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https://doi.org/10.11588/diglit.75293#0085
DE FL 0 RENCE. 75
dévoile les foins miraculeux des Dieux pour fes petits-fils Remus & Romu-
lus dont il revèle l'éducation myftérieufe. Ceux-ci s'avancent auffi-tôt près
de lui, le couronnent & toute Albe le proclame Roi. Funefte paffion de
régner ! Quels crimes ne fais-tu pas commettre ! Fortifiée par un double
exemple, cette paffion devient funefte à Remus. Romulus & lui reconnus pour
fils de Rois, voulurent fonder une Ville. Le lieu même où la main cruelle d'un
oncle les avoit expofés , parut devoir être le fiége de leur puiffance : ils
mfultoient ainfi aux vains efforts du tyran qui les avoit voulu facrifier, & c'étoit
un hommage de reconnoiffance qu'ils rendoient aux Dieux. Mais qui des deux
frères portera la Couronne? Tous deux jumeaux, il n'y a pas de droits d'aîneffe
à réclamer. Partageront- ils l'Empire ? L'ambition ne connoît point de partage.
La Ville eft fondée, il lui faut un nom : les Dieux défigneront le Souverain
qui la nommera, & le vol des oifeaux fera leur langage. Ah! les hommes
laifferont-ils parler les Dieux? Non, ce fera l'ambition qui parlera. Remus,
du Mont Aventin voit paffer dix Vautours: placé fur le Mont Palatin, Romulus,
prefque auffi-tôt en découvre le double : aux armes , il faut interpréter le
langage des Dieux : la querelle s'échauffe : Remus eft frappé, Remus expire,
& Romulus règne. Moins cruelle & plus naturelle eft cette manière de raconter
fa mort. Il eft néanmoins des Auteurs qui veulent que Romulus même, piqué
d'une plaifanterie de Remus qui fe mocquant de la petiteffe des foffés qu'il
faifoit creufer , les fautoit par mépris, ait immolé de fa propre main fon
rival : & c'eft ainfi que Cicéron peint ce meurtre, que, Romain lui-même, il
condamne avec autant de zèle que d'équité.
C'eft un art ufé peut-être maintenant, mais qui ne l'étoit pas alors, de
paroître ne vouloir tenir que de fes Sujets une Couronne que l'on ne céderoit
pas même à leurs armes. Romulus le connoiffoit ^ en fit ufage; après avoir
donné fes premiers foins à la confiru&ion des murs & des maifons de la Ville
naiffante , il aflémbla le peuple ; il vouloit, lui dit-il, prendre fon avis fur la nature
du Gouvernement que l'on établiroit. « Un feul commandera-t-il ? Aimez-
» vous mieux que des Magiftrats gouvernent? Ou préférez-vous un Gouver-
„ nenient purement populaire ? J'ai régné fur vous, vous m'avez comblé de
„ l'honneur le plus fenfible en me regardant comme Chef de la Colonie, la
» Ville a mon nom, je fuis maintenant prêt d'obéir, fi vous l'ordonnez „.
On délibère à peine, & loin de lui ôter le diadème, on l'affermit fur fa tête:
Vous fere^ notre Roi, lui répond-on; qui mieux que vous mérite la Royauté?
« Mais il faut que les Dieux confirment votre choix, reprit Romulus „: & le
dévoile les foins miraculeux des Dieux pour fes petits-fils Remus & Romu-
lus dont il revèle l'éducation myftérieufe. Ceux-ci s'avancent auffi-tôt près
de lui, le couronnent & toute Albe le proclame Roi. Funefte paffion de
régner ! Quels crimes ne fais-tu pas commettre ! Fortifiée par un double
exemple, cette paffion devient funefte à Remus. Romulus & lui reconnus pour
fils de Rois, voulurent fonder une Ville. Le lieu même où la main cruelle d'un
oncle les avoit expofés , parut devoir être le fiége de leur puiffance : ils
mfultoient ainfi aux vains efforts du tyran qui les avoit voulu facrifier, & c'étoit
un hommage de reconnoiffance qu'ils rendoient aux Dieux. Mais qui des deux
frères portera la Couronne? Tous deux jumeaux, il n'y a pas de droits d'aîneffe
à réclamer. Partageront- ils l'Empire ? L'ambition ne connoît point de partage.
La Ville eft fondée, il lui faut un nom : les Dieux défigneront le Souverain
qui la nommera, & le vol des oifeaux fera leur langage. Ah! les hommes
laifferont-ils parler les Dieux? Non, ce fera l'ambition qui parlera. Remus,
du Mont Aventin voit paffer dix Vautours: placé fur le Mont Palatin, Romulus,
prefque auffi-tôt en découvre le double : aux armes , il faut interpréter le
langage des Dieux : la querelle s'échauffe : Remus eft frappé, Remus expire,
& Romulus règne. Moins cruelle & plus naturelle eft cette manière de raconter
fa mort. Il eft néanmoins des Auteurs qui veulent que Romulus même, piqué
d'une plaifanterie de Remus qui fe mocquant de la petiteffe des foffés qu'il
faifoit creufer , les fautoit par mépris, ait immolé de fa propre main fon
rival : & c'eft ainfi que Cicéron peint ce meurtre, que, Romain lui-même, il
condamne avec autant de zèle que d'équité.
C'eft un art ufé peut-être maintenant, mais qui ne l'étoit pas alors, de
paroître ne vouloir tenir que de fes Sujets une Couronne que l'on ne céderoit
pas même à leurs armes. Romulus le connoiffoit ^ en fit ufage; après avoir
donné fes premiers foins à la confiru&ion des murs & des maifons de la Ville
naiffante , il aflémbla le peuple ; il vouloit, lui dit-il, prendre fon avis fur la nature
du Gouvernement que l'on établiroit. « Un feul commandera-t-il ? Aimez-
» vous mieux que des Magiftrats gouvernent? Ou préférez-vous un Gouver-
„ nenient purement populaire ? J'ai régné fur vous, vous m'avez comblé de
„ l'honneur le plus fenfible en me regardant comme Chef de la Colonie, la
» Ville a mon nom, je fuis maintenant prêt d'obéir, fi vous l'ordonnez „.
On délibère à peine, & loin de lui ôter le diadème, on l'affermit fur fa tête:
Vous fere^ notre Roi, lui répond-on; qui mieux que vous mérite la Royauté?
« Mais il faut que les Dieux confirment votre choix, reprit Romulus „: & le