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Huizinga, Johan; Hanotaux, Gabriel; Bastin, J. [Übers.]
Le déclin du Moyen Âge — Paris: Payot, 1932

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https://doi.org/10.11588/diglit.57074#0155
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LES CONVENTIONS AMOUREUSES

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bouche. Ici, le poète nous fait comprendre que Péronnelle lui
tendit les lèvres. Il l’attend au jardin, tout en lisant ses heures.
Pendant une neuvaine, en entrant dans l’église, il fait en
lui-même le vœu de composer, chacun de ces neuf jours, une
poésie pour sa bien-aimée, ce qui ne l’empêche pas de nous
parler de la grande dévotion qu’il mit dans ses prières (1).
Et ne songeons pas à une arrière-pensée frivole ou profane :
Guillaume de Machaut est, tout compte fait, un poète sé-
rieux et plein de dignité. Mais nous avons ici un exemple de
l’ingénuité étonnante avec laquelle, avant le concile de
Trente, les services religieux se trouvaient mêlés aux occu-
pations de la vie quotidienne. Nous aurons lieu d’y revenir.
Le sentiment qui s’exprime dans ces lettres et dans cette
description d’amour est mou, doucereux, un peu morbide.
L’expression des sentiments reste mêlée aux ratiocinations,
à l’allégorie et aux songes. Il y a quelque chose de touchant
dans la ferveur avec laquelle le poète à cheveux blancs décrit
son bonheur et l’excellence de Toute-Belle, sans se douter
qu’en réalité, elle a joué avec lui et avec son cœur à elle.
De la même époque à peu près que le Voir-Dit, il existe
un autre livre qui pourrait lui servir de pendant le : Livre
du chevalier de la Tour Landry pour l'enseignement de ses
filles (2). Cette fois, il ne s’agit plus d’un vieux poète amou-
reux ; c’est un père d’une tournure d’esprit assez prosaïque,
gentilhomme angevin, qui raconte des souvenirs de ses
jeunes années, des récits et anecdotes : « pour mes filles
aprandre à roumancier ». Nous dirions : « pour leur apprendre
civilité et culture en matière d’amour ». Les exemples et en-
seignements de ce père prudent ont pour but de mettre ses
filles en garde contre les dangers du flirt romanesque. Méfiez-
vous des gens « bien emparlés », qui sont toujours pleins de
« faulx regars longs et pensifs et petits soupirs et de mer-
veilleuses contenances affectées et ont plus de paroles à
main que autres gens» (3). Ne soyez pas trop complaisantes.
(1) Voir-Dit, pp. 70, 98.
(-) Le livre du chevalier de la Tour Landry, éd. A. de Montaiglon (Bibl. elzé-
virienne) 1854.
(3) P. 245.
 
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