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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1889

DOI issue:
Issue 11 (18.11.1889)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56660#0043
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bonne chose a son mauvais côté. Lajoie tue. Il est donc certain que
les illustres déportés succomberont bientôt au bonheur qui les accable.
Tewflk (à part, à Riaz) : Bravo le Prince 1 Je le comprends, il va
faire empoisonner Arabi et ses compagnons : c’est la politique de mon
père.
Le Prince : Or, en vus de vous être agréables, S. M. mon Au-
guste Mère et sa Seigneurie le noble marquis de Salisbury vous pro-
mettent par ma bouche de soumettre les corps des grands nationalistes
égyptiens.à la crémation perfectionnée afin de distribuer leurs cendres
à leurs nombreux amis sur les bords du Nil,
Tewflk et Riaz (crient en applaudissant) : Très bien ! Très bien !
Vive notre futur Roi ! Vive notre Souveraine, sa Mère !
Le Peuple (au Prince de Galles) : Grand merci de votre bonté,
ô fils de la sultane anglaise. Ce ne sont ni des cendres, ni des cadavres
que nous voulons, ce sont nos amis, nos frères vivants injustement
condamnés que nous demandons. Honte! Honte sur ceux qui les
retiennent en exil. Que la malédiction d’Allah tombe sur leurs têtes !
Prince, retourne chez toi, tu n’es pas le prince de justice et de paix
que nous attendons.
ABOU NADDARA AU PRINCE DE GALLES

Notre cadre restreint nous empêche de publier in extenso
l’épître que S. A. R. le prince de Galles doit avoir reçu de
notre directeur avant son départ pour l’Egypte. Nous allons
donc la résumer en reproduisant ici ses principaux pas-
sages.
En présentant, selon notre usage oriental, son salut par-
fumé d’estime et de respect à Son Altesse, le cheikh Abou
Naddara l’appelle le fils bien-aimé de Victoria, le gentil-
homme sympathique aux Français et le Prince héritier
cher aux vrais libéraux de la Grande-Bretagne qui espè-
rent en lui pour l’affranchissement de l’Irlande et l’éva-
cuation de l'Egypte. Puis, le cheikh lui dit ceci :
La main qui te trace hardiment ces lignes a serré cordialement la
tienne, il y a bientôt quatre lustres, dans une loge maçonnique, au
Caire.
A cette époque, je croyais que le Gouvernement de ton Auguste Mère
était favorable au Parti National égyptien, qu’il a détruit douze ans
plus tard.
A cette époque, le nom anglais était béni dans la vallée du Nil, où
il est maudit aujourd’hui.
Franchement, et sans flatterie, Abou Naddara déclare au
Prince que la faute n'est pas à lui, si bon et si magnanime,
mais aux fonctionnaires ordinaires et extraordinaires qui
représentent Sa Gracieuse Majesté en Egypte, et lui dit ceci
entre parenthèses :
Tu connais bien, monseigneur, la ëüpidité de tes compatriotes, leur
morgue, leur brutalité, et tü t’imagines aisément qu’ils doivent être dé-
testés en Egypte, comme ils le sont dans tous les pays où ils ont imposé
leur domination.
En parlant de l’accueil que les enfants de là vallée du Nil
feront au Prince, Abou Naddara lui dit très délicatement
qu’t’Z sera respectueux, mais pas du tout enthousiaste.
Quant aux acclamations sur son passage, elles seront de com-
mande. Puis il ajoute :
On ne peut pas exiger d’un peuple ruiné et désolé par l’invasion
britannique une réception cordiale pour le futur roi de cette nation.
Tu verras, ô Prince, que mes frères d’Egypte ne sont pas aussi con-
tents de leur sort que le prétend sir Baring dans les fréquents rapports
qu’il adresse à lord Salisbury.
Abou Naddara plaint sincèrement le Prince au sujet de la
corvée que sir Baring lui inflige de passer des revues, car les
exploits des troupes anglaises sur les bords du Nil ne sont
dignes ni de leur courage, ni de la grande nation qu’elles
représentent.
Si tu étais Wolseley, ô mon Prince, dit le Cheikh, tu féliciterais tes
braves soldats d’avoir osé se mesurer avec les bandes de Soudanais que
la faim avait chassées du désert, et tu leur dirais que du haut des
pyramides quarante siècles ont contemple leur héroïsme dans la bataille
de Toski, le massacre des innocefits. Mais tu es assez sensé, ô Prince
de Galles, pour dire de telles insanités.
Abou Naddara termine sa longue épître en conseillant au
Prince de faire connaître la véritable triste situation de
l’Egypte à son gouvernement et le décider à retirer son armée
d’occupation de la vallée du Nil; et lui dit :
Que les Anglais quittent ma malheureuse patrie, dont ils m’éloignent,
et nous redeviendrons amis. Le jour de leur départ d’Egypte,j’inVoquerai
les bénédictions du Très-Haut sur ta tête royale, et je ferai des vceux
pour la grandeur et la prospérité de ton Royaume-Uni.
r tCDimi ej - Àboü Naddara.
LES 115,16 ET 17e DISCOURS D’ABOU-NADDARA

L’abondance des matières ne nous a pas permis de publier,
selon notre habitude, quelques extraits de ces trois discours
de notre directeur et rédacteur en chef, dont la presse pari-
sienne a bien voulu donner un aimable compte rendu. Deux
de ces discours ont été prononcés aux banquets mensuels de
1 Union Méditerranéenne, et un à la réunion des Amis bienfai-
sants, du Grand-Orient de France. « Inutile de parler des

succès de l’orateur, a dit un de nos confrères. La parole
d’Abou-Naddara, toujours inspirée par l’amour de la liberté et
de la justice, charme ses auditeurs et mérite leurs applaudisse-
ments. »
La Rédaction.

DU HAUT DE LA TOUR EIFFEL
Si du haut des Pyramides quarante siècles contemplèrent la gloire de
l’armée française, i’Eternité contemplera du haut de la Tour Eiffel le
génie des ingénieurs français.
De loin, cette Tour majestueuse est apparue à mes regards étonnés
comme la colline des sciences, au sommet de laquelle resplendit le
temple de la Vérité.
Avec un religieux recueillement, j'ai gravi cette Tour gigantesque
dont la merveilleuse structure confond l’esprit; et mon âme, saisie
d’admiration devant le spectacle magnifique offert à mes yeux, éleva au
ciel des vœux pour la prospérité de la France, phare de la civilisation
de ce monde, et le bonheur de ses fils intrépides, frères bien-aimés des
enfants de l’Orient. Qu’Allah exauce ces vœux. Bey de Giboüty,
L’ÉCHO CONTEMPORAIN
Biographie du Cheikh Abou-Naddara
Cette élégante et gracieuse Revue, que tout Paris lit avec
plaisir, a publié dans son dernier numéro le portrait du cheikh
Abou-Naddara, paru déjà dans les principaux journaux illus-
trés de France et de l’étranger, et l’a accompagné d’une belle
biographie due à la plume d’or de notre cher maître M. Léo
St-Ange. La place dont nous disposons ne nous permet pas
de reproduire ici les lignes charmantes que la vie politique et
littéraire du cheikh a inspirée au rédacteur de Y Echo contem-
porain-, nous nous bornerons donc à donner seulemènt
quelques passages du commencement et toute la fin de cette
bienveillante biographie en remerciant son éminent écrivain.
La Rédaction.
Abou-Naddara est un pseudonyme qui cache le nom d’un professeur
distingué, James Sanua, et qui signifie « L’homme aux lunettes ».
Ses aptitudes multiples le rendent assez « insaisissable » à l’examen et
à l’analyse. James Sanua est un cheikh : d'un esprit ardent et très
vif, doué d’une activité peu commune et de ressources intellectuelles
remarquables, il était fait pour mener à bien sa polémique contre son
gouvernement.
Abou Naddara a été professeur et je dirai même professeur de tout
Connaissant dans leurs plus mystérieuses finesses, l’arabe, l’italien,
l’anglais et le français, il possède encore d’autres dialectes d’Algérie
et de Tunisie. Les palais et les hôtels des pachas pourraient seuls
dire combien de langues et de sciences européennes, combien d’arts
d’agrément même il a enseignés aux fils des Excellences égyptiennes.
Il créa ét monta, lui seul, un théâtre sur lequel il fit représenter
nombre de pièces de sa composition : son génie d’observation et sa
critique fine lui valurent le nom de « Molière Egyptien ».
Mêlé de très près aux affaires politiques de son pays, il entreprit
une campagne satirique contre le règne d’Ismaïl, sous la domination
I duquel l’Egypte courbée, eut à supporter bien des misères. Il créa
à cet effet, son journal « l’Abou Naddara », mais, peu soutenu, c’est
avec ses propres deniers qu’il dut continuer la lutte qu’il avait entre-
prise.
Mais le retentissement de ses remarques acerbes, avee lesquelles il
espérait secouer la torpeur de ses concitoyens endormis, eut pour effet
de le faire exiler : dure mesure qui brisait toutes ses espérances de
régénérer sa patrie.
Paris est le grand refuge de toutes les intelligences supérieures :
Paris l’attira et lui donna une hospitalité qui devait amplement le
dédommager de ses vicissitudes. Il recommença sa vie de professeur.
Sa qualité de maître de l’école polytechnique du Caire lui ouvrit beau-
coup de portes et lui permit de continuer ses publications satiriques
qu’il parvint à faire pénétrer en Egypte, malgré la surveillance des
autorités, en changeant souvent, le titre de ses brochures, mais en
combattant toujours le même combat de la bonne cause.
Est-ce un caricaturiste à la façon de nos crayonneurs actuels ? —
Non. — Est-ce un hbmme politique ? un polyglote ? un comédien ? un
poète ? — Non. C’est une organisation spéciale réunissant toutes ces
qualités. Son but » été le relèvement de sa patrie, et merveilleusement
secondé par ses moyens multiples, il s’en est servi pour arriver à un
résultat favorable. Toutes ses aptitudes ont concouru à ce relèvement
rêvé et ses railleries, soulignées de dessins humouristiques ont souvent
caché, sous une note gaie, une larme bien amère.
Poète, il l’a été ; et c'est à son extrême sensibilité, à son assimilation
des sentiments grands et généreux que nous devons d’avoir de vives
sympathies parmi les orientaux, chez qui il a développé les traditions
françaises, tout en montrant notre amitié pour ses compatriotes.
Le pain de l’exil est souvent très dur : Abou Naddara l’a trouvé
chez nous moins amer que dans sa patrie : il nous en a largement
récompensés par les amis qu’il nous a fait là-bas, sur les bords du Nil.
Nous ne pouvons mieux terminer eette trop courte biographie que
par un souhait tout arabe qu’il aime à prononcer.
< Qu’AUah ne cesse jamais de répandre sur lui et sur vous, amis
lecteurs, la rosée de ses bénédictions ! »
Léo St-Ange.
 
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