LART EI L’OCEANIE
PAR TRISTAN TZARA
Une ombre de verre — une larme sur le sable — deux enfants se tiennent par la main.
L’animal que vous voyez n’est pas ce que vous croyez. La peur que vous avez n'est pas
ce que vous croyez. L’ceil que vous pleurez n’est pas ce que vous voyez. C'est toujours
au large oü l’eau palpite de cr&ations informes que le cercle se ferme et que les oiseaux-
fantömes guident les courants des destins vers d’autres secrets.
Ainsi entre la vue et la croyance, entre la vie et sa projection sur l’&cran sommaire de
l’horloge, je parle de l’horloge, celle dont les aiguilles serrent durement un globe qui n'est
pas pret ä c&der — entre le mythe et l’objet, l’incalculable puissance de l’äme et le triste
rE&sidu de terre, entre son aspect et sa conscience, entte ce qui est l’amour et plus illimite
que nous parait l’espace et ce qui coupe le rayon de lumiere du soleil a tout cela, —
l’homme court. avec des cordelettes de son invention et relie un bout ä l’autre, Etablit des
communications multiples et directes de pens&es aussi braves qu’irrEalisables entre les El€E-
ments oppos€es, l’homme court d’une difficulte a l’autre avec une singuliere häte d’incantations,
car aussi mystE&rieux que ce qu’on voit est l’&tat lointain et invisible de ce qui est cache,
l’inviolable.
Nulle part ailleurs l’orgueil de I’homme ne fut porte€ a de plus cristallines hauteurs que sur
ces taches de terre, ces archipels d&crits avec l’encre des luxuriantes multitudes: la M&lan&te
et la Polynö&ste.
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