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MÉLANGES HULIN DE LOO
Cette mise en scène complexe, qu’elle soit le fait du
peintre ou d’un idéateur ou librettiste, est strictement
nouvelle et rigoureusement sans précédent.
Ce fut ignorance et erreur, de la part d’A.-J. Wauters,
d’écrire que le peintre « non seulement se servit d’une
donnée des plus familières aux artistes du Moyen âge,
mais encore ne sortit guère de la formule adoptée pour sa
figuration, aussi bien par les miniaturistes et les graveurs
que par les sculpteurs et les tapissiers. »
Bien au contraire, la conception d’Hubert van Eyck
déborde complètement les formules des miniaturistes caro-
lingiens, hispano-gascons et anglo-normands, illustrateurs
de l’Apocalypse et ne ressemble plus en rien à la timide
figuration des tentures de l’Apocalypse d’Angers.
Nous sommes ici en présence, certainement, d’un effort
intellectuel individuel, d’une association non connue d’idées
et d’images, d’une invention mystique imprévue, pour tout
dire, d’une création spirituelle, d’une inspiration poétique,
d’un coup d’aile.
En regard de cette sublime épopée du bas, la Cour
céleste de la zone supérieure paraît bien terre à terre. Les
anges y sont aptères, Marie et Jean-Baptiste sont des
modèles humains et le Dieu des dieux est loin de planer
dans l’infini.
La peinture du bas est une symphonie et un chant bien
lié; celle du haut est un choix de morceaux d’analyse.
Le bas est écrit en vers lyriques, le haut est continué
en prose naturaliste.
Cet ensemble discordant se présente comme le serait la
Divine Comédie du Dante, augmentée de la Cathédrale, de
Joris-Karl Huijsmans.
Qu’on m’entende bien. La question n’est pas ici de savoir
si la technique du poète Hubert est, telle quelle, plus par-
faite ou moins parfaite que la technique du prosateur Jean.
Nous savons tous et reconnaissons qu’en tant qu’artisan,
Jean van Eyck est le plus fidèle dessinateur et le plus
MÉLANGES HULIN DE LOO
Cette mise en scène complexe, qu’elle soit le fait du
peintre ou d’un idéateur ou librettiste, est strictement
nouvelle et rigoureusement sans précédent.
Ce fut ignorance et erreur, de la part d’A.-J. Wauters,
d’écrire que le peintre « non seulement se servit d’une
donnée des plus familières aux artistes du Moyen âge,
mais encore ne sortit guère de la formule adoptée pour sa
figuration, aussi bien par les miniaturistes et les graveurs
que par les sculpteurs et les tapissiers. »
Bien au contraire, la conception d’Hubert van Eyck
déborde complètement les formules des miniaturistes caro-
lingiens, hispano-gascons et anglo-normands, illustrateurs
de l’Apocalypse et ne ressemble plus en rien à la timide
figuration des tentures de l’Apocalypse d’Angers.
Nous sommes ici en présence, certainement, d’un effort
intellectuel individuel, d’une association non connue d’idées
et d’images, d’une invention mystique imprévue, pour tout
dire, d’une création spirituelle, d’une inspiration poétique,
d’un coup d’aile.
En regard de cette sublime épopée du bas, la Cour
céleste de la zone supérieure paraît bien terre à terre. Les
anges y sont aptères, Marie et Jean-Baptiste sont des
modèles humains et le Dieu des dieux est loin de planer
dans l’infini.
La peinture du bas est une symphonie et un chant bien
lié; celle du haut est un choix de morceaux d’analyse.
Le bas est écrit en vers lyriques, le haut est continué
en prose naturaliste.
Cet ensemble discordant se présente comme le serait la
Divine Comédie du Dante, augmentée de la Cathédrale, de
Joris-Karl Huijsmans.
Qu’on m’entende bien. La question n’est pas ici de savoir
si la technique du poète Hubert est, telle quelle, plus par-
faite ou moins parfaite que la technique du prosateur Jean.
Nous savons tous et reconnaissons qu’en tant qu’artisan,
Jean van Eyck est le plus fidèle dessinateur et le plus