubdorti.

Nous n'aurions garde !

(Ils s'éloignent.)

leneddant, pensif.

Encore une dynastie qui s'écroule, pour-
| tant!
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