ISO —
sance des faits et vous comprendrez sans
peine le succès immense et légitime qui,dans
les circonstances actuelles, sera fait à ce nou-
veau bijou que la maison Dumoulin vient de
déposer dans l'écrin de la librairie fran-
çaise. AD. S.
LES ORIGINES DE LA PORCELAINE
EN EUROPE.
Le nom de M. le baron Davillier est bien
connu parmi ceux des amateurs les plus
éclairés et les plus heureux en rarissimes
trouvailles de notre époque où le bibelot est
dieu et les commissaires-priseurs ses pro-
phètes. M. le baron Davillier n'est pas seule-
ment un collectionneur émérite, c'est, en
même temps, un écrivain très distingué et,
assurément, l'un des plus compétents sur ce
terrain.
Le Journal des Beaux-Arts a déjà annoncé
son nouveau livre, Les Origines de la porce-
laine en Europe (Librairie de l'Art); il fera
certainement grand bruit dans le monde de
l'Hôtel Drouot,
On a cru pendant longtemps que les pre-
mières porcelaines fabriquées en Europe ne
remontaient pas au delà de la fin du dix-
septième siècle. C'était encore, il n'y a guère
plus d'une vingtaine d'années, une opinion
généralement admise, et la fabrique de Saint-
Cloud était regardée comme la première en
date.
Aux environs de 1860, la découverte fortuite
d'une porcelaine florentine du xvie siècle
attira l'attention de plusieurs curieux. Bientôt
une nouvelle rareté avait pris place dans le
domaine de de la céramique, à côté de ces
merveilles d'élégance et de goût connues sous
le nom de Henri II.
La date de la fabrication des premières
porcelaines européennes était ainsi tout à fait
reculée d'une centaine d'années. Puis, grâce
aux recherches d'érudits italiens, cette date
était encore portée de plus d'un siècle en ar-
rière.
Ferrare, qui disputait à la capitale de la
Toscane l'honneur de la priorité, était à son
tour devancée par Venise et un document, ré-
cemment découvert, prouve qu'un alchimiste
de cette ville avait eu, dès le dernier tiers du
xve siècle la gloire, de distancer les cher-
cheurs considérés jusque là comme les plus
anciens en date.
M. le baron Davillier, après avoir résumé,
avec une clarté extrême, les travaux de ses
devanciers et avoir étudié particulièrement les
porcelaines des Médicis, révèle lui-même,
d'après des documents inédits, extraits des
archives italiennes et espagnoles, l'existence
d'un atelier resté inconnu jusqu'ici, celui de
Pise dont les essais commencèrent en 1470.
M. Alph. de Rolschild possède un vase de la
fabrication de Pisc.
Ce très complet et très attrayant travail de
M. le baron Davillier prouve que, en Italie, —
avant l'époque historique de sa vulgarisation
—■ la porcelaine fut successivement inventée
et oubliée à plusieurs reprises. Ses recherches
offrent donc l'attrait d'une véritable découverte
artistique. Nous sommes à une époque où l'on
s'intéresse trop à la curiosité pour que cette
découverte ne produise pas cette belle émotion
qui fait époque dans les annales du bibelot...
mais, comme M. Alph. de Rotschild, tout le
monde ne peut pas posséder un vase de Pise;
les anciens pour s'en consoler avaient inventé
le proverbe : non licet omnibus adiré Corin-
thum.
Littérature.
DEVANT LA MER.
Devant nous, c'est la mer. Une voix amoureuse
Nous parle l'un de l'autre en la rumeur des flots :
Pour la mieux écouter, tu tiens ton œil mi-clos,
Et tu sens dans mes bras comme une angoisse heureuse
Voici le soir qui tombe, et le couchant vermeil,
Comme un rideau de pourpre, où rutilent des flammes,
Se détachant des cieux, s'écroule dans les lames,
En les éclaboussant de rubis de soleil.
Comme en de bleus miroirs, luisant sous ta paupière,
Je regarde en tes yeux la mort de la lumière.
Et Técarlate orgueil du ciel agonisant,
Et, dans ce reflet rouge, au fond de ta prunelle,
Je vois mon cœur blessé qui s'est empreint en elle,
Et qui, dans un baiser, l'a teinte de son sang.
MOYEN-AGE.
A Camille Lemonnier.
Assise en son retrait, devant l'âtre qui luit
Et fait frisser sa vie ardente dans les cuivres,
La châtelaine rêve, oubliant tout déduit,
Sa harpe, sa quenouille et le coffre des livres.
Elle songe au baron, qui s'en fut outre-mer
Férir les Sarrazins, — Saint Denis le protège !
Or, la pauvre l'attend, et, par ce soir d'hiver,
Fouille des yeux les champs, blancs de lune et de neige.
Son svelte lévrier soudain hurle à la mort,
Et, dans les vents aigus, dont claquent les verrières.
Elle entend le Maufait rire de ses prières,
Puis un râle... — Et là bas, à l'arbre qui se tord,
Tandis qu'elle demande à Dieu miséricorde,
Un manant, branché hier, danse au bout de sa corde.
Emile Van Arenbergh.
{Dtromoue générale.
— Nous avons souvent, dans notrejournal, fait res-
sortir l'ingratitude du mouvement moderne vis-à-vis
des hommes de 1830 qui valaient peut-être mieux que
ceux du moment. Albert Wolf aborde le même
thème et pour être venu après nous, et d'autres, il
n'en sera que plus fort aux yeux de nos lecteurs.
Ecoutons-le parler dans le Figaro :
« Maintenant, quand on revient vers 1832, quand
on passe en revue les arts et les artistes de cette
date fameuse, et que l'on contemple ensuite la
société de gommeux de 1882, la comparaison n'est
certes pas à l'avantage de notre temps. Les cervelles
sont autrement construites aujourd'hui; on compte
ceux qui ont encore au fond du cœur la passion du
beau et l'ardeur des grands combats. Notre pauvre
petit cerveau est pris de long en large par la pièce
de cent sous; l'artiste ne se demande plus ce que
vaut son œuvre, mais ce qu'en rapporte l'aune ;
l'écrivain n'est plus obsédé par la pensée : comment
il sera jugé par la postérité; il compose ses livres
en vue des éditions plus ou moins nombreuses. Le
romancier vous dit : « J'ai tiré à quatre-vingt mille,
comme l'épicier se vante d'avoir fait par'an mille
francs d'affaires de plus que son rival. Le journa-
liste n'est plus l'être obscur qui traversait la vie
dans la satisfaction de pouvoir dire dans son journal
ce que les autres mortels doivent se borner à
s'avouer à eux-mêmes. Le diable d'argent nous a
saisis à la gorge les uns et les autres. La société
n'est plus qu'une agglomération de boutiquiers ;
son idéal, c'est la recette. Il se peut que ces
hommes de 1830, avec leurs longs cheveux, leurs
gilets à la Robespierre et leurs chapeaux cirés,
aient été ridicules, mais pas plus que nous qui nous
complaisons dans l'uniforme noir du gommeux,
avec les bottines pointues, et qui nous préoccupons
si la mode nous impose un seul grand bouton ou
trois petits pour les plastrons de notre chemise.
Mais nous avons de moins qu'eux la passion des
grands talents et la poursuite d'un idéal quel-
conque, qui était la force de ceux de 1830. »
» Ces hommes aux longs cheveux sont en somme
la gloire littéraire et artistique de ce siècle ; il faut
toujours remonter vers eux quand on veut s'enor-
gueillir un instant de son art et de sa profession.
Chez nous, plus rien en dehors de la prospérité
matérielle, idéal des jeunes gens, consolation des
vieux qui ont raté leur vie. Le journal qui jadis
était un temple où, résigné à l'obscurité individuelle,
on était au service d'une idée, n'est plus qu'une
boutique ; des hommes sans mandat et sans litté-
rature s'y installent en vertu du sac d'argent
triomphant et rayonnant. L'atelier du peintre n'est
plus qu'un comptoir et le maître du logis est à ce
point rompu aux affaires que les marchands de
profession ne sont que des écoliers à côté de lui.
Le musicien est monté au pupitre et fait le boniment
à la porte du théâtre pour faire aller la recette.
L'auteur dramatique, sans mesurer son œuvre
d'après un idéal quelconque, se vante d'avoir fait
la moyenne plus souvent que son confrère. Le co-
médien n'est plus grand par son génie, mais par
l'argent qu'il fait. Le tableau n'a plus de valeur
intrinsèque ; on l'aime pour ce qu'il coûte ; la
littérature se mesure d'après ce qu'elle rapporte, et
quand une opérette parvient cl Sel deux-centiéme
représentation, nous allons tous danser de joie
autour du million de recettes, comme ceux de 1830
s'enflammaient pour une œuvre qui ne rapportait
pas un sou, mais qui témoignait, de la part de
l'auteur, l'amour de son art, sa préoccupation de
l'avenir et son souci de jeter quelque gloire sur
son pays.
La société artistique de la fin du dix-neuvième
siècle de haut en bas, de long en large, est affolée
par la question d'argent, est dominée par l'argent
et est abaissée par l'argent au niveau de quelque
chose d'inférieur à la génération de 1830.
« L'artiste est devenu un bourgeois; au lieu de
sance des faits et vous comprendrez sans
peine le succès immense et légitime qui,dans
les circonstances actuelles, sera fait à ce nou-
veau bijou que la maison Dumoulin vient de
déposer dans l'écrin de la librairie fran-
çaise. AD. S.
LES ORIGINES DE LA PORCELAINE
EN EUROPE.
Le nom de M. le baron Davillier est bien
connu parmi ceux des amateurs les plus
éclairés et les plus heureux en rarissimes
trouvailles de notre époque où le bibelot est
dieu et les commissaires-priseurs ses pro-
phètes. M. le baron Davillier n'est pas seule-
ment un collectionneur émérite, c'est, en
même temps, un écrivain très distingué et,
assurément, l'un des plus compétents sur ce
terrain.
Le Journal des Beaux-Arts a déjà annoncé
son nouveau livre, Les Origines de la porce-
laine en Europe (Librairie de l'Art); il fera
certainement grand bruit dans le monde de
l'Hôtel Drouot,
On a cru pendant longtemps que les pre-
mières porcelaines fabriquées en Europe ne
remontaient pas au delà de la fin du dix-
septième siècle. C'était encore, il n'y a guère
plus d'une vingtaine d'années, une opinion
généralement admise, et la fabrique de Saint-
Cloud était regardée comme la première en
date.
Aux environs de 1860, la découverte fortuite
d'une porcelaine florentine du xvie siècle
attira l'attention de plusieurs curieux. Bientôt
une nouvelle rareté avait pris place dans le
domaine de de la céramique, à côté de ces
merveilles d'élégance et de goût connues sous
le nom de Henri II.
La date de la fabrication des premières
porcelaines européennes était ainsi tout à fait
reculée d'une centaine d'années. Puis, grâce
aux recherches d'érudits italiens, cette date
était encore portée de plus d'un siècle en ar-
rière.
Ferrare, qui disputait à la capitale de la
Toscane l'honneur de la priorité, était à son
tour devancée par Venise et un document, ré-
cemment découvert, prouve qu'un alchimiste
de cette ville avait eu, dès le dernier tiers du
xve siècle la gloire, de distancer les cher-
cheurs considérés jusque là comme les plus
anciens en date.
M. le baron Davillier, après avoir résumé,
avec une clarté extrême, les travaux de ses
devanciers et avoir étudié particulièrement les
porcelaines des Médicis, révèle lui-même,
d'après des documents inédits, extraits des
archives italiennes et espagnoles, l'existence
d'un atelier resté inconnu jusqu'ici, celui de
Pise dont les essais commencèrent en 1470.
M. Alph. de Rolschild possède un vase de la
fabrication de Pisc.
Ce très complet et très attrayant travail de
M. le baron Davillier prouve que, en Italie, —
avant l'époque historique de sa vulgarisation
—■ la porcelaine fut successivement inventée
et oubliée à plusieurs reprises. Ses recherches
offrent donc l'attrait d'une véritable découverte
artistique. Nous sommes à une époque où l'on
s'intéresse trop à la curiosité pour que cette
découverte ne produise pas cette belle émotion
qui fait époque dans les annales du bibelot...
mais, comme M. Alph. de Rotschild, tout le
monde ne peut pas posséder un vase de Pise;
les anciens pour s'en consoler avaient inventé
le proverbe : non licet omnibus adiré Corin-
thum.
Littérature.
DEVANT LA MER.
Devant nous, c'est la mer. Une voix amoureuse
Nous parle l'un de l'autre en la rumeur des flots :
Pour la mieux écouter, tu tiens ton œil mi-clos,
Et tu sens dans mes bras comme une angoisse heureuse
Voici le soir qui tombe, et le couchant vermeil,
Comme un rideau de pourpre, où rutilent des flammes,
Se détachant des cieux, s'écroule dans les lames,
En les éclaboussant de rubis de soleil.
Comme en de bleus miroirs, luisant sous ta paupière,
Je regarde en tes yeux la mort de la lumière.
Et Técarlate orgueil du ciel agonisant,
Et, dans ce reflet rouge, au fond de ta prunelle,
Je vois mon cœur blessé qui s'est empreint en elle,
Et qui, dans un baiser, l'a teinte de son sang.
MOYEN-AGE.
A Camille Lemonnier.
Assise en son retrait, devant l'âtre qui luit
Et fait frisser sa vie ardente dans les cuivres,
La châtelaine rêve, oubliant tout déduit,
Sa harpe, sa quenouille et le coffre des livres.
Elle songe au baron, qui s'en fut outre-mer
Férir les Sarrazins, — Saint Denis le protège !
Or, la pauvre l'attend, et, par ce soir d'hiver,
Fouille des yeux les champs, blancs de lune et de neige.
Son svelte lévrier soudain hurle à la mort,
Et, dans les vents aigus, dont claquent les verrières.
Elle entend le Maufait rire de ses prières,
Puis un râle... — Et là bas, à l'arbre qui se tord,
Tandis qu'elle demande à Dieu miséricorde,
Un manant, branché hier, danse au bout de sa corde.
Emile Van Arenbergh.
{Dtromoue générale.
— Nous avons souvent, dans notrejournal, fait res-
sortir l'ingratitude du mouvement moderne vis-à-vis
des hommes de 1830 qui valaient peut-être mieux que
ceux du moment. Albert Wolf aborde le même
thème et pour être venu après nous, et d'autres, il
n'en sera que plus fort aux yeux de nos lecteurs.
Ecoutons-le parler dans le Figaro :
« Maintenant, quand on revient vers 1832, quand
on passe en revue les arts et les artistes de cette
date fameuse, et que l'on contemple ensuite la
société de gommeux de 1882, la comparaison n'est
certes pas à l'avantage de notre temps. Les cervelles
sont autrement construites aujourd'hui; on compte
ceux qui ont encore au fond du cœur la passion du
beau et l'ardeur des grands combats. Notre pauvre
petit cerveau est pris de long en large par la pièce
de cent sous; l'artiste ne se demande plus ce que
vaut son œuvre, mais ce qu'en rapporte l'aune ;
l'écrivain n'est plus obsédé par la pensée : comment
il sera jugé par la postérité; il compose ses livres
en vue des éditions plus ou moins nombreuses. Le
romancier vous dit : « J'ai tiré à quatre-vingt mille,
comme l'épicier se vante d'avoir fait par'an mille
francs d'affaires de plus que son rival. Le journa-
liste n'est plus l'être obscur qui traversait la vie
dans la satisfaction de pouvoir dire dans son journal
ce que les autres mortels doivent se borner à
s'avouer à eux-mêmes. Le diable d'argent nous a
saisis à la gorge les uns et les autres. La société
n'est plus qu'une agglomération de boutiquiers ;
son idéal, c'est la recette. Il se peut que ces
hommes de 1830, avec leurs longs cheveux, leurs
gilets à la Robespierre et leurs chapeaux cirés,
aient été ridicules, mais pas plus que nous qui nous
complaisons dans l'uniforme noir du gommeux,
avec les bottines pointues, et qui nous préoccupons
si la mode nous impose un seul grand bouton ou
trois petits pour les plastrons de notre chemise.
Mais nous avons de moins qu'eux la passion des
grands talents et la poursuite d'un idéal quel-
conque, qui était la force de ceux de 1830. »
» Ces hommes aux longs cheveux sont en somme
la gloire littéraire et artistique de ce siècle ; il faut
toujours remonter vers eux quand on veut s'enor-
gueillir un instant de son art et de sa profession.
Chez nous, plus rien en dehors de la prospérité
matérielle, idéal des jeunes gens, consolation des
vieux qui ont raté leur vie. Le journal qui jadis
était un temple où, résigné à l'obscurité individuelle,
on était au service d'une idée, n'est plus qu'une
boutique ; des hommes sans mandat et sans litté-
rature s'y installent en vertu du sac d'argent
triomphant et rayonnant. L'atelier du peintre n'est
plus qu'un comptoir et le maître du logis est à ce
point rompu aux affaires que les marchands de
profession ne sont que des écoliers à côté de lui.
Le musicien est monté au pupitre et fait le boniment
à la porte du théâtre pour faire aller la recette.
L'auteur dramatique, sans mesurer son œuvre
d'après un idéal quelconque, se vante d'avoir fait
la moyenne plus souvent que son confrère. Le co-
médien n'est plus grand par son génie, mais par
l'argent qu'il fait. Le tableau n'a plus de valeur
intrinsèque ; on l'aime pour ce qu'il coûte ; la
littérature se mesure d'après ce qu'elle rapporte, et
quand une opérette parvient cl Sel deux-centiéme
représentation, nous allons tous danser de joie
autour du million de recettes, comme ceux de 1830
s'enflammaient pour une œuvre qui ne rapportait
pas un sou, mais qui témoignait, de la part de
l'auteur, l'amour de son art, sa préoccupation de
l'avenir et son souci de jeter quelque gloire sur
son pays.
La société artistique de la fin du dix-neuvième
siècle de haut en bas, de long en large, est affolée
par la question d'argent, est dominée par l'argent
et est abaissée par l'argent au niveau de quelque
chose d'inférieur à la génération de 1830.
« L'artiste est devenu un bourgeois; au lieu de