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al- Munṣif: ǧarīda siyāsīya adabīya tiǧārīya — Paris, 1902

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https://doi.org/10.11588/diglit.62024#0003
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Lord Methuen. — J'admire votre magnanimité, dont je suis indigne.
Votre cœur généreux et votre âme noble sont à la hauteur de votre
héroïsme. La liberté que vous me donnez va augmenter le mépris des
nations pour nous et leur estime pour vous. Puissent notre sanglante
défaite et votre éclatante victoire amener la paix et nous faire oublier
les grands malheurs dont cette guerre est la cause!
Le Général Delarey. — Amen! Que vois-je? L'arc-en-ciel boër
apparaît à l'horizon.
L'Officier (à lord Methuen). — Regardez, général, regardez! C'est
merveilleux ! Les nuages représentent au ciel la silhouette du Président
Krüger.
Lord Methuen. — Puisse cette apparition être signe de paix!
Abou Naddara.

Noces d'argent du " Journal d'Abou-Naddara ".
A mon ami J. Munier.
Pends-toi, brave Munier, la fête littéraire
Donnée à ton ami,Cheikh Abou Naddara, ।
Pour ses noces d'argent, touchant anniversaire/
Eut un succès superbe, et tu n'étais pas là 1
Abou Naddara.
... Et je n'étais pas là!... Vos paroles vibrantes,
Je n'ai pu les entendre. Aux coupes enivrantes,
Pleines d'un doux nectar, mes lèvres n'ont pas bu;
La fête était superbe, et mes yeux n'ont rien vu!
Les voiles du lointain me cachaient ton sourire,
Ma main n'a pu presser la tienne, c'est tout dire...
Mais mon cœur était là battant avec vos cœurs;
Mon âme frémissante errait parmi les fleurs
Que t'offrait l'amitié. Le meilleur de moi-même
Etait avec vous tous, puisque l'ami que j'aime
Etait là. Comme une ombre attachée à tes pas,
Mon cœur te suit partout et ne te quitte pas.
Dis-moi, quand tes amis, présents à cette fête,
Célébraient en beaux vers ta gloire de poète,
Dis, n'as-tu pas senti quelque chose passer
Sur ton front de penseur, comme un souffle léger,
Un suave zéphir aux ailes embaumées
T'apportant le parfum des rives bien aimées
Où tu rêvais jadis, où tu reçus le jour,
Que ta Muse en exil chante avec tant d'amour?
Pour tes noces d'argent, l'Egypte tout entière
Acclamait , elle aussi , l'enfant dont elle est fière
Ton vieux Nil, dont les bords se déroulaient plus beaux,
En ce jour glorieux faisait chanter ses eaux.
Et le Sphinx accroupi devant les Pyramides
Eut un éclair joyeux sous ses paupières vides.
Oui, nous avons pris part au festin solennel;
Nos âmes t'ont porté le salut fraternel ;
L'âme de tes amis, comme l'âme des choses
Etaient autour de toi, martyr des nobles causes.
C'est ainsi qu'invisible et pourtant bien présent,
J'assistais de tout cœur à tes noces d'argent.
Le Caire, le 3 mars 1902.
J. Munier.

Conférences et Discours du Cheikh Abou Naddara
(8me ET 9me DEPUIS JANVIER 1902).
Nous avons publié plus haut le compte-rendu que nos confrères
français ont bien voulu faire de la conférence que le Cheikh a faite
à l'Institution Graillot, à Montlhéry. Quant à son discours, il l'a pro-
noncé le 29 mars au banquet que l'Athénée de France a donné en
l'honneur de l'entente cordiale qui unit les deux grandes Puissances
française et italienne.
Dans son discours, Abou Naddara a parlé des Italiens et des Français
résidant dans l'Empire Ottoman, de la grande bonté dont ils sont
l'objet de la part au Gouvernement Impérial et de l'amitié sincère
qu'ont pour eux les fidèles sujets de l'Auguste Commandeur des
Croyants. Il a exprimé sa joie pour l'insigne honneur que ses con-
frères, MM.# Raqueni, Vibert, Buet et Penso ont eu d'être reçus par
S. M. le Roi Victor-Emmanuel III, qui daigna leur accorder un accueil
gracieux et les décora de Ses ordres Royaux. Le Cheikh a terminé ce
discours par ce toast en vers :

C'est depuis quarante et cinq ans
Que,je souhaite l'alliance
De l'Italie et de la France,
Pour le bonheur de leurs enfants.
Et voilà mes vœux exaucés!
Les deux nations sont unies
Dans leurs pays et colonies,
Et leur accord a grand succès.

Leur bon Roi, leur cher Président
Les rendent fortes et prospères ;
A leur santé levons nos verres
Et buvons en les acclamant!
Vivan! Vivan Francia e Italia
Coi lor popoli felici!
Alla lor sainte, il calice
Leviam lieti, 0 cari amici !

Et maintenant voici les vers par lesquels Abou Naddara a commencé
sa conférence à l'Institution Graillot.

Graillot me met sur la sellette
Et me dit : « Abou Naddara,
On vous demande une causette,
Parlez; on vous applaudira.
Vous savez que votre langage
Oriental plaît aux Français.
Commencez donc, bon Cheikh; courage,
Vous aurez beaucoup de succès.
Parsemez votre belle prose
De vos vers simples et touchants;
Parfumez votre speceh de rose,
Et d'amour parfumez vos chants.

Célébrez notre chère France,
Où régnent la vertu, l'honneur,
Et dites-nous ce qu'on en pense
Chez vous, parmi les gens de cœur.
Aux bords du Nil et du Bosphore,
Aime-t-on les Français toujours?
Dites-nous ça, je vous implore,
Dans votre intéressant discours.
Parlez-nous de votre patrie
gu'hélasl nous entendons gémir,
t nous, de votre causerie.
Garderons un doux souvenir.

A M. Henri BRISSON
ancien Président du Conseil des Ministres.

Le Cheikh Abou Naddara a terminé par les vers suivants sa lettre
à cet éminent homme d'Etat par laquelle il le remerciait de l'éloge qu'il a
bien voulu faire de lui dans son discours à la fête de la Société «La
Sportive» qu'il a présidée.

Je voudrais, honoré Brisson,
Vous faire entendre une chanson;
Mais ma lyre n'a plus de son;
Elle est en deuil sur ma patrie.
L'Egypte, où les fils d'Albion
Sèment la désolation;
Je pleure sur ma nation;
En vain, au secours, elle crie.
L'Europe a pour nous du mépris.
Elle se moque des hauts cris
Des opprimés et des proscrits,
L'amie elle est de l'Angleterre.

L'Europe se repentira,
Car victime elle aussi sera,
Croyez-en Abou Naddara.
L Europe a tort de laisser faire.
Mais les Français, amis de cœur,
Les Croyants et leur Commandeur
Chasseront cet envahisseur
Des pays d'Asie et d'Afrique.
Je vous promets que ce jour-là
Le Soudanais et le Fellah
Feront des vœux au grand Allah
Pour la France et sa République.
Abou Naddara.

Ce que la civilisation doit à l'Égypte.
Le mois dernier, lors de la belle fête où les membres de l'Athénée vous
témoignaient toute leur reconnaissance pour la chaude sympathie dont vous
avez toujours fait preuve envers leur Société, je crus remarquer, au milieude
la joie bien naturelle que vous causaient toutes ces marques d'affection, une
certaine mélancolie, et je n'eus pas de peine à deviner les causes de cette
peine secrète. C'est que vous vous souvenez de votre cher pays, dont vous
fûtes exilé, il y a plus de vingt ans pour avoir plaidé trop chaleureusement
sa cause. Parlons donc aujourd'hui du noble passé de votre patrie . ô Abou
Naddara, car c'est sans doute le vrai moyen de vous être agréable...
Et d'ailleurs quelle contrée fut plus digne de l'attention de l'historien e1
des méditations du philosophe? quoi de plus étrange que cette Egypte
placée pour ainsi dire sur la côte de l'Arabie, cette grande terre desséché'
et comme incendiée par un soleil implacable, qui n'y laisse croître qu'un'
bien chétive végétation, et bornée d'autre part par cet immense déser
d'aspect si grandiose, mais si lugubre, auquel on donne le nom de Sahara,
qui serait stérile comme les sables arides qui l'entourent de tous côtés, s1
elle n'était pas arrosée par le Nil, un des plus grands fleuves de la terre-
dont l'origine mystérieuse a longtemps préoccupé les géographes et qui,
échappé des lacs africains de la région équatoriale, vastes comme des mers,
quitte bientôt l'hémisphère austraf pour se diriger vers la Méditerranée où il
finira par se perdre après avoir créé ce delta dont la fertilité prodigieuse est
connue de tous. Le long de ce grand cours d'eau s'étend de chaque côté une
bande de verdure dont la largeur ne dépasse pas quinze kilometres dansh
haute Egypte et trente kilomètres dans la moyenne Egypte. Ce n'est que
dans la basse Egypte, c'est-à-dire dans le Delta, que l'étendue du sol curé
va ble est vraiment considérable; plus au sud, il n'existe plus qu'une étroite
vallée, très longue il est vrai, puisque de l'embouchure du Nil a la cataracte
de Hyenne, elle mesure plus de huit cents kilomètres. C'est sur ces quelque
vingt mille kilomètres que vivent des millions de paysans, grâce aux inor
dations fertilisantes du Nil, qui remplace ici les pluies dans une région
dont le ciel est toujours serein. Mais ces particularités géographiques et
météorologiques ne sont rien à côté des merveilles que son histoire nous
révèle. C'est en Egypte, semble-t-il, que l'homme a pour la première fois
élaboré une civilisation digne de ce nom C'est là que furent créées l'agricul-
ture, l'architecture, la peinture, la sculpture, les mathématiques, que Força
nisation sociale propre aux grandes monarchies succéda à l'anarchie primitive
des petites tribus isolées, ennemies impuissantes. C'est là aussi que la pensée
religieuse commença à s'élaborer, et si le culte populaire est encore manifes-
tement empreint d'un fétichisme grossier, il ne semble pas en être de même
de certaines doctrines secrètes confiées aux seuls initiés dans les parties les
plus secrètes des temples... Un panthéisme éclairé, peut-être même une
sorte de déisme, commencent à y etre enseignés.
Et c'est en Egypte, d'autre part, que se fit la grande découverte ^
l'écriture, qui a donné à la pensée humaine une puissance et un essors!
prodigieux. D'abord hiéroglyphique, puis syllabique et enfin alphabétique,
elle a fourni à l'écriture phénicienne et à la grecque ses éléments prin-
cipaux.
Des monuments grandioses couvrent encore de tous côtés son sol et
racontent la gloire de ses Pharaons dont quelques-uns, tels que Sésostris,
soumirent une grande partie de l'Asie à leur joug. Moins éphémères furent
leurs conquêtes dans le centre de cette Afrique mystérieuse. lis pénétrèrent
plus loin que la Nubie, dans les contrées équatoriales, et les peintures des
temples nous montrent la procession de captifs nègres et les animaux
étranges, tels que : girafes, éléphants, lions, panthères, rhinocéros, hippo-
potames, qu'ils ramenaient comme butin. C'étaient, à un certain sens, de
grands explorateurs de ce continent noir longtemps si mystérieux, où noue
suivons depuis peu de temps leurs traces. Et que de travaille encore dans l'art
de l'ameublement, de la poterie, de la verrerie, de la métallurgie, de h
bijouterie. Il ne faut nas oublier non plus que l'antique Egypte avait une
jurisprudence très raffinée et le plus souvent très humaine, et une littérature
non sans mérite dont nous commençons de peine à retrouver les vénérables
restes ( poème héroïque de Pentaour sur Sésostris , poésies légères, poésies
lyriques, etc.). Or, ce qui étonne, c'est que les temps des premières dynes-
ties, qui remontent, d'après les dernières recherches, à plus de 4-°°°^
avant Jésus-Christ, se faisaient déjà remarquer par la plupart des progrès
que nous venons d'énumérer. A quel passe prodigieusement lointain re-
montent donc ceux-ci?
Mais les peuples les plus favorisés du sort ont leur période de déclin. A^ris
avoir excité l'admiration de la Grèce, dont elle fut en partie l'éducatrice,
l'Egypte fut conquise par les Perses, et, enfin, par Alexandre, ce conquérait
Srodigieux, qui poussa jusqu'aux bords de l'Indus le cours dé ses conquêtes
'est ce grand homme qui fonda Alexandrie, dont il avait compris d'un coup
d'œil la splendide situation, placée à l'embouchure des trois continents. Son
œuvre fut continuée, à la dissolution de son empire, par un de ses plus
brillants lieutenants, Ptolémée Hagide, ainsi que par ses descendants.

(A suivre.)

Dr Tornerv,
84, rue de Turenne.
 
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