N° A.
28 Février 1875.
Quinzième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE
Paraissant deux fois par mais, sons la direclîou (la M. Ad. SIR ET, rnemlfe dt1 l'Académie royale de Bel"ique, momlire correspondant de la Commission royale des monuments, memlire de
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Artléologie, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Archéologie de Madrid, etc.
a r n s. "I»0”»»*, t il Anvers, chez TKSSABO. éditeur ; n Hrn.vpllo:’, riiez DFf.Qet DrHFN'T et chez M TIQUA RDT;! (port compris) : Allemagne, Angleterre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12fr. Pour les autres pays,
le-'ri UCt'TK et en et ROGGIIÉ ; à Lire e. ehcz DK SOF11 el clics I)KCQ : du ns les autres villes, riiez tous | même prix mais le port eu sus.— Uiix par numéro .'iO e. — It relûmes r 50 e. la lieue. — Pour les
s iPraires. Pour 1 AIleninene. la Hnssie et l'.Aniérioue : C. MT'OUAIÎDT. l a France : Ve PF.VOl .AItD. Paris, lerandes annonces on traite à forfait. — .Annonces : 40 e. la lieue. — pour tout ce qui reperde l’ad-
o,i r la Hollande ; y ATI TILTS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Anpleterre et l’Irlande : niiez BURNS et LAMBERT, ministre tien ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du .Tournai, nus Beaux-Arts, rue du Casino,
-o tel res. Prix «l’abonnement t pour toute la lîélpique, (port compris). Par an, 9 Ir. — Étranger, Fi St-Nicolas. — Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
SOMMAIRE : Belgique : Les Jardins Flamands
à la fin du XVIe siècle au point de vue de l’art.
— Correspondance particulière de Bruxelles.
— Rapport sur l’exposition de 1872. — Lettre
de M. Micliiels. — France : Corr. part, de
Paris. — Chronique. — Annonces.
Belgique.
LES JARDINS FLAMANDS
A LA FIN DU XVIe SIECLE
AU POINT DE VUE DE l’aKT.
Nous recevons, à propos de noire article
du 14 Décembre 1872 (n° 25), la spiri-
tuelle lettre suivante de Madame la Mar-
quise Louisa de*" qui, à part les jolies
choses qu’elle nous adresse et que nous
accueillons sous toutes réserves, nous Four-
nil l'occasion, dont nous nous empressons
de profiter, de développer un point inté-
ressant et assez inconnu de l’aspect exté-
rieur du milieu social domestique de nos an-
cêtres, à la fin du XVIe siècle. Voici d’abord
la communication dont a bien voulu nous
honorer Madame la Marquise L. de***
a Monsieur,
« Ma lettre vous prouvera que je lis vos
» articles avec une grande attention ; j’y
» trouve toujours cc plaisir excessif que
» l’on ressent en rencontrant précisément
» dans le livre que l’on feuillète, le pas-
» sage recherché.
» Vous avez dù, Monsieur, vous poser
» curieusement quelque jour toutes les
» questions dont les lecteurs cherchent la
» solution dans vos écrits, pour donner
» précisément et toujours le renseignement
» intéressant, inédit, friandise que l’oti est
» sûr de ne jamais rencontrer dans ces li-
» vres, trop nombreux aujourd’hui, qui
» semblent faits aux ciseaux avec des frag-
» ments d’écrivains antérieurs.
» Le récit est plutôt salyrique que pé-
» dant, il ne fatigue pas, car c’est toujours
» à contre cœur qu’il embaume parfois la
» respectable et érudite moisissure archéo-
» logique.
» Si jamais la note comique ne vous
» échappe, par contre, avouez-le entre
* nous, vous cédez souvent au désir de
* faire un mot ; c’est ce désir immodéré
» qui vous a fait choir dans une chausse-
» trappe, une souricière, un piège à loups,
» où je vous tiens aujourd’hui une bonne
» fois sur la sellette, pris la main dans le
» sac en flagranldélit. Ecoutez-moi, je vous
» cite textuellement :
» Quand Juste Lipse eut prononcé le
» fatidique dixi, lés sérémssimes archi-
» ducs ne furent pas fâchés sans doute de
» varier toutes ces fleurs de poésie, de
» philosophie et d’éloquence, par une pro-
» monade aux magnifiques parterres des
» jardins des domaines d’Heverlé, où les
» attendait un festin superbe etc. etc. »
« Les magnifiques parterres et les jardins
» d’Heverlé ! Vous oubliez, Monsieur, que
» cette cérémonie se passait avant le 5
» Décembre 1599! puisque vous dites quel-
» ques lignes plus bas : « le 6 Décembre
» suivant, les Archiducs partirent pour
» Malines ! »
« Quoiqti’avec un homme qui, à l’instar
» du comte St. Germain, semble avoir vécu
» à l’époque qu’il décrit, on ne sait jamais
» s’il faut se récrier ou se pâmer, je suis
» bien curieuse de voir comment vous vous
» tirerez de là et je vous liens pour pris et
» convaincu, si vous n’avez pas répondu
» endéans le trimestre. »
« Recevez en attendant, Monsieur,
l’assurance de ma sincère estime »
Marquise Louisa de***
« P.-S. La température exceptionnelle-
» ment douce dont nous gratifie Messer
» Aquilon, me fait réfléchir au dernier mo-
» ment.Si l’année 1599 aétéune deces an-
» néesexceptionneIIes,où les jardins s’émail-
» lèrent de fleurs en Décembre et où les
» vignes mûrirent en Mai, je déclare ma
» lettre nulle et non avenue el je vous dis-
» pense de m’envoyer la copie certifiée de
» quelque parchemin poudreux et raccorni
» destiné à me prouver matériellement ce
» fait anormal. »
Dansla phrase incriminée de notre article,
nous avons eu un tort, celui de tous ceux
qui, sachant depuis longtemps une chose,
vivent dans un milieu où cette connaissance
est devenue d’une telle banalité qu’ils s’i-
maginent de bonne foi qu’il doit en être de
même de tout le monde. C’est l’histoire de
tous les passages obscurs de Vitruve et de
Fronlin qui croyaient ne pas devoir se mon-
trer prolixes d’explications en parlant d’ob-
jets que leurs contemporains avaient sans
cesse sous les yeux.
L’histoire enregistre, il est vrai, des hi-
vers exceptionnels en Europe, pendant la
période qui nous occupe : en 1558, lesjai-
dins virent les rosiers en (leurs au mois de
Janvier ; en 1572, la douceur de l’hiver
permit aux arbres dese couvrir de feuilles,
les oiseaux couvèrent et eurent des petits
en Février. Il y eut des épis à Pâques, en
1585. Les années du règne des archiducs
Albert et Isabelle 1607, 1609, 1615 et 1617
furent remarquables par leurs hivers très
doux.
Mais l’hiver de la Joyeuse Entrée dont
nous nous occupions, mais le mois de Dé-
cembre 1599 fut froid et pluvieux à l’ordi-
naire ; des bises précoces avaient préma-
turément dépouillé la frondaison touffue
des vieux chênes.
Et cependant il reste avéré que les Ar-
chiducs, en attendant lesuperbe festin qu’on
leur préparait,se promenèrent dans les gra-
cieux méandres des parterres de verdure
odorante, sous les pergolesjes berceaux et
les cabinets de feuillages touffus des super-
bes jardins des ducs de Croï et d’Aerschot,
lieux chéris de Juste-Lipse, immortalisés
par les beaux vers de son poëme d’Heverlœa.
Pour prouver péremptoirement ce Fait
en apparence inexplicable.nous ferons briè-
vement l’histoire de l’art des jardinistes
et treillageurs auxPays-Bas à la lin du XVIe
siècle.
Nos Suzerains du moyen-âge et leurs
grands vassaux, entouraient leurs manoirs
de hautes futaies, de vergers et de prairies ;
à peine devant la façade exposée au midi, se
voyait un mince parterre à configurations
géométriques, où l’on cultivait quelques
fleurs vulgaires.
A l’époque de la renaissance, avec l’ar-
28 Février 1875.
Quinzième Année.
JOURNAL DES BEAUX-ARTS
ET DE LA LITTÉRATURE
Paraissant deux fois par mais, sons la direclîou (la M. Ad. SIR ET, rnemlfe dt1 l'Académie royale de Bel"ique, momlire correspondant de la Commission royale des monuments, memlire de
l'Institut des provinces de France, de la Société française d'Artléologie, de l'Académie de Reims, de l'Académie d'Archéologie de Madrid, etc.
a r n s. "I»0”»»*, t il Anvers, chez TKSSABO. éditeur ; n Hrn.vpllo:’, riiez DFf.Qet DrHFN'T et chez M TIQUA RDT;! (port compris) : Allemagne, Angleterre, France, Hollande, Italie et Suisse, 12fr. Pour les autres pays,
le-'ri UCt'TK et en et ROGGIIÉ ; à Lire e. ehcz DK SOF11 el clics I)KCQ : du ns les autres villes, riiez tous | même prix mais le port eu sus.— Uiix par numéro .'iO e. — It relûmes r 50 e. la lieue. — Pour les
s iPraires. Pour 1 AIleninene. la Hnssie et l'.Aniérioue : C. MT'OUAIÎDT. l a France : Ve PF.VOl .AItD. Paris, lerandes annonces on traite à forfait. — .Annonces : 40 e. la lieue. — pour tout ce qui reperde l’ad-
o,i r la Hollande ; y ATI TILTS NYHOFF, à la Haye. Pour l’Anpleterre et l’Irlande : niiez BURNS et LAMBERT, ministre tien ou les annonces s’adresser à M. le Directeur du .Tournai, nus Beaux-Arts, rue du Casino,
-o tel res. Prix «l’abonnement t pour toute la lîélpique, (port compris). Par an, 9 Ir. — Étranger, Fi St-Nicolas. — Il pourra être rendu compte des ouvrages dont un exemplaire sera adressé à la rédaction.
SOMMAIRE : Belgique : Les Jardins Flamands
à la fin du XVIe siècle au point de vue de l’art.
— Correspondance particulière de Bruxelles.
— Rapport sur l’exposition de 1872. — Lettre
de M. Micliiels. — France : Corr. part, de
Paris. — Chronique. — Annonces.
Belgique.
LES JARDINS FLAMANDS
A LA FIN DU XVIe SIECLE
AU POINT DE VUE DE l’aKT.
Nous recevons, à propos de noire article
du 14 Décembre 1872 (n° 25), la spiri-
tuelle lettre suivante de Madame la Mar-
quise Louisa de*" qui, à part les jolies
choses qu’elle nous adresse et que nous
accueillons sous toutes réserves, nous Four-
nil l'occasion, dont nous nous empressons
de profiter, de développer un point inté-
ressant et assez inconnu de l’aspect exté-
rieur du milieu social domestique de nos an-
cêtres, à la fin du XVIe siècle. Voici d’abord
la communication dont a bien voulu nous
honorer Madame la Marquise L. de***
a Monsieur,
« Ma lettre vous prouvera que je lis vos
» articles avec une grande attention ; j’y
» trouve toujours cc plaisir excessif que
» l’on ressent en rencontrant précisément
» dans le livre que l’on feuillète, le pas-
» sage recherché.
» Vous avez dù, Monsieur, vous poser
» curieusement quelque jour toutes les
» questions dont les lecteurs cherchent la
» solution dans vos écrits, pour donner
» précisément et toujours le renseignement
» intéressant, inédit, friandise que l’oti est
» sûr de ne jamais rencontrer dans ces li-
» vres, trop nombreux aujourd’hui, qui
» semblent faits aux ciseaux avec des frag-
» ments d’écrivains antérieurs.
» Le récit est plutôt salyrique que pé-
» dant, il ne fatigue pas, car c’est toujours
» à contre cœur qu’il embaume parfois la
» respectable et érudite moisissure archéo-
» logique.
» Si jamais la note comique ne vous
» échappe, par contre, avouez-le entre
* nous, vous cédez souvent au désir de
* faire un mot ; c’est ce désir immodéré
» qui vous a fait choir dans une chausse-
» trappe, une souricière, un piège à loups,
» où je vous tiens aujourd’hui une bonne
» fois sur la sellette, pris la main dans le
» sac en flagranldélit. Ecoutez-moi, je vous
» cite textuellement :
» Quand Juste Lipse eut prononcé le
» fatidique dixi, lés sérémssimes archi-
» ducs ne furent pas fâchés sans doute de
» varier toutes ces fleurs de poésie, de
» philosophie et d’éloquence, par une pro-
» monade aux magnifiques parterres des
» jardins des domaines d’Heverlé, où les
» attendait un festin superbe etc. etc. »
« Les magnifiques parterres et les jardins
» d’Heverlé ! Vous oubliez, Monsieur, que
» cette cérémonie se passait avant le 5
» Décembre 1599! puisque vous dites quel-
» ques lignes plus bas : « le 6 Décembre
» suivant, les Archiducs partirent pour
» Malines ! »
« Quoiqti’avec un homme qui, à l’instar
» du comte St. Germain, semble avoir vécu
» à l’époque qu’il décrit, on ne sait jamais
» s’il faut se récrier ou se pâmer, je suis
» bien curieuse de voir comment vous vous
» tirerez de là et je vous liens pour pris et
» convaincu, si vous n’avez pas répondu
» endéans le trimestre. »
« Recevez en attendant, Monsieur,
l’assurance de ma sincère estime »
Marquise Louisa de***
« P.-S. La température exceptionnelle-
» ment douce dont nous gratifie Messer
» Aquilon, me fait réfléchir au dernier mo-
» ment.Si l’année 1599 aétéune deces an-
» néesexceptionneIIes,où les jardins s’émail-
» lèrent de fleurs en Décembre et où les
» vignes mûrirent en Mai, je déclare ma
» lettre nulle et non avenue el je vous dis-
» pense de m’envoyer la copie certifiée de
» quelque parchemin poudreux et raccorni
» destiné à me prouver matériellement ce
» fait anormal. »
Dansla phrase incriminée de notre article,
nous avons eu un tort, celui de tous ceux
qui, sachant depuis longtemps une chose,
vivent dans un milieu où cette connaissance
est devenue d’une telle banalité qu’ils s’i-
maginent de bonne foi qu’il doit en être de
même de tout le monde. C’est l’histoire de
tous les passages obscurs de Vitruve et de
Fronlin qui croyaient ne pas devoir se mon-
trer prolixes d’explications en parlant d’ob-
jets que leurs contemporains avaient sans
cesse sous les yeux.
L’histoire enregistre, il est vrai, des hi-
vers exceptionnels en Europe, pendant la
période qui nous occupe : en 1558, lesjai-
dins virent les rosiers en (leurs au mois de
Janvier ; en 1572, la douceur de l’hiver
permit aux arbres dese couvrir de feuilles,
les oiseaux couvèrent et eurent des petits
en Février. Il y eut des épis à Pâques, en
1585. Les années du règne des archiducs
Albert et Isabelle 1607, 1609, 1615 et 1617
furent remarquables par leurs hivers très
doux.
Mais l’hiver de la Joyeuse Entrée dont
nous nous occupions, mais le mois de Dé-
cembre 1599 fut froid et pluvieux à l’ordi-
naire ; des bises précoces avaient préma-
turément dépouillé la frondaison touffue
des vieux chênes.
Et cependant il reste avéré que les Ar-
chiducs, en attendant lesuperbe festin qu’on
leur préparait,se promenèrent dans les gra-
cieux méandres des parterres de verdure
odorante, sous les pergolesjes berceaux et
les cabinets de feuillages touffus des super-
bes jardins des ducs de Croï et d’Aerschot,
lieux chéris de Juste-Lipse, immortalisés
par les beaux vers de son poëme d’Heverlœa.
Pour prouver péremptoirement ce Fait
en apparence inexplicable.nous ferons briè-
vement l’histoire de l’art des jardinistes
et treillageurs auxPays-Bas à la lin du XVIe
siècle.
Nos Suzerains du moyen-âge et leurs
grands vassaux, entouraient leurs manoirs
de hautes futaies, de vergers et de prairies ;
à peine devant la façade exposée au midi, se
voyait un mince parterre à configurations
géométriques, où l’on cultivait quelques
fleurs vulgaires.
A l’époque de la renaissance, avec l’ar-