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Journal des beaux-arts et de la littérature — 1.1859

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https://doi.org/10.11588/diglit.17357#0051
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JOURNAL DES BEAUX-ARTS.

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Raphaël désireux de montrer au maître
allemand ce qu'il pouvait faire. Durer
dut, sans aucun doute, admirer grande-
ment le génie du jeune peintre et dut
aussi bien augurer de son avenir.

On se souvient et on parle toujours
en France du fameux petit tableau de
Raphaël, découvert par M. Morris-
Moore et contesté par quelques érudits
allemands tandis qu'il était apprécié
par l'élite de la presse française. Eh
bien, M. Morris-Moore auquel revient
l'honneur d'avoir donné à Michel-Ange
le célèbre tableau de Manchester, M.
Morris-Moore serait, si nous sommes
bien informé, possesseur d'un tableau
de Michel-Ange. Le grand maître flo-
rentin , dont presque tous les tableaux
ont disparu aujourd'hui, aurait peint
cette toile dans sa jeunesse. Nous n'a-
vons pas encore vu cette peinture, mais
nous sommes assez sûr du goût fin et
éclairé du possesseur de l'Apollon et
Marsyas pour accepter cette découverte
qui semblerait monstrueuse au premier
abord si elle avait été faite par tout
autre que M. Morris-Moore.

Ainsi que nous l'annoncions dans
notre dernière lettre, l'Académie des
Beaux-Arts vient de faire paraître la
première livraison de son dictionnaire.
Grande sensation dans le monde des
arts. Il y a un parti qui critique tout ce
que juge, décide et proclame l'Acadé-
mie; il en est un autre qui considère
le jugement de l'Académie comme paro-
le d'Évangile. Tout en ne voulant faire
en rien changer l'opinion de ces fanati-
ques prévenus, nous dirons que le
dictionnaire de l'Académie, conçu sur
un plan très vaste, peut rendre aux arts
un vrai service en les éclairant sur le
langage de l'art. Mais cette grande va-
riété de documents ne s'opposcra-t-elle
pas au prompt achèvement de cette en-
treprise? Puisse-t-il n'en pas être ainsi
et souhaitons que la seconde livraison,
ornée de planches explicatives de même
que la première, lui succède rapide-
ment et soit bientôt suivie des autres.

On parle comme candidats à l'Acadé-
mie des Beaux-Arts, en remplacement
de M. d'Houdetot, de MM. Frédéric de
Mercey et Arsène Houssaye. Il est inu-
tile d'ajouter que M. F. de Mercey est
appelé à être le vainqueur. La candida-
ture de M. Arsène Houssaye aurait
même, nous dit-on, singulièrement sur-
pris l'Académie des Beaux-Arts.

Le 16 Mars a eu lieu à Paris la vente
des tableaux, dessins, gravures et livres
qui se trouvaient dans l'atelier d'Ary
Scheffer. Cette exposition, qui nous
permet d'apprécier en un jour le talent
de M. Scheffer, sera-t-elle avantageuse
à l'artiste? N'a-t-on pas l'exemple de

M. Paul Delaroche encore présent? Ne
se souvient-on pas que l'habile peintre
du duc de Guise a vu sa réputation
singulièrement diminuée par cette ex-
hibition considérable du palais des
Beaux-Arts? Nous craignons que M.
Ary Scheffer, dont le caractère était si
noble, l'âme si grande et si fière et le
cœur si volontiers ouvert à ses amis,
ne perde à cette réunion d'œuvres éclo-
ses à des époques si différentes et si
éloignées les unes des autres. Si nous
craignons pour la mémoire d'Ary Schef-
fer, nous sommes heureux pour nous
de cette généreuse idée de la famille,
puisqu'elle nous permet d'embrasser
d'un seul coup-d'ceil toute l'existence
d'un homme qui n'eut qu'un défaut,
celui de ne pas être assez connu.

L'Exposition de peinture et de sculp-
ture.qui préoccupe en ce moment tous
nos artistes parisiens, va s'ouvrir le 15
Avril prochain. On a envoyé sept mille
objets et le jury fonctionne. Souhaitons
à tout le monde d'être admis, mais à
la condition que les œuvres soient assez
bonnes pour mériter l'attention.

Le peintre Boulanger a été chargé
d'expertiser les peintures de l'hôtel de
Scribe, à propos d'une contestation de
paiement. Une personne qui tient de
très près au célèbre auteur, assistait à
l'examen pour essayer d'influencer l'es-
timation; mais M. Boulanger a pris
vaillamment la défense de ses confrères
lésés : il a subi le châtiment de son hon-
nêteté et a été immédiatement interdit
comme expert.

Pierre Brebiette.

Cologne.

Le temps, ce niveleur tout puissant
et inexorable, a enlevé à la ci-devant
sainte ville de Cologne tout ce qu'elle
avait d'original, ses mœurs, ses cou-
tumes vraiment patriarcales et même
son langage pittoresque doué d'une si
grande verve comique et caustique. Si
nous n'avions pas conservé les murs
d'enceinte avec leurs portes imposantes,
notre hôtel de ville et une vingtaine
d'églises qui nous sont restées de cent
quatre-vingt dix dont Cologne se glori-
fiait avant la Révolution, rien ne nous
rappellerait le grand passé d'une des
villes les plus puissantes de l'Allemag-
ne, tant pour le commerce que comme
protectrice libérale des sciences et des
Beaux-Arts.

Cologne n'a pour le moment rien de
distinctif ; elle prend de jour en jour da-
vantage le caractère d'une ville moderne,
quoique ses rues étroites et tortueuse^
fassent encore obstacle à ce change-
ment.

Dans cette époque de transition où

nous vivons, il ne nous est resté qu'une
seule fête mi-nationale, notre carnaval,
encore est-elle un peu abâtardie par l'in-
fluence des étrangers qui se sont établis
à Cologne depuis les derniers vingt ans
et qui ont aujourd'hui, en quelque sor-
te, par leur nombre, leur industrie, et
leurs richesses, la prépondérance sur
les Colonais d'origine. Malgré cela,
notre fête du Carnaval exerce une telle
influence sur les classes véritablement
Colonaises, que les étrangers ne peu-
vent résister à leur enthousiasme.

Toutes les classes de la bourgeoisie
s'amusent à leur manière pendant notre
fête chérie ; pour deux ou trois jours la
'coupe de la vie mousse plus fort et plus
sans gêne qu'à l'ordinaire, on oublie la
misère des petitesses de ce monde, et
c'est aussi là un bonheur. Le zèle mal
inspiré de quelques opposants n'a abou-
ti à rien : le gouvernement apprécie ce
que c'est qu'un peuple qui peut et sait
s'amuser; il protège la fête autant que
possible et cette année-ci encore davan-
tage, grâce au bon sens de notre prince-
régent dont le caractère franc et rond
ne saurait qu'encourager un plaisir qui
ne blesse jamais aucune loi morale.

Notre carnaval est une fête poétique.
Combien de belles chansons et de nou-
veaux airs n'a-t-il pas produit cette an-
née pour égayer la Corporation des fous?
Le carnaval i'orme même nos orateurs;
car on fait des discours satyriques et
comiques dans toutes les séances où la
liberté de la parole ne connaît pas d'en-
traves. A nos artistes, le carnaval ouvre
un vaste champ, soit pour les décors,
soit pour le dessin et la construction
des chars du grand cortège. Ces chars
étaient cette fois, pour la plupart, aussi
beaux quant à l'invention que riches et
pompeux pour l'exécution. Le héros du
carnaval se trouvait sur un char traîné
par des lions : l'idée en était artistique-
ment conçue et exécutée, ce qui peut-
être dit de tous les chars et des masques
dont le cortège était composé. Partout
il y avait de la poésie, mais comment
décrire ces choses, ces bluëttcs d'esprit,
pétillantes comme les perles de notre
vin du Rhin des derniers crûs?

Qui croirait que les inventeurs de ces
fantasmagories carnavalesques sont les
artistes les plus graves et les plus cons-
ciencieux? notre Michel Welterqui ri-
valise dans l'ornementation des églises
et des châteaux princiers avec les minia-
turistes les plus célèbres du moyen-âge,
s'est montré inépuisable dans ses com-
positions burlesques et grotesques. Il a
été gaiement secondé par l'architecte
V. Statz, le même qui a déjà bâti soi-
xante églises en style ogival en moins de
quinze ans, ainsi que je vous le disais
dans ma dernière lettre.
 
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