MÉLANGES HULIN DE.LOO 10]
beau peintre qui soit. Certes, l’Aclam et l’Eve sont des
exemples, et les premiers, de scrupuleux modelé ; les man-
teaux de JJieu le Père, de Marie et J ean-Baptiste sont des
surfaces d'éclatante couleur et il est admis qu’on entend
les notes sortir de la bouche des anges chanteurs.
Mais tout cela est strictement de l’observation et du
rendu.
Dieu le Père, Marie et Jean-Baptiste sont des person-
nages qui posent; les anges musiciens et chanteurs appa-
raissent comme des fillettes' du catéchisme affublées de
somptueuses chapes dans la sacristie; Adam et Eve ont
été minutieusement délinéés par le portraitiste aigu qui
a dressé la carte des rides du chanoine van der Pael, par
le terrible clinicien qui sondait les tares de l’Homme à
1 ’œillet.
Mais nous ne sommes plus là dans les abîmes subcons-
cients de l’inspiration ni dans les nuages de la poésie.
James Weale avait déjà judicieusement deviné et entrevu
la dualité de conception du polyptyque, l’une idéaliste,
l’autre réaliste — et il n’en fut loué que par Durand-Gré-
ville, — mais Weale, trop timide devant l’objet, en l’ab-
sence de textes, n’est pas allé jusqu’au bout de son dia-
gnostic. Aussi s’est-il borné à taxer de réalisme seulement
les volets d’Adam et d’Eve et ceux des Anges chanteurs
et musiciens.
A cette discordance d’inspiration idéaliste et de rendu
réaliste, je tiens à ajouter quelques critères supplémen-
taires pour renforcer mon opinion.
II. — Tandis que la composition du bas est dynamique,
celle du haut reste statique.
L ’Adoration de 1 ’Agneau est racontée en style narratif ;
dans la langue des frères de Limbourg, celle de Gozzoli,
Carpaccio et Pinturrichio, celle de Watteau. C’est un récit,
c’est de l’action, du mouvement ; c’est un cortège, une caval-
cade, du rythme, du balancement, du cliquetis ; c ’est la
Toussaint en marche; c’est un mystère qui se joue, un
office qui se célèbre; c’est le Ballet divin.
beau peintre qui soit. Certes, l’Aclam et l’Eve sont des
exemples, et les premiers, de scrupuleux modelé ; les man-
teaux de JJieu le Père, de Marie et J ean-Baptiste sont des
surfaces d'éclatante couleur et il est admis qu’on entend
les notes sortir de la bouche des anges chanteurs.
Mais tout cela est strictement de l’observation et du
rendu.
Dieu le Père, Marie et Jean-Baptiste sont des person-
nages qui posent; les anges musiciens et chanteurs appa-
raissent comme des fillettes' du catéchisme affublées de
somptueuses chapes dans la sacristie; Adam et Eve ont
été minutieusement délinéés par le portraitiste aigu qui
a dressé la carte des rides du chanoine van der Pael, par
le terrible clinicien qui sondait les tares de l’Homme à
1 ’œillet.
Mais nous ne sommes plus là dans les abîmes subcons-
cients de l’inspiration ni dans les nuages de la poésie.
James Weale avait déjà judicieusement deviné et entrevu
la dualité de conception du polyptyque, l’une idéaliste,
l’autre réaliste — et il n’en fut loué que par Durand-Gré-
ville, — mais Weale, trop timide devant l’objet, en l’ab-
sence de textes, n’est pas allé jusqu’au bout de son dia-
gnostic. Aussi s’est-il borné à taxer de réalisme seulement
les volets d’Adam et d’Eve et ceux des Anges chanteurs
et musiciens.
A cette discordance d’inspiration idéaliste et de rendu
réaliste, je tiens à ajouter quelques critères supplémen-
taires pour renforcer mon opinion.
II. — Tandis que la composition du bas est dynamique,
celle du haut reste statique.
L ’Adoration de 1 ’Agneau est racontée en style narratif ;
dans la langue des frères de Limbourg, celle de Gozzoli,
Carpaccio et Pinturrichio, celle de Watteau. C’est un récit,
c’est de l’action, du mouvement ; c’est un cortège, une caval-
cade, du rythme, du balancement, du cliquetis ; c ’est la
Toussaint en marche; c’est un mystère qui se joue, un
office qui se célèbre; c’est le Ballet divin.