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Huizinga, Johan; Hanotaux, Gabriel; Bastin, J. [Transl.]
Le déclin du Moyen Âge — Paris: Payot, 1932

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https://doi.org/10.11588/diglit.57074#0092
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88 l’idée de chevalerie
« de l’écu verd à la dame blanche » pour la défense des femmes,
ce qui lui vaut les louanges de Christine de Pisan(l). A Gênes,
où il se trouvait en sa qualité de régent du roi de France
Charles VI, il répondit un jour courtoisement à la révérence
de deux dames qu’il rencontra. « Monseigneur, dit son écuyer,
qui sont ces deux femmes à qui vous avez si grans révérences
faictes ?» — « Huguenin, dit-il, je ne sçay ». Lors luy dist :
« Monseigneur, elles sont filles communes ». — « Filles com-
munes, dist-il ; Huguenin, j’ayme trop mieulx faire reverence
à dix filles communes que avoir failly à une femme de bien » (2).
Sa devise : « Ce que vous vouldrez », est intentionnellement
mystérieuse, comme il convient à une devise. Signifie-t-elle
le don de sa volonté à sa dame, ou bien doit-on y voir une
résignation générale devant la vie, attitude qu’on ne s’atten-
drait à trouver qu’à une époque plus tardive ?
Tels sont les sentiments de piété, d’austérité et de fidé-
lité que l’on attribuait au chevalier idéal. Qui s’étonnera
que le vrai Boucicaut n’ait pas toujours répondu à cette
image ? La violence et la cupidité, si communes dans sa
classe, ne furent pas toujours étrangères à cette noble
figure (3).
Le chevalier modèle est parfois d’un autre type. Le Jou-
vencel, roman biographique de Jean du Bueil, fut écrit en-
viron un demi-siècle après la vie de Boucicaut et ceci ex-
plique en partie la différence de conception. Jean du Bueil
était un capitaine qui avait combattu sous la bannière de
Jeanne d’Arc et avait été mêlé plus tard à la révolte delà
Praguerie et à la guerre du bien public. Il mourut en 1477.
Tombé en disgrâce auprès du roi, il suggéra, vers 1465, à
trois de ses serviteurs, un récit de sa vie (4). Contrairement
à la vie de Boucicaut, où la forme historique recouvre un
fond romanesque, Le Jouvencel, sous l’aspect de la fiction,
cache un caractère fortement réaliste, du moins dans sa
(1) Chr. de Pisan, Le débat des deux amants, Œuvres poétiques, II, p. 96.
(2) Antoine de la Salle, La salade, chap. ni, Paris, M. Le Noir, 1521, f° 4 v°
(3) Le livre des cent ballades, éd. G. Raynaud (Soc. des anciens textes français),
p. LV.
(4) Le Jouvencel, éd. C. Favre et Lecestre, Soc. de l’histoire de France, 1887-
1889.
 
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