Précisément parce qu’il s’est montré aussi sincère, aussi audacieux
et aussi pur devant toutes les manifestations de la vie, quelles
qu elles fussent, les uns ont accusé l’art de Dix d’être pervers, les
autres d’être satirique. Il n’est ni l’un ni l’autre.
Pour être pervers, il faut se complaire dans le laid, le vice, la
maladie, les rechercher de préférence aux manifestations plus saines
de la vie et dénoter à leur égard une prédilection suffisamment
marquée pour que du goût qu’il a de ces anomalies, s’avère le
caractère dément de l’artiste. Encore «romantisera»-t-il bien sou-
vent ses écarts. Dix se comporte envers le mal comme envers le bien
avec la même indifférence, la même froide conscience, je dirais la
même sérénité : il ne recule devant rien de ce qu’il constate, mais
s’il ne tempère pas ce qu’il voit, il se refuse néanmoins à en tirer
parti avec délectation. Il aurait pu être romantique à l’excès, s’il
avait eu plus d’aisance et d’humour et surtout un peu plus de goût
pour la bizarrerie et la perversion ; ce goût il ne l’a pas, ou tout
au moins il ne l’entretient, ni ne le stimule : le mal est un fait
social qu’il accepte, parce qu’il se trouve placé devant, face à face,
mais qu’il ne sollicite guère. Il est même probable qu’il ne l’admet
qu’à contre-cœur, navré et dégoûté de ce qui est. De même l’Ec-
clésiaste et Dante ont dû ressentir de l’exécration devant les visions
pénibles dont ils avaient à rendre compte, Holbein et Dürer ont dû
suivre, pas à pas, attentifs, mais l’âme meurtrie, les stations, l’une
plus douloureuse que l’autre, du Calvaire, les épisodes de plus en
plus cruels de la Danse Macabre.
Dix ne se contente pas d’être le «faiseur» peu ému de singulières
images. Enfant d’un temps maudit, il est le premier à en endurer
toutes les transes et à en subir les chocs. Il montre l’erreur dont le
monde souffre et la montre crûment, mais il n’est pas assez dépravé
pour la propager. Au contraire, seul le puissant sentiment social
qui l’anime, le fidèle idéal humain qui ne l’a pas quitté, peuvent
l’inciter à la cruauté des aveux non tempérés, à la franchise d’ac-
cusations aussi terribles.
J’en ai entendu qui la peinture de Dix trouvaient froide. II est vrai
qu’elle ne possède nulle grâce, nulle sentimentalité. Elle est pure-
ment intellectuelle. Elle est intelligente comme un plan, comme un
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et aussi pur devant toutes les manifestations de la vie, quelles
qu elles fussent, les uns ont accusé l’art de Dix d’être pervers, les
autres d’être satirique. Il n’est ni l’un ni l’autre.
Pour être pervers, il faut se complaire dans le laid, le vice, la
maladie, les rechercher de préférence aux manifestations plus saines
de la vie et dénoter à leur égard une prédilection suffisamment
marquée pour que du goût qu’il a de ces anomalies, s’avère le
caractère dément de l’artiste. Encore «romantisera»-t-il bien sou-
vent ses écarts. Dix se comporte envers le mal comme envers le bien
avec la même indifférence, la même froide conscience, je dirais la
même sérénité : il ne recule devant rien de ce qu’il constate, mais
s’il ne tempère pas ce qu’il voit, il se refuse néanmoins à en tirer
parti avec délectation. Il aurait pu être romantique à l’excès, s’il
avait eu plus d’aisance et d’humour et surtout un peu plus de goût
pour la bizarrerie et la perversion ; ce goût il ne l’a pas, ou tout
au moins il ne l’entretient, ni ne le stimule : le mal est un fait
social qu’il accepte, parce qu’il se trouve placé devant, face à face,
mais qu’il ne sollicite guère. Il est même probable qu’il ne l’admet
qu’à contre-cœur, navré et dégoûté de ce qui est. De même l’Ec-
clésiaste et Dante ont dû ressentir de l’exécration devant les visions
pénibles dont ils avaient à rendre compte, Holbein et Dürer ont dû
suivre, pas à pas, attentifs, mais l’âme meurtrie, les stations, l’une
plus douloureuse que l’autre, du Calvaire, les épisodes de plus en
plus cruels de la Danse Macabre.
Dix ne se contente pas d’être le «faiseur» peu ému de singulières
images. Enfant d’un temps maudit, il est le premier à en endurer
toutes les transes et à en subir les chocs. Il montre l’erreur dont le
monde souffre et la montre crûment, mais il n’est pas assez dépravé
pour la propager. Au contraire, seul le puissant sentiment social
qui l’anime, le fidèle idéal humain qui ne l’a pas quitté, peuvent
l’inciter à la cruauté des aveux non tempérés, à la franchise d’ac-
cusations aussi terribles.
J’en ai entendu qui la peinture de Dix trouvaient froide. II est vrai
qu’elle ne possède nulle grâce, nulle sentimentalité. Elle est pure-
ment intellectuelle. Elle est intelligente comme un plan, comme un
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