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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1886

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John Bull : Admirable invention que le téléphone, mais à la condi-
tion que chacun parle à son tour. Lorsque tous me parlent à la fois,
vrai! j’en demeure tout ahuri. Voyons mes doux agneaux, procédons
par ordre ; je vous écouterai et vous répondrai à tour de rôle. Nubar,
tu as la parole.
Voix de Nubar : Détestable effet produit en Egypte par le discours
Freycinet. J’avais dit partout que la petite souris blanche serait
dévorée par le gros chat Salisbury, qui reçoit un terrible coup de
dent de la petite souris blanche. Sommes inquiets.
John Bull : Rassure-toi, brave Nubar. La petite souris blanche
est déjà tombée dans la souricière parlementaire que nous lui
avions fait tendre. Hein ! c’est lord Lyons qui m’appelle ! Qu’y a-t-il,
mylord ?
Voix de lord Lyons : Il y a, que Freycinet est entré bien vite et
de son trop plein gré, à mon sens, dans la souricière. On dirait qu’il
s’y trouve à l’aise, qu’il est d’accord avec Goblet, et qu’il se moque
de nous.
John Bull : Tonnerre de Portsmouth ! Il faudrait prendre garde à
cela. Ainsi, selon vous, Freycinet nous jouerait tout simplement un
tour de Goblet.
Voix de lord Lyons : J'en ai peur,
John Bull : Veillez, milord, veillez. Allons, bon! c’est Stephenson
maintenant qui me carillonne !
Voix de Stephenson : Je ne réponds plus de rien. Ce n’est pas
sans peine, je vous assure, que j’ai réduit les Egyptiens à se battre
pour nous contre les Soudanais, tandis que nous nous tenons tran-
quille, mais au loin, en parfaite sûreté. Mais je doute, que nous puis-
sions réduire les Italiens au même rôle contre les Abyssins, et les
Abyssins deviennent sérieusement menaçants.
John Bull : Valeureux Stephenson, vous n’êtes qu’un imbécile. Les
Italiens sont à notre merci et discrétion, bien plus encore que les
Egyptiens ; car, tandis que les Egyptiens ne sont que les esclaves de
notre force brutale, les italiens sont les esclaves de leur inguérissable
jalousie vis-à-vis de la France.
Voix du général Roberts : John Bull, John Bull, es-tu là ?
John Bull : Quelle est cette clochette lointaine ?
Voix du général Roberts : C'est moi, John Bull, ton fidèle géné-
ral en chef en Birmanie.
John Bull : Ah ! très bien, je vous reconnais à l’accent, mon cher
général. Comment vous portez-vous là-bas? Nous, nous ne nous por-
tons pas mal par ici.
Voix du général Roberts : Si vous vous portez bien, je vous en
félicite ; mais moi, je me porte mal. Je parcours la Birmanie en long
et en large, quoique la promenade soit un peu plus difficile que celle
de ce joli garçon de Wolseley en Egypte, je vous prie de le croire.

Mais après ! j’entends vos farceurs de journaux de Londres dire, que
je serai maître de la situation en mai ou en avril prochain. Je ne
serai maître de rien du tout, je vous en préviens.
John Bull : Chut ! chut ! Roberts, ne parle pas si haut, nous ne
sommes pas seuls, dans cette salle téléphonique européenne.
Voix du général Roberts : Approchez votre oreille et parlons
plus bas. Ce n’est pas tout : J’apprends de bonne source que la Chine,
à qui la Russie a donné des assurances touchant la Mantchourie,
s’apprête à nous jouer de vilains tours.
John Bull : Chut ! chut ! plus bas encore. Ami Roberts, si l'Europe
nous entendait.
Voix du général Roberts : Ce n’est pas tout encore : Pendant que
Duffnn est allé se balader du côté de Pondichéry, le mécontentement
s’est aggravé parmi les populations indigènes de l’Inde, auxquelles
il ne faut plus songer à rien demander en fait de sacrifices militaires,
Quant aux Afghans, ils nous échappent, et avant six mois, ils
seront les alliés du czar blanc.
John Bull {furieux) : Vous m’ennuyez, à la fin, et je vous ôte la
parole. O le plus pleurnicheur de mes généraux.
Voix de sir E. Malet : Psitt ! Psitt !
John Bull : Quoi encore ?
Voix de sir E. Malet ; Ne te retourne pas, John Bull, et que
rien, sur ton visage, ne trahisse que je te parle. Je quitte Berlin et je
retourne à Londres pour causer avec toi plus à l’aise; mais sache
déjà que, depuis que ce damné Herbette est ici, l’Allemagne se sépare
de nous en ce qui touche l’Egypte, principalement.
Voix de Vienne : Psitt, psitt !
John Bull ; Quel est ce nouveau psitt, psitt?
Voix de Vienne : Celui d’un ami sincère et masqué. Sache, mon
; pauvre John Bull, que l’Autriche est sur le point de s’entendre direc-
tement avec la Russie pour ce qui touche la Bulgarie et que cette
' entente une fois accomplie, on compte t’écarter des Balkans.
John Bull : M’écarter des Balkans, moi, moi, John Bull, juste au
! moment où je passe au cou du prince Alexandre de Battemberg le
i grand cordon de l’ordre du Bain. Ah ! ce serait trop fort !
Voix de Saint-Pétersbourg : Psitt, psitt ! John Bull, c’est fait.
La Russie et l’Autriche ont signé leur paix particulière en ce qui
regarde la question bulgare ; et la quadruple alliance gerrtiano-austro-
italo-anglaise, dont tu te flattais d’avoir serré les nœuds, est déjà
dénouée.
Voix de Sofia : Psitt, psitt !
John Bull (se bouchant les oreilles) : Ah, ils m'ennuient, à la fin,
avec tous leurs psitt, psitt ! Jouez donc au jeu aussi implacable que le
œif.:’. ne livrez rien au hasard; ne vous laissez détourner de votre
j ch -l'-'n ni par les usages de la morale usuelle, ni par les lois d’une
 
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