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Houel, Jean Pierre Louis Laurent
Voyage pittoresque des isles de Sicile, de Malte et de Lipari: Où l'on traite des Antiquités qui s'y trouvent encore ; des principaux Phénomènes que la Nature y offre ; du Costume de Habitans, & de quelques Usages (Band 1) — Paris: Imprimerie de Monsieur, 1782

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https://doi.org/10.11588/diglit.48647#0067
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DE SICILE, DE MALTE, ET DE LIPARI. 5Î
sur la terre. La tempête étant calmée, ïe ciel étant serein, le soleil pompe les vapeurs , l’eau s’exhale du
creux de ces écueils, & dépose en s’évaporant ïe seï quelle contient : j’admirai la ïimplicité de la na-
ture ; c’est ainsi qu’elle a enseigné aux hommes à extraire le seï de l’eau de ïa mer ; c’est là ïe premier
modèle des saïines artificielles.
On auroit pu croire au premier coup d’œiï que ces cavités étoient remplies d une eau congelée de deux
ou trois lignes d epaisseur, tarit ïa blancheur de ce seï à peine dégagé de ï’eau qui ïe tenoit en dissoïution,
.& encore tout imprégné de pairies aqueuses, ïe fait ressembïer à de ïa glace nouvellement formée.
De retour à ïa Favarotta, chez M. Palazzoïo, je me trouvai engagé à faire le portrait de sa sœur.
J’avois par hazard un pinceau dans ma poche ; je tentai une expérience , que queïques-uns de mes lec-
teurs ne seront peut-être pas fâchés dé trouver ici. Je n’avois point de couleur, j’imaginai de me servir
de ïa liqueur noire qui se trouve, dans ïa vessie de ce poisson qu’on appeïïe sèche en France, & qu’en Italie
on appelle écntoire. Je fus très-surpris de ïa trouver exceïïente pour desïmer & pour peindre. Mes speéla-'
teurs accoutumés à l’employer pour écrire n’en furent pas étonnés ; mais ils ïe furent beaucoup quand lïs
virent que des traits formés avec cette encre produisoient une figure, Sc une figure ressembïante ; iïs
étoient tentés de soupçonner queïque chose de surnatureï dans ce phénomène.
Noüs eûmes ïe soir même un bal à ïa manière du pays : ï’originalité des figures , des caractères, des
attitudès nous amusa beaucoup , & osfroit des tableaux tres-plaisans : ïes espnts segayerent; & nous
autres François, pour ïes divertir à leur tour, & pour terminer ïa fete, nous dansâmes ïa ndicuïe &.
boufonne contredanse qu’on appeïïe la fricassée. Ces figures grotesques, dont on n’avoit pas la moin-
dre idée dans ce pays , produisoient des éclats de rire, & une gaieté si folle parmi ces bonnes gens, que
je ne puis ni l’oubïier, ni me ïe rappeïïer sans en rire.
Que ne puis-je faire sentir à mes ïeéteurs toute l’honnêteté, toute ïa cordialité qui règne chez les habi-
tansde ces petits pays, ignorés de l’univers, & inconnus de presquetous ïes voyageurs ! Ces bonnes-gens ne
voyent jamais que leurs voisms. Un étranger elt pour eux un phénomène. Leur sîmpïicité ell admirable.
mais à quel point on en abuse pour leur faire pratiquer ce qu’on veut ! Ils ignorent tous ïes arts, ïes mé-
tiers , ï’architesture ; tout y ell misérabïe ; & cependant ils travaillent, ils se ïogent, iïs s’habillent, mais
toujours maï : ils vivent, mais iïs ne joüissent pas de ïa moitié de leurs facultés.
A trois heures du matin sassembïée se sépara, & nous revînmes à Cinési, précédés & suivis par vingt
slambeaux de roseaux qui nous écïairoient en traversant la pïaine d’un miïïe de longueur qui sépare ces
deux pays.
Le Dimanche qui suivit mon retour à Cinési, je fus témoin d’une cérémonie admirable, inventée par
un Jésuite pour faire aimer l’étude du Catéchisme à ïa jeunesle , & même pour le faire apprendre de
nouveau aux gens d’un certain âge qui auraient eu ïe malheur de l’oubïier.
Iï y a environ trois mille âmes à Cinési : ïes Fêtes & ïes Dimanches personne ne travaille ; il n’y a point
de speétacïe ; on s’y ennuyoit à périr : ï’oisiveté entraîne au maï, induit en tentation , c’est ce que consi-
déra ce Jésuite : ses confrères habitués dans ce ïieu y étoient, comme en bien d’autres endroits, en pos-
session d’éïever ïa jeunesse. Ce bon Père imagina donc pour inssruire les uns, pour occuper les autres ,
& pour édifier tout ïe monde , de revêtir tous ïes jeunes gens d’un uniforme gris, paremens muges, veste
& culotte rouge ; de ïeur attacher à ïa ceinture un sabre de bois, & de leur mettre sur l’épaule un petit
fusiï de bois, mais bien peint, & tout sembïabïe à un véritable fusiï.
Les écoliers, dont on a été content dans ïa semaine, y font les fondions d’osficiers ; ils ont un hausse-
coï, une sponton. Ils sortent du collège en deux troupes : deux tambours,deux drapeaux, trois ossiciers ,
& deux Abbés les précèdent : ils se rendent dans la place publique : là ils font une petite évolution ;
ïes deux troupes se rangent en ligne & se mettent en face, avancent l’une contre l’autre jusqu a portée
de pouvoir s’entendre & se parler facilement, ils se posent fièrement sur leurs armes, c’est-à-dire, sur leurs
fusils de bois, &. chacun tour à tour fait à celui qui ell vis-à-vis de lui des questions, tirées de son caté-
 
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