LB GRELOT
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PRISSE GRATUITE
Toute personne de la province qui s'abonnera à
un des journaux ci-après, par l'entremise de M.
MADRE, directeur-gérant du Grelot, 77, rue Neuve-
des-Petits-Champs >à Paris, aura droit â un abon-
nement gratuit au journal le GRELOT, savoir :
Pour un abonnement d'un an : 6 mois au GRELOT.
— — de six mois : 8 mois —
— — de trois — : 1 mois 1/2 —
L abonnement à plusieurs journaux doublera,
triplera la durée de renvoi gratuit du GRELOT.
un
an
six mois
3 mois
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Les prix qui précèdent sont, bien entendu, les
prix fixés por les administrations de chacun de
ces journaux.
L'Administration du Grelot se charge également
de l'abonnement sacs frais, a tous les autres
journaux de Paris.
LE CONGRÈS DE CHARTRES
Une salle tendue de noir. Torches allumées.
Sur une estrade, un bureau. Assis au bu-
reau un chevaliçr armé de toutes pièces, la
visière baissée. Mise en scène d'un bon mélo
de VAmbigu. Au pied de l'estrade, un mo-
diste orchestre dirigé par M. Artus, prêté
pour cette circonstance par M. Castellano.
Assemblée aussi nombreuse que marquée.
{Quand je vous disais qu'on se serait cru
à l'Ambigu !) A la fin de l'ouverture, le
chevalier frappe trois coups sur son but eau.
Mouvement d'attention dans le public. On
éternue, on se moucha.
le chevalier
Messieurs, la séance est levée... et ma vi-
sière aussi.
(C'est M. de Mun.)
Quelques mots, messieurs, d'abord sur le
motif qui...
une voix enrouée partant du fond de la salle.
D'abord, pourquoi avez-vous une armure
et un casque?... C'est grotesque !
m. de mun
Cette armure qui a appartenu à Jeanne-
d'Arc...
la voix
Allons donc !.,, en v'ià une bonne blague !...
m. de mun
Est un symbole. Elle veut dire que nous
devons être arm ^s de pied en cap contre les
doctrines démagogiques qui...
la voix
Quel type! mon Dieu, quel type!... Sacré
Capitaine, val... toujours poseur I -
voix nombreuses
À la porte l'interrupteur !... à la porte !...
m. de mun
Si je pouvais voir le frère inconvenant qui
tient un tel langage !... Mais passons... il faut
savoir tout souffrir pour la sainte cause.
une voix
ï^Iais il y a des puces, ici !..
voix nombreuses
Asseyez-vous dessus I
la voix
Justement... j'y suis... dessus., et il paraît
que ça les contrarie... car...
f .. . ~i- „**"*•-.
de toutes parts
Assez l assez 1...
m. de mun relevant la visière de son casque pour
la quatr ième fois.
Messieurs et chers frères, l'instant est
solennel. Vous n'ignorez pas que la Républi-
que, cette idole de Baal et de Moloch, ce régime
de sac et de corde, de terreur et de sang, a
uré d'exterminer tout ce qui est resté fidèle
au culte du Très-Haut, représenté sur la terre
par l'auguste personne de feu Ignace de Layola.
le chœur
Nous le savonsl... hélas !...
la voix enrouee
Si çà ne fait pas suer !...
m. de mun
Si je pouvais voir cet interrupteur audacieux
qui .. Ah 1 par la sambleu !...
(L'honorable capitaine frappe un tel coup de
poing sur la table qu'il en renverse son
verre d'eau sucrée et que la maudite vi-
sière retombe en plein sur son mâle visage.)
m. de mun, à part
En voilà un casque qui m'embête 1... (haut.)
Donc, messieurs, il s'agit de résister au fléau
par tous les moyens possibles, même... par
les armes. C'est pourquoi je vous ai réunis
ici, sous prétexte de parler de la pluie et du
beau temps, mais, en réalité, pour organiser
une bonne petite conspiration, qui nous con-
duira à nos fins.
tous
Bravo I bravo !... Vive le capitaine 1
m. de mun
Le gouvernement, qui est bête comme sn
pot...
la voix
Compte là-dessus, mon petit père !...
m. de mun
Mais où se cache donc ce misérable ?
voix diverses
Continuez ! continuez !
m. de mun
Le gouvernement, mes frères, ne se doute
pas du coup. Il nous laisse nous réunir, en
imbécile qu'il est, tandis qu'il interdit carré-
ment le congrès ouvrier. Ce qui n'est pas
fort, entre nous !
, tous
Ah I non, par exemple !
m. de mun
Profitons-en donc!... Il s'agit, en consé-
quence, mes frères, de vous proposer, pour
tomber la société nouvelle, le rétablissement
de la bonne petite société féodale dans laquelle
-le peuple, ce ramassis de drôles, n'avait
d'autre liberté que celle de mourir de faim et
de misère, ce qui est bien encore assez bon
pour lui !
(Bravos. Enthousiasme indescriptible. M. de
Mun salue. En s'inclinant sa visière re-
tombe.)
m. de mun, à part
Sacrée visière, val... (haut) J'ai donc
l'honneur, mes très-chers frères, de soumettre
à vos saintes délibérations le projet suivant,
qui, seul, est capable darrêter l'abomination
de la désolation qui règne dans notre belle
patrie (Ecoutez, écoutez !). On rétablira pour
les ouvriers les corporations et les jurandes,
dont les chefs, choisis par nous, bien entendu,
seront à notre dévotion. On supprimera la
liberté de la presse, le droit de réunion et
autres inventions de Satan. Pourvu que le
peuple ait le droit de travailler et de crever
pour nous, il n'a pas autre chose à demander,
n'est-ce pas ?
tous
Non!... Non!...
m. de mun
Quant à la caisse d'épargne, on la rempla-
cera par le denier de Saint-Pierre.
tous
Bravo ! bravo !
m. de mun
Donc, que ceux qui sont d'avis d'adopter
cet ordre du jour lèvent la main 1
un citoyen se dressant et arrachant son masque
[c'est l'homme à la voix enrouée}.
Viens-y donc l...
tous, avec épouvante
Francisque Sarcey !..;. Trahison !...
m. de mun
Ah ! le gredin !... il était là !...
sarcey
Allons, fichez-nous le camp !... et que ça ne
traîne pas !... Nous avons l'œil sur vous, ca-
pucins de mon cœur !... Allons, housse 1... à
cette sacristie ! et ne bougeons plus !... ou si
non 1...
(Il fait un geste terrible. L'assemblée se âm-
perse en jetant des cris de terreur. JF. de
Mun, en voulant s'échapper plu* vit* fW»
les autres et embarrassé dans sa ferblan-
terie, tombe de tout son long.)
m. de mun
Je suis mort !...
sarcey
Imbécile, val...
Nicolas FLAMMÈCHE.
LA SEMAINE
Dimanche. — Nos bons cléricaux crient
tous comme des ânes qu'on écorche. |
Pourtant on ne les écorche pas, loin de là !
Il font leurs congres, leurs pèlerinages, leurs
discours, leurs miracles, tout comme il leur
plaît.
Mais quand il ne peuvent pas envoyer tous
les autres au bûcher, ils brament à la persécu-
tion.
Le gouvernement est plein de mansuétude
pour eux, la magistrature les protège avec
une vigilante sollicitude, et des bandes de
réactionnaires et d'opportunistes se rangent
sous leur bannière....
Mais cela ne suffit pas.
Qu'on les laisse agir et parler, ce n'est rien.
Il faut, de plus, empêcher d'agir et de parler
leurs adversaires.
Or, ceux-ci sont nombreux. Ils ont bec et
ongles. Leurs journaux sont les plus spirituels,
et ils font combattre dans leurs rangs le bon
droit, la vérité, la science et la raison.
Voilà ce qui navre Rodin.
Rodin ne comprend que la foi aveugle, il
n'aime que l'enseignement de la chaire. Là il
est à son affaire. Il peut dire tout ce qu'il veut
sans que personne puisse l'interrompre et lui
poser dbs objections.
Il pourrait insulter et cilomnier à son aise.
Tout protestateur serait d'abord mis dehors,
puis dedans.
C'est le Saint-Esprit qui parle. On ne doit
pas l'interrompre, sans quoi dans sa toute-
puissance, il appelle à son aide les gendar-
mes. L'oiseau divin et Pandore associés pour
protéger Escobar, voilà ce que celui-ci vou-
drait voir partout. Cela serait joli. Dieu....
pardon ! Voltaire nous en préserve I
—o—
Lundi. — Le lord-maire de Londres con-
damne à l'amende un mort, pour cause d'ab-
sence à l'audience, alors qu'il avait été cité
régulièrement comme témoin devant le tribu-
nal.
Il est entendu que tous nos fonctionnaires
et magistrats sont moins libéraux que ceux
d'Angleterre.
Il est donc permis de supposer que dans le
cas présent, ils ne se seraient pas bornés à
l'amende, et qu'ils auraient condamné le mort
en question à une quinzaine de jours de pri-
son.
—o—
La saison des eaux s'avance.
Déjà les eaux miraculeuses, au rebours des
cafés, qui ferment plus tard que les grands
autres, viennent de clore leur boutique.
Lourdes cesse de rendre deux et même
trois yeux aux borgnes et d'envoyer à Bullier
d'anciens paralytiques qui y exécutent avec
fureur le grand écart.
C'est fâcheux, mais c'est ainsi.
Maintenant, pour un empire, on ne pour-
rait faire guérir le plus petit panaris par cette
source bienheureuse qui naguère eut facile-
ment rendu à Lebiez et Barré les têtes dont
M. Roch les a privés.
La consigne est formelle.
Les malades auront beau gémir, beau pleu-
rer,
Le larbin de service les mettra impitoyable-
ment à la porte, en leur répondant :
— Madame n'y est pour personne. Elle se
repose. Repassez l'année prochaine.
Mardi. — Nobiling meurt. Les médecins
qui le soignaient avec tant de précautions en
sont navrés. Quant au bourreau qui devait
achever la cure et couper du même coup la
tête et les dernières fièvres, son désespoir est
des plus touchants.
—o—
Il paraît qu'une des nations signataires du
traité de Berlin s'est inquiétée de ce que fe-
raient les autres si la Porte continuait à ne
pas accorder à la Grèce la rectification de fron-
tières à laquelle celle-ci a droit.
Les autres nations ont répondu qu'elles
adresseraient une note collective sur beau
papier glacé.
Le sultan fourrera cela dans ses poches en
chantonnant :
Oit ne sait pas ce qui peut arriver.
Et les Grecs de Thessalie continueront à être
écorchés vifs par les bons Turcs.
—o—
D'un autre côté, les Russes se plaignent de
ce que les Turcs n'appliquent pas les réformes
promises,
Les Turcs crient que les Russes n'évacuent
,pas la Roumélie ainsi qu'ils s'y étaient en-
Les' Monténégrins réclament à grands cris
Spuz et Podgoritza,
Les Autrichiens veulent aller jusqu'à Mitro-
vitza et accusent les Turcs de trahison,
Les Serbes ne veulent pas évacuer les dis-
tricts qu'ils occupent et que demandent les
Bulgares...
Enfin, chacun beugle que le traité de "Berlin
a été violé par tout le monde, absolument
comme une jolie femme qui se promènerait
actuellement à travers la presqu'île des Bal-
kans, et qui serait sûre de subir les derniers
outrages en dix langues différentes en moins
d'un mois.
Beau traité vraiment !
Mais on a beau le violer, comme mademoi-
selle Cunégonde, il n'est pas déshonoré pour
cela. Au contraire, sa vertu s'en affermit I
Demandez plutôt à M. de Saint-Vallier.
—o—
Mercredi. — Un nouveau théâtre est inau-
guré à Paris.
C'est un Guignol.
Le besoin s'en faisait vivement sentir.
Il parait que depuis le mois de décembre
dernier, un las de vilains Pierrots et d'affreux
polichinelles étaient sans place. La scène de ce
nouveau théâtre leur fournira de nouveaux
débouchés et le moyen de faire admirer leurs
remarquables aptitudes dans l'art d'empocher
des sacs d'argent et de recevoir des coups de
bâton.
—o—
On vient encore de découvrir à Constantino-
ple une nouvelle conspiration pour faire
remonter Mourad sur le trône.
Quand on pense qu'avec la moitié des efforts
que font certains hommes pour ér'ger des trô-
nes aux rois, on pourrait faire descendre tous
ceux qui sont sur d'autres 1
Jeudi. — Rogat, qui, entre autres défauts, a
celui de s'appeler Théophore, est condamné à
2,000 fr. d'amende et à trois mois de prison,
pour outrages au maréchal.
Il y a bien des choses à ne pas dire sur ce
jugement. Nos lecteurs pourront les penser en
regardant nos annonces à la quatrième page.
Ils pourront se demandèrde plus si M. Mac-
Mahon se montrera aussi généreux envers
Théophore qu'envers Popaul et s'il lui fera
grâce de sa prison comme il fit jadis à ce der-
nier.
S'ils pensent que oui, je ne doute pas que
leur vénération pour cette estimable c large
clémence » ne s'accroisse d'une façon très-re-
marquable.
—o—
Le même jour, \& Lanterne reçoit une assi-
gnation.
La compensation ne s'est pas fait attendre,
au moins.
Le Français le savait d'ailleurs d'avance.
Nous aussi, avec cette nuance, que notre
certitude était toute morale et n'avait pas été
puisée dans les cabinets policiers, ou nous
mettons pourtant fréquemment les pieds, —
mais toujours après y avoir été invités et en
payant cependant bien cher notre écot.
M. Habeneck, sous-préfet, de Carpentras, est
révoqué.
Cet audacieux fonctionnaire avait osé s'atta-
quer aux dominicains.
Ces saints hommes, qui pardonnent les in-
jures moyennant 10,000 fr. de dommages-
intérêts, sur lesquels, il est vrai, les tribunaux
font des rabais de 95 pour 100, ont fait sentir
à M. Habeneck le poids de leur bras.
Il y a trois ou quatre siècles le jeune voltai-
rien eût été brûlé vif par les aimables disciples
du fondateur de l'Inquisition.
Tous les opportunistes vont en profiter pour
lui démontrer qu'il doit se considérer comme
le plus heureux des hommes.
—o—
Il faudra qu'un de ces jours j'étende ces
théories, et que je fasse la petite expérience
suivante :
Un des grands prêtres de l'opportunisme se
promenant dans un endroit solitaire, je m'a-
vancerai à pas de loups derrière lui.
Puis, soudain, je lui révélerai ma présence
par un vigoureux coup de pied au bas du
dos.
Naturellement il se retournera.
Alors de mon air le plus aimable,
— Monsieur, lui dirai-je, j'ai sur moi quatre
revolvers à deux coups et une demi-douzaine
de kriks maltais des plus consciencieusement
empoisonnés. De plus,je suis jeune et de pre-
mière force à la savate. C'est vous dire que si
j'avais voulu, rien ne m'était plus facile que
de vous escoffier, vieux ratatiné, et de m'en-
fuir ensuite avec votre montre et votre porte-
feuille, sans risquer d'être pincé davantage
que l'assassin de la rue Blondel. Estimez vous
donc fort heureux d'en être quitte à si bon
compte.
Nous verrons si, conséquent avec ses prin-
cipes, notre opportuniste me presse sur son
gilet de flanelle, m'invite à dîner et me fait
son légataire universel.
—o— . '
NotaBene. —M. Bastien est toujours en fonc-
tions en Alger, M. Bressolles garde son comman-
dement, et quant à du Dumaine, on n'est tou-
jours pas bien sûr qu'il soit révoqué.
—o—
Vendredi. — L'agence Havas nous commu-
nique une note à l'effet de nous apprendre
que le président de la République a accordé,
du 30 juin au 12 septembre, 216 nouvelles
grâces, commutations ou réductions d« peines.
Elle néglige de nous apprendre combien les
conseils de guerre ont prononcé pendant ce
temps de nouvelles condamnations.
C'est pourtant ce qu'il faudra savoir, quand
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Toute personne de la province qui s'abonnera à
un des journaux ci-après, par l'entremise de M.
MADRE, directeur-gérant du Grelot, 77, rue Neuve-
des-Petits-Champs >à Paris, aura droit â un abon-
nement gratuit au journal le GRELOT, savoir :
Pour un abonnement d'un an : 6 mois au GRELOT.
— — de six mois : 8 mois —
— — de trois — : 1 mois 1/2 —
L abonnement à plusieurs journaux doublera,
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Les prix qui précèdent sont, bien entendu, les
prix fixés por les administrations de chacun de
ces journaux.
L'Administration du Grelot se charge également
de l'abonnement sacs frais, a tous les autres
journaux de Paris.
LE CONGRÈS DE CHARTRES
Une salle tendue de noir. Torches allumées.
Sur une estrade, un bureau. Assis au bu-
reau un chevaliçr armé de toutes pièces, la
visière baissée. Mise en scène d'un bon mélo
de VAmbigu. Au pied de l'estrade, un mo-
diste orchestre dirigé par M. Artus, prêté
pour cette circonstance par M. Castellano.
Assemblée aussi nombreuse que marquée.
{Quand je vous disais qu'on se serait cru
à l'Ambigu !) A la fin de l'ouverture, le
chevalier frappe trois coups sur son but eau.
Mouvement d'attention dans le public. On
éternue, on se moucha.
le chevalier
Messieurs, la séance est levée... et ma vi-
sière aussi.
(C'est M. de Mun.)
Quelques mots, messieurs, d'abord sur le
motif qui...
une voix enrouée partant du fond de la salle.
D'abord, pourquoi avez-vous une armure
et un casque?... C'est grotesque !
m. de mun
Cette armure qui a appartenu à Jeanne-
d'Arc...
la voix
Allons donc !.,, en v'ià une bonne blague !...
m. de mun
Est un symbole. Elle veut dire que nous
devons être arm ^s de pied en cap contre les
doctrines démagogiques qui...
la voix
Quel type! mon Dieu, quel type!... Sacré
Capitaine, val... toujours poseur I -
voix nombreuses
À la porte l'interrupteur !... à la porte !...
m. de mun
Si je pouvais voir le frère inconvenant qui
tient un tel langage !... Mais passons... il faut
savoir tout souffrir pour la sainte cause.
une voix
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Asseyez-vous dessus I
la voix
Justement... j'y suis... dessus., et il paraît
que ça les contrarie... car...
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de toutes parts
Assez l assez 1...
m. de mun relevant la visière de son casque pour
la quatr ième fois.
Messieurs et chers frères, l'instant est
solennel. Vous n'ignorez pas que la Républi-
que, cette idole de Baal et de Moloch, ce régime
de sac et de corde, de terreur et de sang, a
uré d'exterminer tout ce qui est resté fidèle
au culte du Très-Haut, représenté sur la terre
par l'auguste personne de feu Ignace de Layola.
le chœur
Nous le savonsl... hélas !...
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Si çà ne fait pas suer !...
m. de mun
Si je pouvais voir cet interrupteur audacieux
qui .. Ah 1 par la sambleu !...
(L'honorable capitaine frappe un tel coup de
poing sur la table qu'il en renverse son
verre d'eau sucrée et que la maudite vi-
sière retombe en plein sur son mâle visage.)
m. de mun, à part
En voilà un casque qui m'embête 1... (haut.)
Donc, messieurs, il s'agit de résister au fléau
par tous les moyens possibles, même... par
les armes. C'est pourquoi je vous ai réunis
ici, sous prétexte de parler de la pluie et du
beau temps, mais, en réalité, pour organiser
une bonne petite conspiration, qui nous con-
duira à nos fins.
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Bravo I bravo !... Vive le capitaine 1
m. de mun
Le gouvernement, qui est bête comme sn
pot...
la voix
Compte là-dessus, mon petit père !...
m. de mun
Mais où se cache donc ce misérable ?
voix diverses
Continuez ! continuez !
m. de mun
Le gouvernement, mes frères, ne se doute
pas du coup. Il nous laisse nous réunir, en
imbécile qu'il est, tandis qu'il interdit carré-
ment le congrès ouvrier. Ce qui n'est pas
fort, entre nous !
, tous
Ah I non, par exemple !
m. de mun
Profitons-en donc!... Il s'agit, en consé-
quence, mes frères, de vous proposer, pour
tomber la société nouvelle, le rétablissement
de la bonne petite société féodale dans laquelle
-le peuple, ce ramassis de drôles, n'avait
d'autre liberté que celle de mourir de faim et
de misère, ce qui est bien encore assez bon
pour lui !
(Bravos. Enthousiasme indescriptible. M. de
Mun salue. En s'inclinant sa visière re-
tombe.)
m. de mun, à part
Sacrée visière, val... (haut) J'ai donc
l'honneur, mes très-chers frères, de soumettre
à vos saintes délibérations le projet suivant,
qui, seul, est capable darrêter l'abomination
de la désolation qui règne dans notre belle
patrie (Ecoutez, écoutez !). On rétablira pour
les ouvriers les corporations et les jurandes,
dont les chefs, choisis par nous, bien entendu,
seront à notre dévotion. On supprimera la
liberté de la presse, le droit de réunion et
autres inventions de Satan. Pourvu que le
peuple ait le droit de travailler et de crever
pour nous, il n'a pas autre chose à demander,
n'est-ce pas ?
tous
Non!... Non!...
m. de mun
Quant à la caisse d'épargne, on la rempla-
cera par le denier de Saint-Pierre.
tous
Bravo ! bravo !
m. de mun
Donc, que ceux qui sont d'avis d'adopter
cet ordre du jour lèvent la main 1
un citoyen se dressant et arrachant son masque
[c'est l'homme à la voix enrouée}.
Viens-y donc l...
tous, avec épouvante
Francisque Sarcey !..;. Trahison !...
m. de mun
Ah ! le gredin !... il était là !...
sarcey
Allons, fichez-nous le camp !... et que ça ne
traîne pas !... Nous avons l'œil sur vous, ca-
pucins de mon cœur !... Allons, housse 1... à
cette sacristie ! et ne bougeons plus !... ou si
non 1...
(Il fait un geste terrible. L'assemblée se âm-
perse en jetant des cris de terreur. JF. de
Mun, en voulant s'échapper plu* vit* fW»
les autres et embarrassé dans sa ferblan-
terie, tombe de tout son long.)
m. de mun
Je suis mort !...
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Imbécile, val...
Nicolas FLAMMÈCHE.
LA SEMAINE
Dimanche. — Nos bons cléricaux crient
tous comme des ânes qu'on écorche. |
Pourtant on ne les écorche pas, loin de là !
Il font leurs congres, leurs pèlerinages, leurs
discours, leurs miracles, tout comme il leur
plaît.
Mais quand il ne peuvent pas envoyer tous
les autres au bûcher, ils brament à la persécu-
tion.
Le gouvernement est plein de mansuétude
pour eux, la magistrature les protège avec
une vigilante sollicitude, et des bandes de
réactionnaires et d'opportunistes se rangent
sous leur bannière....
Mais cela ne suffit pas.
Qu'on les laisse agir et parler, ce n'est rien.
Il faut, de plus, empêcher d'agir et de parler
leurs adversaires.
Or, ceux-ci sont nombreux. Ils ont bec et
ongles. Leurs journaux sont les plus spirituels,
et ils font combattre dans leurs rangs le bon
droit, la vérité, la science et la raison.
Voilà ce qui navre Rodin.
Rodin ne comprend que la foi aveugle, il
n'aime que l'enseignement de la chaire. Là il
est à son affaire. Il peut dire tout ce qu'il veut
sans que personne puisse l'interrompre et lui
poser dbs objections.
Il pourrait insulter et cilomnier à son aise.
Tout protestateur serait d'abord mis dehors,
puis dedans.
C'est le Saint-Esprit qui parle. On ne doit
pas l'interrompre, sans quoi dans sa toute-
puissance, il appelle à son aide les gendar-
mes. L'oiseau divin et Pandore associés pour
protéger Escobar, voilà ce que celui-ci vou-
drait voir partout. Cela serait joli. Dieu....
pardon ! Voltaire nous en préserve I
—o—
Lundi. — Le lord-maire de Londres con-
damne à l'amende un mort, pour cause d'ab-
sence à l'audience, alors qu'il avait été cité
régulièrement comme témoin devant le tribu-
nal.
Il est entendu que tous nos fonctionnaires
et magistrats sont moins libéraux que ceux
d'Angleterre.
Il est donc permis de supposer que dans le
cas présent, ils ne se seraient pas bornés à
l'amende, et qu'ils auraient condamné le mort
en question à une quinzaine de jours de pri-
son.
—o—
La saison des eaux s'avance.
Déjà les eaux miraculeuses, au rebours des
cafés, qui ferment plus tard que les grands
autres, viennent de clore leur boutique.
Lourdes cesse de rendre deux et même
trois yeux aux borgnes et d'envoyer à Bullier
d'anciens paralytiques qui y exécutent avec
fureur le grand écart.
C'est fâcheux, mais c'est ainsi.
Maintenant, pour un empire, on ne pour-
rait faire guérir le plus petit panaris par cette
source bienheureuse qui naguère eut facile-
ment rendu à Lebiez et Barré les têtes dont
M. Roch les a privés.
La consigne est formelle.
Les malades auront beau gémir, beau pleu-
rer,
Le larbin de service les mettra impitoyable-
ment à la porte, en leur répondant :
— Madame n'y est pour personne. Elle se
repose. Repassez l'année prochaine.
Mardi. — Nobiling meurt. Les médecins
qui le soignaient avec tant de précautions en
sont navrés. Quant au bourreau qui devait
achever la cure et couper du même coup la
tête et les dernières fièvres, son désespoir est
des plus touchants.
—o—
Il paraît qu'une des nations signataires du
traité de Berlin s'est inquiétée de ce que fe-
raient les autres si la Porte continuait à ne
pas accorder à la Grèce la rectification de fron-
tières à laquelle celle-ci a droit.
Les autres nations ont répondu qu'elles
adresseraient une note collective sur beau
papier glacé.
Le sultan fourrera cela dans ses poches en
chantonnant :
Oit ne sait pas ce qui peut arriver.
Et les Grecs de Thessalie continueront à être
écorchés vifs par les bons Turcs.
—o—
D'un autre côté, les Russes se plaignent de
ce que les Turcs n'appliquent pas les réformes
promises,
Les Turcs crient que les Russes n'évacuent
,pas la Roumélie ainsi qu'ils s'y étaient en-
Les' Monténégrins réclament à grands cris
Spuz et Podgoritza,
Les Autrichiens veulent aller jusqu'à Mitro-
vitza et accusent les Turcs de trahison,
Les Serbes ne veulent pas évacuer les dis-
tricts qu'ils occupent et que demandent les
Bulgares...
Enfin, chacun beugle que le traité de "Berlin
a été violé par tout le monde, absolument
comme une jolie femme qui se promènerait
actuellement à travers la presqu'île des Bal-
kans, et qui serait sûre de subir les derniers
outrages en dix langues différentes en moins
d'un mois.
Beau traité vraiment !
Mais on a beau le violer, comme mademoi-
selle Cunégonde, il n'est pas déshonoré pour
cela. Au contraire, sa vertu s'en affermit I
Demandez plutôt à M. de Saint-Vallier.
—o—
Mercredi. — Un nouveau théâtre est inau-
guré à Paris.
C'est un Guignol.
Le besoin s'en faisait vivement sentir.
Il parait que depuis le mois de décembre
dernier, un las de vilains Pierrots et d'affreux
polichinelles étaient sans place. La scène de ce
nouveau théâtre leur fournira de nouveaux
débouchés et le moyen de faire admirer leurs
remarquables aptitudes dans l'art d'empocher
des sacs d'argent et de recevoir des coups de
bâton.
—o—
On vient encore de découvrir à Constantino-
ple une nouvelle conspiration pour faire
remonter Mourad sur le trône.
Quand on pense qu'avec la moitié des efforts
que font certains hommes pour ér'ger des trô-
nes aux rois, on pourrait faire descendre tous
ceux qui sont sur d'autres 1
Jeudi. — Rogat, qui, entre autres défauts, a
celui de s'appeler Théophore, est condamné à
2,000 fr. d'amende et à trois mois de prison,
pour outrages au maréchal.
Il y a bien des choses à ne pas dire sur ce
jugement. Nos lecteurs pourront les penser en
regardant nos annonces à la quatrième page.
Ils pourront se demandèrde plus si M. Mac-
Mahon se montrera aussi généreux envers
Théophore qu'envers Popaul et s'il lui fera
grâce de sa prison comme il fit jadis à ce der-
nier.
S'ils pensent que oui, je ne doute pas que
leur vénération pour cette estimable c large
clémence » ne s'accroisse d'une façon très-re-
marquable.
—o—
Le même jour, \& Lanterne reçoit une assi-
gnation.
La compensation ne s'est pas fait attendre,
au moins.
Le Français le savait d'ailleurs d'avance.
Nous aussi, avec cette nuance, que notre
certitude était toute morale et n'avait pas été
puisée dans les cabinets policiers, ou nous
mettons pourtant fréquemment les pieds, —
mais toujours après y avoir été invités et en
payant cependant bien cher notre écot.
M. Habeneck, sous-préfet, de Carpentras, est
révoqué.
Cet audacieux fonctionnaire avait osé s'atta-
quer aux dominicains.
Ces saints hommes, qui pardonnent les in-
jures moyennant 10,000 fr. de dommages-
intérêts, sur lesquels, il est vrai, les tribunaux
font des rabais de 95 pour 100, ont fait sentir
à M. Habeneck le poids de leur bras.
Il y a trois ou quatre siècles le jeune voltai-
rien eût été brûlé vif par les aimables disciples
du fondateur de l'Inquisition.
Tous les opportunistes vont en profiter pour
lui démontrer qu'il doit se considérer comme
le plus heureux des hommes.
—o—
Il faudra qu'un de ces jours j'étende ces
théories, et que je fasse la petite expérience
suivante :
Un des grands prêtres de l'opportunisme se
promenant dans un endroit solitaire, je m'a-
vancerai à pas de loups derrière lui.
Puis, soudain, je lui révélerai ma présence
par un vigoureux coup de pied au bas du
dos.
Naturellement il se retournera.
Alors de mon air le plus aimable,
— Monsieur, lui dirai-je, j'ai sur moi quatre
revolvers à deux coups et une demi-douzaine
de kriks maltais des plus consciencieusement
empoisonnés. De plus,je suis jeune et de pre-
mière force à la savate. C'est vous dire que si
j'avais voulu, rien ne m'était plus facile que
de vous escoffier, vieux ratatiné, et de m'en-
fuir ensuite avec votre montre et votre porte-
feuille, sans risquer d'être pincé davantage
que l'assassin de la rue Blondel. Estimez vous
donc fort heureux d'en être quitte à si bon
compte.
Nous verrons si, conséquent avec ses prin-
cipes, notre opportuniste me presse sur son
gilet de flanelle, m'invite à dîner et me fait
son légataire universel.
—o— . '
NotaBene. —M. Bastien est toujours en fonc-
tions en Alger, M. Bressolles garde son comman-
dement, et quant à du Dumaine, on n'est tou-
jours pas bien sûr qu'il soit révoqué.
—o—
Vendredi. — L'agence Havas nous commu-
nique une note à l'effet de nous apprendre
que le président de la République a accordé,
du 30 juin au 12 septembre, 216 nouvelles
grâces, commutations ou réductions d« peines.
Elle néglige de nous apprendre combien les
conseils de guerre ont prononcé pendant ce
temps de nouvelles condamnations.
C'est pourtant ce qu'il faudra savoir, quand