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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1887

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CHASSE ANGLAISE
l»r Officier anglais. — Ah! cette ibis, j'avais la caille au bout
•le mon fusil, et je suis sûr qu’elle en tient.
2"’B Officier anglais. — Goddem, mon ami, quand on est myope
comme vous, on emprunte les lunettes d’Abou Naddara. Ce n’est pas
une caille que vous avez tiré, mais un petit Arabe au haut d’un dro-
madaire.
!<:’■ Officier. — Oh! si ce n’est que cela, je ne fais pas plus de cas
d’un petit Arabe que d’une caille!
2"le Officier. — Very well, mais si vous m’en croyez, décampons.
Votre plomb n'a pas atteint que l’enfant, il a atteint à tort et à tra-
vers, dromadaires et gens; et tous ces gaillards là vont nous tomber
sur le dos avant qu’il no soit quelques minutes.
1er Officier. — Us n’oseraient!
ome officier. — Et pourquoi?
1er Officier. — Parce que nous sommes les conquérants et qu’ils
sont les conquis.
£mc Officier. — Des soldats conquérants en civil, ça ne compte
nas. On va nous houspiller d’importance, et nous ne l'aurons pas
volé. Sauvons-nous dignement I

RIXE ARABE
2n‘° Officier anglais. — Eh! dites donc; si vous nous bâtonnez
sur le dos, ne nous crachez pas au visage au moins, l’un des pro-
cédés est de trop.
1 Officier anglais. - ■ Qui est l’animal qui veut m’arracher mon
fusil?
1er Fellah. — Cet animal e ;t le père de l’enfant que tu as criblé de
plomb. Quand on se sert de son fusil comme tu viens de le faire, on
n’est pas digne de le porter.
Officier.— Ah ! je ne suis pas digne de le porter? Tu vas voir
(Il dirige le canon de son fusil sur le fellah et le tue.) Chien d’Egyp-
tien ; maintenant tu ne m’arracheras plus mon fusil.
1er Fellah. — (Tombe en criant). Que la vengeance d’Allah frappe
celui qui nous a vendus à ta race maudite.
2me Fellah. — On tue le père après avoir estropie’ le fils ! Nous
nous en souviendrons. L’heure de la délivrance qui sonne tôt ou tard
pour tous les peuples opprimés, sonnera pour nous, et.

X"
K



COUR PRÉVÔTALE
Le Président. — Je m’adresse au plus coupable d’entre vous.
1“'' Fellah. — II n’y a pas de principal coupable parmi nous. Nous
sommes tous accusés au même titre, mais aucun de nous n’est coupable.
Nous nous sommes défendus, et voilà tout.
Le Président. — Il y a des circonstances où la défense constitue
un crime d’Etat.
2"‘“ Fellah. — Est-ce toi, Chefik Pacha Mansour, qui parle ainsi?
Et es-tu bien le fils de ton père? Es-tu, à vrai dire, le fils de ton propre
passé, l’ancien ami d’Arabi, l’ancien protagoniste du Parti national
égyptien ?
Le Président. — Il ne s’agit pas de ce que j’ai été, mais de ce que
je suis. Je préside une cour prévôtale, constituée à l’anglaise, parce que
j’y suis forcé, et je vais vous condamner à la peine anglaise du chat à
neuf queues,, parce que j’y suis forcé également. C’est odieux, c’est
impoli tique, c’est illégal, c’est inconstitutionnel, tant que vous voulez,
mais c’est ainsi.
3"‘e Fellah. — Mais demande au moins à ces Anglais de malheur
si, dans leur âme et conscience, ils n’estiment pas que c’est à eux qu’ap-
partiennent tous les torts.
Le President (aux deux officiers anglais). — Vous avez entendu,
messieurs ?
Les deux Officiers Anglais. — Les torts, les torts ! Il n’est plus
temps de les discuter. Nous avons reçu trop de crachats, et il nous faut
du sang pour les laver.

LE SUPPLICE
1er Officier Anglais (se frottant la joue). — Frappez ferme, mes
gars; du sang, du sang, nous n’en avons pas encore assez pour laver
nos joues.
2lue Officier Anglais. -■ Ma foi, puisqu’on tire du sang à ces
pauvres diables de fellahs, qu’on leur en tire donc assez pour qu’ils ne
soient jamais pius en état de nous rendre l’affront que nous leur faisons,
sans cela, gare au réveil.
L’Ombre d’Abou Naddara (se penchant vers Chefik Pacha
Mansour, et tout bas). — Es-tu l’ancien élève d’Abou Naddara et le fils
de son noble élève, le prince Mansour? Es-tu l’ancien étudiant en droit
de Paris?
Chefik Pacha Mansour (de même). — C’est moi, illustre Cheikh
cosmopolite.
L’Ombre d’Abou Naddara. — Je ne te reconnaissais pas. Mais
oublions le passé! Aujourd’hui, lu commets un oubli.
Chefik Pacha Mansour. — Et lequel ?
L’Ombre d’Abou Naddara. — Celui de faire dresser un dernier
poteau.
Chefik Pacha Mansour. — Et ce dernier poteau?
L’Ombre d’Abou Naddara. — Oui, un dernier poteau où on aurait
fait attacher le cadavre du fellah tué par l’Anglais, uniquement parce
qu’il avait voulu défendre son enfant contre le plomb meurtrier d’un
chasseur aussi odieux qu’imbécile. Avec ce cadavre, soumis , lui aussi,
aux morsures du chat à neuf queues, la petite tète eut été complète,
 
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