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La Lune — 2.1866

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https://doi.org/10.11588/diglit.6785#0158

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2

LA LUNE

LA RÉSURRECTION DE D'ARTAGNAN

i

Le deuxième samedi du mois de novembre 1866, la rue
Saint-Marc — où naquirent les Nouvelles — semblait être
dans une révolution aussi entière que si M. Louis Yeuillot
y eût iait une lecture publique des Odeurs de Pans.

La cause de ce tumulte était un jeune homme d'environ
soixante ans qui venait de descendre d'un fiacre traîné par
deux bidets .jonquille et bouton d'or, — couleurs fort com-
munes en ménage, mais jusqu'à présent fort rares chea les
chevaux.

Ce jeune homme avait sur ses cheveux blancs crépus, un
béret orné d'une espèce de plume. Son pourpoint et son haut-
de-chausses noirs s'efforçaient —mais en vain — de contenir
son ventre, qui leur échappait en bouillonnant. Ces vêle-
ments, quoique neufs, paraissaient froissés comme des hardes
de voyage. Une longue rapière pendue à un baudrier de
peau battait ses mollets puissants et relevait le pan de son
manteau couvert de la poussière des grandes étapes.

Sans prendre garde à la rumeur que son costume soule-
vait, il s'engagea — avec résolution — dans l'escalier de la
maison qui porte le numéro 7...

Un individu le croisa — qui allumait sa pipe...

— Aramis ! s'écria l'inconnu.
L'inconnu ouvrit les bras :

— Aramis, cher Aramis, souffrez que je vous embrasse !
Ce diable d'escalier est si obscur que je ne puis voir voire
ligure fine, pâle et noble, votre taille élégante, vos cheveux
bouclés, vos yeux noirs aux longs cils, vos mains de femme
et vos joues veloutées comme une pêche en automne ; mais
je vous ai deviné à ce parfum délicat qui, chez les gens du
monde, ne change jamais et semble s'êtr e incorporé dans la
personne dont il est devenu une émanation naturelle...

— A Chaillot! tonna l'individu,
lit il passa sans saluer.

C'était — l'uncien propriétaire des Nouvelles.

II

... Dans le salon de rédaction, les collaborateurs cau-
saient autour <lu lapis vert, en fumant des cigarettes.
C'étaient des histoires sans lin d'amour, de guerre et de
boutique. On parlait des beaux coups de plume fournis tout
récemment par Albert Wollî, des malheurs dû comte d'IIar-
eourt, dit Cadet la Perle, a la Gaîlé et de la prochaine ren-
trée de Thérésa dans sa bonne salle de l'Alcazar; quelques-
uns chantaient des noéls sur Mlle Silly; les noms d'Adrien
Marx, d'IIortcnse Schneider et de M. de Girardin n'étaient
pas même respectés.

A peine entré, l'inconnu courut à l'un des assistants :

— Sangdieu! Porthos, je suis aise de vous retrouver.
Avez-vous toujours ce joli bras qui vous servait pour enle-
ver les portes de Gaza comme Samson, pour arrêter les
meules de moulin comme Bernard de Carpio et pour arra-
cher les grilles des prisons comme le géant d'Ocana?

L'interpellé voulut esquiver l'accolade :

— Excusez-moi, monsieur, dit-il. Je m'appelle Amédée

Blondeau, et vos portes, vos meules et vos grilles me sont
complètement étrangères. J'ai débuté en 1861 aux Tablettes
de Roche fort...

— liochefort! L'homme de Meung! Mon voleur! Ah! si
jamais je le repince!...

Blondeau continua :

— Je suis passé de là à l'Indépendant de Saintes, et, plus
tard, à Paris, j'ai successivement travaillé au Messager des
théâtres, à la Discussion, au Nain Jaune, au Hanneton, aux
Nouvelles...

— Il suffit, ami Porlhos. On sait que vous feriez, sans
Vous gêner, un cerceau de cctte'pinc3lte et un tire-bouchon de
celle pelle. N'est-ce pas vous, d'ailleurs, qui avez tué Cahu-
9ac sur le terrain des Carmes déchaussés.

Un éclair féroce illumina l'œil de Blondeau...

— Vertubleu ! s'écria-t-il, auriez-vous l'intention de me
bêcher, par hasard? Apprenez que si je n'ai pas tué votre
Cahusac, je n'en suis pas moins, l'autre jour, allé galam-
ment sur le pré où j'ai blessé mon adversaire...

— Eli ! messieurs ! messieurs ! fit-on aux alentours.
Un laquais souleva une portière :

— M. de Launay attend M. le chevalier d'Arlagnan.

III

M. le chevalier d'Artagnan !...

On eût dit que ces mots venaient d'allumer une traînée
d'amour, d'admiration et d'enthousiasme !...

Sautant sur leur plume, les rédacleurs s'élaient formés en
ligne afin défaire honneur à l'illustre mousquetaire...

Une larme émergea des yeux de celui-ci et se perdit
dans sa moustache grise.

— Mordioux ! dit-il, on n'est donc pas fâché de me revoir
ici?

— Non, fit Philibert Audebrand.

— Grimaud! mon brave Grimaud! Fidèle serviteur!...
Baise mon pan !

Puis, à Vicllot : •

— Ça, Planchet, que l'on me débarrasse de mon manteau
et de mon épée !...

En ce moment arrivaient MM. de Launay et Henry...
D'Arlagnan leva son béret :

— Messieurs, dit-il, les Nouvelles ont élé votre bastion
Saint-Gervais; voulez-vous endosser une casaque rouge croi-
sée d'argent?

— Capitaine, répondit de Launay ave: feu, en votre com-
pagnie, nous chargerions sans hésiter tous les gardes de
M. le cardinal de Girardin !...

— Alors tope et tirigue au baron Brissc ! Parbleu ! voici

10 bon temps revenu, et nous allons nous remettre en cam-
pagne. De Launay, vous serez mon lieutenant. Aussi bien,
vous êtes des braves et des bons : on connaît vos prouesses
aux Français, à l'Odéon, aux Variétés. Henry sera notre
Colbert : il tiendra les clefs do nos coffres, et nous ferons en
sorte d'introduire dedans autant de mi'lions que ce faquin, ce
cuistre, ce fesse-matlhieu de Mazarin en légua à Louis XIV.
Le dernier des Athos est mort avec Roger de Beauvoir, soit ;
Porthos vous a quittés pour écrire au Soleil, très-bien ; Ara-
mis fonde le Camarade, tant mieux. Je serai, à moi seul,
Alhos, Porlhos, Aramis — et d'Artagnan ! Qui est-ce qui
dit que j'ai soixante ans? J'ai trois fois vingt ans, voilà tout.
En 1818 j'avais fondé le Mois; aujourd'hui je fonde le Moi :

11 n'y a rien de changé en France; il n'y a qu'une lettre de
moins dans le titre d'une feuille de plus !...

La pénombre du crépuscule avait envahi la rue Saint-
Marc...

Une flamme subile teinta les vitres de lumière...
D'Artagnan dressa la tête :
— Camarades, c'est l'aurore du Mousquetaire!
C'élail le gaz qu'on allumait — chez la mère Laurent —
au restaurant d'en face.

Star.

LES DÉCAPITÉS POUR RIRE

ou les

NOUVEAUX MYSTÈRES DE PARIS

Tout le monde sait que dans ce moment-ci Paris est plein
de décapités qui bavardent comme des pies borgnes, mais
anglaises.

Ces lêles coupées ne s'expriment facilement que dans la
langue de Shakspeare, ce qui renverse toutes mes connais-
sances en spiritisme. Le comédien Aldridge a aussi récilé
du Shakspeare à Versailles; mais il n'a pas eu la précaution
de se faire couper la tête avant de débuter, l'imprudent; et
cela seul peut expliquer son insuccès, tandis que les déca-
pités de MM. Talrich et Stodure sont tout simplement en
train de se couvrir de gloire.

Poor Aldridge!

Mais voici une bien autre affaire :

Nous étions réunis — ni hommes ni femmes, tous rédac-
teurs — au bureau de la Lime, lundi dernier. Emile Blon-
det traitait avec son talent hors ligne la fameuse question :
De i'influence des inondations sur les vins de Bourgogne... lors-
qu'on heurta légèrement à l'huis du cabinet où trône notre
rédacteur en chef.

— Entrez ! crièrent cinq ou six.voix.

L'huis resta clos, comme s'il s'agissait d'un attentat à la
pudeur en cour d'assises.

— Entrez ! répétèrent les cinq ou six voix.

Le caissier, flairant un abonnement, se dirigea vers la
porte et l'ouvrit. Il n'y avait personne.

— Good day, gentlemen, dit une voix.

Nous regardâmes à nos pieds, car ces mots semblaient
sortir du plancher. Horreur! stupéfaction! frémissement!
une tête se mouvait à la hauteur de nos chevilles, e', avant
que nous fussions en état do lui demander ce qu'il y avait
pour son service, elle saula prestement sur une chaise et de
là sur une table; puis elle nous fit ses excuses de ne pas ôter
son chapeau, un affreux malheur l'ayant privée de ses bras,
de ses jambes et de son corps; il ne lui élail resté que la i.a-
pole.

C'est alors que, surmontant une émotion bien naturelle,
j'ai pris la liberté de lui demander à quelle cause nous de-
vions l'honneur de sa visite.

— Gentlemen, nous dit la lèfe, je suis le décapilé de M. Tal-
rich. On vient de m'apprendre qu'un certain Slodare, qui
porte le prénom de Colonel, exhibe, rue de la Victoire un
décollé qui a la prétention de tenir mon emploi aussi bien
que moi.

— Eh bien, lêtc coupée?

LA DERNIÈRE MORT

DE ROGAMBOLE

— suite —

Au rédacteur général en chut de lu Lune.

Général,

Par une soirée pluvieuse
et sinistre du mois de no-
vembre 1866, un voyageur
enveloppé dans un man-
teau sombre, et dont un
feutre à plume r.oirc om-
; rageait le lier visage, ne
passai pas dans la rue de
Seine.

Étrange! Étrange!...

Mais s'il eût passé rue
de Seine, ce voyageur au-
dacieux, et que, se haus-
sant audacieusement sur
ses bottes de cuir de To-
lède, à la hauteur du
deuxième étage, il eût té-
mérairement glissé un re-
gard vertigineux dans ma
chambre, il aurait aper-
çu, à la lueur infernale

anipe Carcel, un homme j^unc encore, d'une beauté l'a-
hardie.

l'une 1
laie et
Mort de ma vie!

Ce gentilhomme tût frémi,
messeigneurs...

II eût serré convulsivement
sa dague sur sa poitrine
d homme...

Un ricanement sinistre eût
sifflé dans sa baibe brune...

Et Ton eût vu jaillir do ses
dents crispées ces deux mois
erriblea :
— C'kst lciI!
Car c'était lui, général.
Enfer et damnation!...
Je veux dire que c'était

Je m'apprêtais à lire la
IIe partie de l'immortel Ro-
camboJe i

m Sllliiœ DE U BOHÈME!

Quel lilre! mon général.

Si l'audacieux voyageur
(ût continué de glisser un
regard vertigineux, etc.,
il eût entendu un baryton
barytonnant un morceau. "3

Quel était ce morceau? quel était ce baryton?

Mystère!

Mais il n'est pas do mystère pour moi, sachez-le, général ; des
mystères? connais pas!

Le baryton, c'était Gambini.
Gambini e.-t d'une beauté fa-
tale et hardie.

Le morceau , c'était Trou!
la! la!

Têle et sang ! Fortune et dé-
rision ! Trou, la! la .'quand je lis
Itoeambole !!!...

W% L" beau inunc Ilomme (c'était

moi) eut un geste intraduisible.
Ce geste siguifiait clairement:
— Assez de mor-
ceaux comme ça! ,JvV

Si l'audacieux
voyageur eût con-
tinué, etc., il eût
saisi des mois bi-
zarres... évidem-
ment.

La gorge du ba-
rytoneutunephra-
se étrange.

— L&che donc
çn, — ça le met
des araignées dans
le plafond , des
écrevisscs dans lo
vol au vent. — Si
tu cenlinues, tu
vas dérailler tout
à fait !

Mort de ma vie ! !... Un mot de trop en vérité !
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
La dernière mort de Rocambole par Gill
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Gill, André
Entstehungsdatum
um 1866
Entstehungsdatum (normiert)
1861 - 1871
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Mann <Motiv>
Frankreich
Rocambole <Fiktive Gestalt>
Karikatur
Satirische Zeitschrift

Literaturangabe

Rechte am Objekt

Aufnahmen/Reproduktionen

Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 2.1866, Nr. 39, S. 39_2
 
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