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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1888

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Issue 3 (30.03.1888)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56658#0012
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PARS POUR LA CRÈTE (sur la musique d’Offenbach)
Un haut fonctionnaire nous écrit de Constantinople qu’il est question plus que jamais de l’envoi d’ismaïl, l’ex-Khèdive,
à Crète (Candie), comme Gouverneur général. Cette nouvelle donna Vidée à Abou Naddara de faire le dessin ci-dessus et
la scène comique qui suit :

Chœur de turcs désinfectant Constantinople, et poussant
la barque d’ismaïl :
Pars, Ismaïl, pars pour la Crète !
N’infecte plus nos beaux palais,
Marche, Ismaïl, vers la tempête
Qu’à Crète t’apprête l’Anglais !
Au lieu de ces belles Hellènes
Qu'en rêve ces jours-ci tu Vois;
Des crocodiles, des baleines
Tu rencontreras cette fois.
On ne veut pas de toi dans l’ile,
On t’y connaît, affreux tyran.
Amis, désinfectons la ville
D’Abdul Hamid notre sultan.
Ismaïl : Oh là! Attention! Nous allons être engloutis! L’embarcation
serait-elle trop chargée ? Qu’on jette à l’eau les femmes. J’en trouverai
en Crète qui les vaudront bien.
L’Eunuque : Son Altesse n’a qu’à commander, et moi, son humble
esclave, exécuterai ses ordres.
Chœur des femmes :
Pitié! Ne jette pas à l'eau
Des jeunes femmes, ô Khédive!
Du Bosphore, voici la rive,
Au Vizir, fais de nous cadeau
Il est jeune, il nous aimera :
De volupté, le calice
Offert par nous, avec délice,
En te bénissant il boira.

Ismaïl : Femmes impudiques, taisez-vous! A mon arrivée à mon
nouveau royaume, je vous renverrai à Constantinople, non pas comme
cadeau au grand Vizir, mais pour être vendues au marchédes escjaves.
Les femmes : Nous préférons cela à l’oisive existence que nous
menons dans ton harem, où tu ne mets jamais le pied.
Ismaïl : Hassan, Houssein, Ibrahim, vous ramez comme des imbé-
ciles ; vous allez nous noyer.
Houssein : Si notre barque chavire, ce n’est pas de notre faute. Tu
n’as qu’à te tourner pour voir d’où vient le mal.
Hassan : Ce sont tes amis, ô père, qui poussent ton navire, comme
tu l’appelles, loin de leur pays qu’ils désinfectent en signe de mépris
pour toi.
Ismaïl : Laissez-moi devenir Wali de Crète, que je fortifierai pour
m’y proclamer roi, avec l’aide de l’Italie et de l’Allemagne et à la barbe
de la France et de la Russie, et vous verrez comment je ferai danser
le commandeur et tous ses croyants !
Ibrahim : Regarde donc devant toi, père, et tu verras qu’il nous
sera impossible de débarquer dans l’ile. Les habitants nous en repous-
sent énergiciuement.

Chœur de Crétais repoussant la barque ex-khédiviale.
N’approchez pas, fils d’ismaïl,
N’infectez pas l’ile de Crète.
On vous attend au bord du Nil,
A vous revoir, l’Egypte est prête.
Allez-y ; chassez les tyrans
Qui l’oppriment, c’est là la gloire
D’ismaïl et de ses enfants,
Allez, remportez la victoire.
Ismaïl : Ils ont raison. Partons pour l’Egypte. Nous y débarque-
rons la nuit et, déguisés en derviches turcs, nous nous présenterons à
Tewfik, cet ingrat de fils.
Houssein : Que nous supprimerons tout de suite.
Hassan : Devant ce fait accompli, personne ne dira rien.
Ismaïl : Et moi je redeviendrai khédive.
Houssein : Mais les Soudanais sont capables d’entrer en Egypte.
Ismaïl : Qu’Allah le veuille ! car je m’unirai à eux pour chasser
les Anglais d’abord, et puis je saurai me débarrasser d’eux. C’est alors
que je me vengerai de mes ennemis; je supprimerai les indigènes et
ne payerai pas un sou de la dette égyptienne aux Européens.
Ibrahim : Hélas ! papa, tes vœux n'ont pas de chance d’être exau-
cés. Je vois d'ici la vallée du Nil vers laquelle le vent nous pousse, et
les pierres que tes anciens sujets lancent sur nous touchent déjà notre
barque. Ces ingrats de fellahs ne t’aiment pas.
Houssein : Regarde, ô père, les gueules des crocodiles prêtes à nous
avaler !
Hassan : Eloignons-nous.
Ismaïl : J'ai eu tort de quitter Constantinople.
Chœur de fellahs (lançant des pierres) :
Cette barque porte la peste;
Crocodiles, éloignez-la.
Le peuple égyptien déteste
Ismaïl et fils. Par Allah!
lis ont été la cause unique
De l’invasion britannique.
Crocodiles, monstres du Nil,
Qui dévorâtes les victimes
Du despotisme d’ismaïl,
Dévorez-le; car ses noirs crimes
Méritent ce dur châtiment
Et celui du grand jugement
L’Eunuque (d part) : C'est écrit que nous ne reverrons jamais
l’Egypte.
Les femmes (à part) : Dieu veuille que nous retournions à Naples!
Nous ferons ce que Farida a fait. Les Napolitains sont très entrepre-
nants.
Ismaïl : Serais-je donc réduit à retourner à Naples ?
 
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