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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1886

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LORD SALISBURY ET M. DE GIERS DEVANT LE TRIBUNAL EUROPÉEN


Lord Salisbury : J’en appelle au tribunal européen ! Quelle ne fut
pas l'indignation de l’Europe entière, quand elle apprit que l’or russe
avait payé la défection et la trahison des meilleurs officiers de l’armée
bulgare...
M. de Giers (interrompant'! ; Comme si l’or anglais s'était gêné
pour payer la défection et la trahison des meilleures troupes d’Arabi.
Vous oubliez par trop les charges de votre « fameuse cavaieriej de
Saint-Georges », confrère.
Lord Salisbury (reprenant) : .. .Quelle ne fut pas la consternation
de l’Europe, quand elle apprit, à n’en pouvoir douter, que l’or russe
avait soldé l’enlèvement nocturne d’un prince...
M. de Giers: Je le nie formellement, confrère, tandis que vous, je
vous défie de pouvoir nier que l’or anglais a payé, jadis, à Cadoudal,
l’enlèvement et l’assassinat du Premier Consul de la République fran-
çaise. qui était un bien autre personnage , vous en conviendrez, que
le petit Battenberg.
Lord Salisbury : Comment! Comment! le petit Battenberg 1
Alexandre de Battenberg est un grand prince, entendez-vous! Il a plus
de six pieds. Et grand par la taille, il l’est encore, par la bravoure, par
l’habileté, par la loyauté...
M. de Giers: Oh! oh! sa loyauté! Demandez à l’empereur Guil-
laume, tout le premier, ce qu’il pense de cette loyauté là. La vérité
pure, c’est que le petit Battenberg, fait prince, par nous, de cette
Bulgarie, dont l’émancipation nous avait coûté tant de sang et tant de
sacrifices, n’a eu rien de plus pressé que d’user de la position royale
?[u’il nous devait, pour substituer l’influence de l’Angleterre à celle de
a Russie dans les Balkans.
Lord Salisbury : Mais, mon cher confrère, cela se fait en politique.
Vous autres, Français et Russes, vous êtes, de temps à autre, assez
niais pour tabler sur la reconnaissance des princes et des peuples;
nous autres Anglais, nous n'avons jamais tablé que sur leur ingrati-
tude, et nous ne nous en sommes pas mal trouvés. Voyez plutôt ce qui
se passe aujourd’hui en Italie. Certes, la France a encore plus fait pour

LA JUSTICE ANGLAISE EN ÉGYPTE

Voici la traduction littérale d'une lettre arabe que notre directeur
reçoit-d’Assouan d’un témoin occulaire du fait relaté :
Salut à toi, ô vénérable Cheikh Abou Naddara! Qu’Aliah
récompense les généreux français qui te traitent en frère, et
prolonge les jours précieux de l’illustre Président de leur
glorieuse République et de ses éminents Ministres, qui s’oc-
cupent de notre délivrance, amen !
Tu as ouvert nos cœurs à l’espérance en nous annonçant que

la rédemption de l'Italie que ce que la Russie a pu. faire pour la Bul-
garie, ce qui n’empêche que l’Italie est réfractaire à l’influence française,
tandis qu’elle recherche et subit la nôtre. C’est le jeu du coucou, cela,
et c’est aussi celui de l'Angleterre !...
M* de Giers : Je vois que vous avez bien dîné, mon cher confrère,
et que vous avez le mot pour rire.
Lord Salisbury: Moi, rire! je pleure au contraire toutes les
larmes de mon corps. Oh, oh ! hi ! hi ! heu ! heu ! ce cher prince
Alexandre de Bulgarie, que la Russie avait imposé au choix des Bul-
gares, et qu’elle a ensuite arraché à leur amour!
M. de Giers : Il y a, en tous cas, cette différence entre notre cher
prince Alexandre de Bulgarie et votre cher prince Tewfik d’Egypte,
que si nous arrachons l'un à l'amour volage des Bulgares, vous imposez
l'autre à la haine persistante des Egyptiens.
Lord Salisbury : Que me parlez-vous des Egyptiens comparés aux
Bulgares !
M. de Giers : Mais dame ! mon cher confrère, il me semble que la
nationalité bulgare, naissante ou renaissante, est de petite noblesse
en comparaison de la nationalité égyptienne que vous étouffez systé-
matiquement etbmpêchez de sortir du tombeau.
Lord Salisbury : Ah, par exemple ! comme si nous avions intérêt
à étouffer ces chers égyptiens. Nous nous bornons à les tenir à l’étroit
et à les priver de lumière pour qu'ils deviennent plus gras sous la
dent de nos cadets et de nos ingénieurs. Hi! hi! heu! heu! ces pauvres
bulgares; hi ! hi ! heu ! heu! ces pauvres égyptiens, que nous aimons tant
en Angleterre.
M. de Giers : Messieurs du tribunal européen, regardez couler ces
larmes; ce sont de véritables larmes de crocodile! L’Angleterre ne
pleure pas sur les bulgares ou les égyptiens que son égoïsme a déjà
dévorés; elle pleure en songeant que votre justice ne lui permettra pas
de dévorer ce qu’il en reste.
Le Tribunal européen : La cause est entendue. Le prononcé du
jugement renvoyé au 12 avril prochain.

la France, que nous chérissons, et la Russie, que nous aimons,
offrent leurs bras vaillants au magnanime Commandeur des
fidèles, pour chasser de notre sol les sauterelles rouges qui le
ravagent.
Qu’ils se hâtent donc de nous délivrer des mains infâmes de
nos oppresseurs, car la mesure de nos souffrances est comble.
Nos frères d’Occident n’ont, hélas ! aucune idée des maux
que nous endurons sous la domination britannique.
Qu’ils prêtent une oreille bienveillante au récit du fait que
nous allons te raconter, et ils sauront qu’il n’y a pas une
 
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