Les costumes que nous y rencontrons ne sont plus ceux de la période qui
s’étend de la fin du xive siècle jusqu’en 1415 : on n’y voit plus ni les longs
vêtements traînants, aux formes souvent étranges et compliquées, ni les manches
de dessous évasées en entonnoir sur la main, ni les cols hauts couvrant le cou
jusqu’aux oreilles, ni les bords lacérés ou festonnés en forme de barbes d’écrevisse
ou de feuilles de chêne, etc., formes qui semblent s’être maintenues, au moins à la
cour, jusqu’à la fin de la vie du duc de Berry, puisqu’on les trouve dans les pein-
tures des « Heures de Chantilly ». Les modes que nous observons dans les groupes
F3, G, H, I et J sont celles qui prévaudront jusque vers 1430. Elles sont à la fois
plus simples et plus pratiques. Les contours des vêtements sont bordés de fourrures.
A première vue on pourrait être tenté d’en conclure à une date phis récente
que celle de 1416-1417. Mais il ne faut pas oublier que la bataille d’Azincourt, si
désastreuse pour l’aristocratie française, changea brusquement ses habitudes. Elle
semble avoir rapidement modifié le costume, comme devait le faire, un siècle plus
tard, la bataille de Pavie. Peut-être aussi y a-t-il lieu de tenir compte du fait que
les modes peuvent avoir été autres dans les villes du Hainaut et de la Flandre
qu’à la cour de France. Toujours est-il que nous rencontrons les mêmes coupes
de vêtements et les mêmes formes de coiffures dans un manuscrit de la Cité de Dieu
(Bibl. Royale de Bruxelles, nos 9005, 9006) provenant de la bibliothèque de Bour-
gogne, et que Philippe le Bon avait acheté d’un gouverneur de Lille. Ce manuscrit
date, d’après le comte A. de Laborde, des environs de 1410. On peut admettre
qu’il soit de 1415, mais le style archaïque des peintures ne permet guère de lui
assigner une date sensiblement plus récente. Il est donc tout au plus contemporain
du groupe de peintures que nous étudions.
Son témoignage est particulièrement précieux pour lever la seule difficulté
qui m’ait fait hésiter un instant quant à l’époque de la collaboration de I : Viollet-
Leduc et les autres auteurs qui se sont occupés de l’histoire de l’armure admettent
que, jusque vers 1430, la cuirasse allait d’une pièce de la ceinture jusqu’à la hauteur
des clavicules. Ils pensent que ce n’est qu’après cette date qu’on trouve la super-
position de la « pansière » au plastron. Or, dans les deux tableaux de la main I
(Turin, pl. XXXIX et XLI), on aperçoit un homme d’armes vu de dos, qui porte
une « dossière » échancrée, en forme de corset très bas, bouclée sur la cuirasse
au milieu du dos. Or la preuve que, au moins en Flandre, cette forme d’armure
est antérieure à 1420 et même à 1415 se trouve en plusieurs endroits du manuscrit
précité de la Cité de Dieu (Bibliothèque Royale, n° goo5, fos 5, 6, 32 v°, 78 v°, etc.).
Un détail de costume mérite de fixer spécialement notre attention : c’est
la « manche-poche », qui semble n’avoir eu qu’une vogue assez éphémère et peut
donc fournir des indications de date précieuses. J’appelle manche-poche une manche
en forme de large sac, au fond arrondi et fermé, qui pend tout droit de l’épaule,
et descend au moins jusqu’à la hanche, mais souvent jusque près du genou.
Cette profonde poche n’a d’autre ouverture, vers l’extérieur, qu’une fente
longitudinale placée à l’avant à hauteur du coude, et qui monte parfois jusqu’à
l’aisselle. Cette fente laisse passer librement le bras, vêtu d’une manche de dessous
collante. Il ne faut pas confondre ce type avec celui de la manche pansue quelque
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s’étend de la fin du xive siècle jusqu’en 1415 : on n’y voit plus ni les longs
vêtements traînants, aux formes souvent étranges et compliquées, ni les manches
de dessous évasées en entonnoir sur la main, ni les cols hauts couvrant le cou
jusqu’aux oreilles, ni les bords lacérés ou festonnés en forme de barbes d’écrevisse
ou de feuilles de chêne, etc., formes qui semblent s’être maintenues, au moins à la
cour, jusqu’à la fin de la vie du duc de Berry, puisqu’on les trouve dans les pein-
tures des « Heures de Chantilly ». Les modes que nous observons dans les groupes
F3, G, H, I et J sont celles qui prévaudront jusque vers 1430. Elles sont à la fois
plus simples et plus pratiques. Les contours des vêtements sont bordés de fourrures.
A première vue on pourrait être tenté d’en conclure à une date phis récente
que celle de 1416-1417. Mais il ne faut pas oublier que la bataille d’Azincourt, si
désastreuse pour l’aristocratie française, changea brusquement ses habitudes. Elle
semble avoir rapidement modifié le costume, comme devait le faire, un siècle plus
tard, la bataille de Pavie. Peut-être aussi y a-t-il lieu de tenir compte du fait que
les modes peuvent avoir été autres dans les villes du Hainaut et de la Flandre
qu’à la cour de France. Toujours est-il que nous rencontrons les mêmes coupes
de vêtements et les mêmes formes de coiffures dans un manuscrit de la Cité de Dieu
(Bibl. Royale de Bruxelles, nos 9005, 9006) provenant de la bibliothèque de Bour-
gogne, et que Philippe le Bon avait acheté d’un gouverneur de Lille. Ce manuscrit
date, d’après le comte A. de Laborde, des environs de 1410. On peut admettre
qu’il soit de 1415, mais le style archaïque des peintures ne permet guère de lui
assigner une date sensiblement plus récente. Il est donc tout au plus contemporain
du groupe de peintures que nous étudions.
Son témoignage est particulièrement précieux pour lever la seule difficulté
qui m’ait fait hésiter un instant quant à l’époque de la collaboration de I : Viollet-
Leduc et les autres auteurs qui se sont occupés de l’histoire de l’armure admettent
que, jusque vers 1430, la cuirasse allait d’une pièce de la ceinture jusqu’à la hauteur
des clavicules. Ils pensent que ce n’est qu’après cette date qu’on trouve la super-
position de la « pansière » au plastron. Or, dans les deux tableaux de la main I
(Turin, pl. XXXIX et XLI), on aperçoit un homme d’armes vu de dos, qui porte
une « dossière » échancrée, en forme de corset très bas, bouclée sur la cuirasse
au milieu du dos. Or la preuve que, au moins en Flandre, cette forme d’armure
est antérieure à 1420 et même à 1415 se trouve en plusieurs endroits du manuscrit
précité de la Cité de Dieu (Bibliothèque Royale, n° goo5, fos 5, 6, 32 v°, 78 v°, etc.).
Un détail de costume mérite de fixer spécialement notre attention : c’est
la « manche-poche », qui semble n’avoir eu qu’une vogue assez éphémère et peut
donc fournir des indications de date précieuses. J’appelle manche-poche une manche
en forme de large sac, au fond arrondi et fermé, qui pend tout droit de l’épaule,
et descend au moins jusqu’à la hanche, mais souvent jusque près du genou.
Cette profonde poche n’a d’autre ouverture, vers l’extérieur, qu’une fente
longitudinale placée à l’avant à hauteur du coude, et qui monte parfois jusqu’à
l’aisselle. Cette fente laisse passer librement le bras, vêtu d’une manche de dessous
collante. Il ne faut pas confondre ce type avec celui de la manche pansue quelque
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