HISTOIRE DE LA NATION ÉGYPTIENNE
mait la volonté du khalife Omar : (( Si ces livres sont d'accord avec le Coran, ils sont
inutiles ; s'ils sont en désaccord avec luq ils sont nuisibles. Donc il faut les détruire. ))
11 est à peine besoin aujourd'hui de dire que ce récit n'a aucune réalité, et qu'il
faut, selon le mot du savant qui l'a le plus récemment étudié^ a arracher sans pitié ))
cette légende de l'histoire. C'est près de six siècles en elfet après la prise d'Alexan-
drie que^ pour la première fois^ elle se rencontre chez un chroniqueur arabe, Ibn
al Kifti, qui écrivait vers I22y ; et ceci déjà serait fait pour rendre bien douteuse
cette tradition. Mais deux autres arguments sont plus démonstratifs encore. Jean de
Nikiou, qui était presque un contemporain de la conquête, et qui était un homme
instruit, ne dit mot de la prétendue destruction de la bibliothèque^ qu'évidem-
ment il n'eût point omis de mentionner. D'autre part, il y avait bien longtemps
que la fameuse bibliothèque d'Alexandrie avait disparu; celle qui était la gloire
du Musée, avait péri,-au témoignage concordant de Plutarque^ de Sénèque, de
Dion Cassius^ d'Ammien Marcellin^ d'Orose,-dans l'incendie qui accompagna
le soulèvement des Alexandrins contre César ; celle, presque aussi célèbre, qui
fut constituée quelques années plus tard au Serapéum disparut probablement
en 391^ lorsque les chrétiens détruisirent de fond en comble le magnihque
temple païen^ ou fut tout au moins pillée et dispersée. Ce qu'il faut remarquer
enhn, c'est, qu'à partir du commencement du cinquième siècle^ aucun des écri-
vains qui visitèrent Alexandrie — et certains, comme Jean Aloschos, étaient
curieux des choses intellectuelles — n'y mentionne l'existence d'une grande et
fameuse bibliothèque. On a expliqué ingénieusement comment a pu prendre
naissance la légende de la destruction par les Arabes et comment <( elle rehète
un état d'esprit qui a véritablement existé chez les premiers musulmans )). Aiais
elle n'en demeure pas moins une pure légende, qu'il faut rayer déhnitivement
de l'histoire.
Pourtant la conquête de l'Égypte n'était point achevée. Lorsque, après la mort
du khalife Omar (novembre 644), son successeur Othman rappela Amr et le rem-
plaça par l'incapable Abdallah ibn Saad^ lorsque surtout les exigences hnancières
injustihées du gouvernement musulman mécontentèrent fortement la population
d'Alexandrie, l'empereur Constant II^ répondant aux appels qui lui venaient de la
vallée du Nil, jugea l'occasion favorable pour reconquérir l'Egypte. Sous les ordres
du patrice Manueb une hotte puissante parut devant Alexandrie et s'empara sans
résistance de la ville fort mal défendue (hn 64^). Puis l'armée byzantine s'avança
dans le Delta et poussa jusqu'à Nikiou : c'est là qu'elle se heurta aux troupes d'Amr,
que le khalife avait en toute hâte renvoyé en Egypte. Une furieuse bataille s'engagea ;
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mait la volonté du khalife Omar : (( Si ces livres sont d'accord avec le Coran, ils sont
inutiles ; s'ils sont en désaccord avec luq ils sont nuisibles. Donc il faut les détruire. ))
11 est à peine besoin aujourd'hui de dire que ce récit n'a aucune réalité, et qu'il
faut, selon le mot du savant qui l'a le plus récemment étudié^ a arracher sans pitié ))
cette légende de l'histoire. C'est près de six siècles en elfet après la prise d'Alexan-
drie que^ pour la première fois^ elle se rencontre chez un chroniqueur arabe, Ibn
al Kifti, qui écrivait vers I22y ; et ceci déjà serait fait pour rendre bien douteuse
cette tradition. Mais deux autres arguments sont plus démonstratifs encore. Jean de
Nikiou, qui était presque un contemporain de la conquête, et qui était un homme
instruit, ne dit mot de la prétendue destruction de la bibliothèque^ qu'évidem-
ment il n'eût point omis de mentionner. D'autre part, il y avait bien longtemps
que la fameuse bibliothèque d'Alexandrie avait disparu; celle qui était la gloire
du Musée, avait péri,-au témoignage concordant de Plutarque^ de Sénèque, de
Dion Cassius^ d'Ammien Marcellin^ d'Orose,-dans l'incendie qui accompagna
le soulèvement des Alexandrins contre César ; celle, presque aussi célèbre, qui
fut constituée quelques années plus tard au Serapéum disparut probablement
en 391^ lorsque les chrétiens détruisirent de fond en comble le magnihque
temple païen^ ou fut tout au moins pillée et dispersée. Ce qu'il faut remarquer
enhn, c'est, qu'à partir du commencement du cinquième siècle^ aucun des écri-
vains qui visitèrent Alexandrie — et certains, comme Jean Aloschos, étaient
curieux des choses intellectuelles — n'y mentionne l'existence d'une grande et
fameuse bibliothèque. On a expliqué ingénieusement comment a pu prendre
naissance la légende de la destruction par les Arabes et comment <( elle rehète
un état d'esprit qui a véritablement existé chez les premiers musulmans )). Aiais
elle n'en demeure pas moins une pure légende, qu'il faut rayer déhnitivement
de l'histoire.
Pourtant la conquête de l'Égypte n'était point achevée. Lorsque, après la mort
du khalife Omar (novembre 644), son successeur Othman rappela Amr et le rem-
plaça par l'incapable Abdallah ibn Saad^ lorsque surtout les exigences hnancières
injustihées du gouvernement musulman mécontentèrent fortement la population
d'Alexandrie, l'empereur Constant II^ répondant aux appels qui lui venaient de la
vallée du Nil, jugea l'occasion favorable pour reconquérir l'Egypte. Sous les ordres
du patrice Manueb une hotte puissante parut devant Alexandrie et s'empara sans
résistance de la ville fort mal défendue (hn 64^). Puis l'armée byzantine s'avança
dans le Delta et poussa jusqu'à Nikiou : c'est là qu'elle se heurta aux troupes d'Amr,
que le khalife avait en toute hâte renvoyé en Egypte. Une furieuse bataille s'engagea ;
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