44 LE MUSEUM
exempter l'Italie entièrement & les Provinces,pour la moitié,d'une redevance qui lui
étoit due , lors de fon avènement à la fuprême puiffance , & refufer les fucceffions
teftamentaires de ceux qui laiffoient après eux des enfans. Cette même économie lui
fourniffoit encore les moyens de remédier aux calamités publiques, foit dans Rome,
foit dans plufieurs autres Villes de l'Empire : de donner des fêtes & des jeux
au peuple , fenfible à ce genre de plaifirs: & de conftruire, pour l'embelliflè-
ment de Rome, de fuperbes édifices. Ennemi de l'orgueil, s'il permet les jeux
du Cirque au jour de fa naiffance, il refufe tous les autres honneurs qu'on
veut lui rendre & que l'ufage avoit confacrés : veut- on lui donner le furnom
fi cher de Père de la Patrie ? II ne veut le recevoir qu'après l'avoir mérité.
Affable & populaire , il honore fa dignité en fe rapprochant de fes Sujets.
Prudent, il n'agit jamais fans confeil , & , les motifs de fes actions étant tou-
jours purs, il aime à les dévoiler publiquement. Bon, fans être foible, il fouffre
en puniffant; mais il punit, & fa clémence tempère fa févérité. Naturellement
doux, il ferme les oreilles aux injures & pardonne même les railleries. Enfin,
auffi fage que beau, auffi remarquable par fon efprit que par fa Simplicité,
Singulièrement éloquent, Littérateur brillant, il rehauffoit fes vertus & fes
talens par fon humilité. On le compara plus d'une fois à Numa Pompilius, &
après fa mort, qui caufa la plus grande douleur au peuple Romain dont il
fut autant regretté que s'il eut été moiffonné à la fleur de l'âge, on lui déféra
tous les honneurs imaginables. Ce ne fut qu'un cri dans le Sénat pour le
mettre au rang des Dieux ; on lui confacra, Temples , Statues, Prêtres, Collège
d'Antoniniens dévoués à fon culte , fêtes anniverfaires pour célébrer fa mé-
moire, & , il faut l'avouer , malgré quelques taches (i) que Marc-Aurèle (2) &
Capitolin nous font découvrir dans fes mœurs, les fiècles de fuperftition
(1) Nous nous garderons bien de faire d'Antonin un défenfeur du fuicide , comme l'ont
imprudemment écrit des Littérateurs, d'ailleurs eftimables ; nous ne perdrons pas même
cette oceafion de venger cet Empereur d'une pareille inculpation, & d'ôter aux Apologiftes
de ce crime, malheureufement trop commun, l'autorité de ce grand homme ; pour ne pas
cependant redire ce que d'autres ont dit avant nous, nous nous contenterons de renvoyer
au Difcours Préliminaire que le dode M. le Febvre de Villeprune a mis à la tête de fa
Traduction du Manuel d'Epiclète, p. 25 & fuiv.
(2) Capitolin parle d'une concubine qui paffoit pour avoir quelque empire fur Antonin.
Repentinus famofâ voce percuffus efl , quod per concubinam Principis ad prœfe&uram
veniffet (C. 9), &, Marc-Aurèle en difant que ce Prince fe retira promptement d'un
genre de défordre plus criminel encore, attefte qu'il s'eu rendit coupable.
exempter l'Italie entièrement & les Provinces,pour la moitié,d'une redevance qui lui
étoit due , lors de fon avènement à la fuprême puiffance , & refufer les fucceffions
teftamentaires de ceux qui laiffoient après eux des enfans. Cette même économie lui
fourniffoit encore les moyens de remédier aux calamités publiques, foit dans Rome,
foit dans plufieurs autres Villes de l'Empire : de donner des fêtes & des jeux
au peuple , fenfible à ce genre de plaifirs: & de conftruire, pour l'embelliflè-
ment de Rome, de fuperbes édifices. Ennemi de l'orgueil, s'il permet les jeux
du Cirque au jour de fa naiffance, il refufe tous les autres honneurs qu'on
veut lui rendre & que l'ufage avoit confacrés : veut- on lui donner le furnom
fi cher de Père de la Patrie ? II ne veut le recevoir qu'après l'avoir mérité.
Affable & populaire , il honore fa dignité en fe rapprochant de fes Sujets.
Prudent, il n'agit jamais fans confeil , & , les motifs de fes actions étant tou-
jours purs, il aime à les dévoiler publiquement. Bon, fans être foible, il fouffre
en puniffant; mais il punit, & fa clémence tempère fa févérité. Naturellement
doux, il ferme les oreilles aux injures & pardonne même les railleries. Enfin,
auffi fage que beau, auffi remarquable par fon efprit que par fa Simplicité,
Singulièrement éloquent, Littérateur brillant, il rehauffoit fes vertus & fes
talens par fon humilité. On le compara plus d'une fois à Numa Pompilius, &
après fa mort, qui caufa la plus grande douleur au peuple Romain dont il
fut autant regretté que s'il eut été moiffonné à la fleur de l'âge, on lui déféra
tous les honneurs imaginables. Ce ne fut qu'un cri dans le Sénat pour le
mettre au rang des Dieux ; on lui confacra, Temples , Statues, Prêtres, Collège
d'Antoniniens dévoués à fon culte , fêtes anniverfaires pour célébrer fa mé-
moire, & , il faut l'avouer , malgré quelques taches (i) que Marc-Aurèle (2) &
Capitolin nous font découvrir dans fes mœurs, les fiècles de fuperftition
(1) Nous nous garderons bien de faire d'Antonin un défenfeur du fuicide , comme l'ont
imprudemment écrit des Littérateurs, d'ailleurs eftimables ; nous ne perdrons pas même
cette oceafion de venger cet Empereur d'une pareille inculpation, & d'ôter aux Apologiftes
de ce crime, malheureufement trop commun, l'autorité de ce grand homme ; pour ne pas
cependant redire ce que d'autres ont dit avant nous, nous nous contenterons de renvoyer
au Difcours Préliminaire que le dode M. le Febvre de Villeprune a mis à la tête de fa
Traduction du Manuel d'Epiclète, p. 25 & fuiv.
(2) Capitolin parle d'une concubine qui paffoit pour avoir quelque empire fur Antonin.
Repentinus famofâ voce percuffus efl , quod per concubinam Principis ad prœfe&uram
veniffet (C. 9), &, Marc-Aurèle en difant que ce Prince fe retira promptement d'un
genre de défordre plus criminel encore, attefte qu'il s'eu rendit coupable.