S ORDONNANCE DES CINQ. ESPECES
Ch. IV- sont celles qui appartiennent à la solidité ; & qu'il n'y a rien
mesme qui detruise davantage la beauté d'un édifice, que lors-
que dans les parties qui le composent, on remarque des propor-
tions contraires à ce qui doit établir cette solidité t comme
quand ces parties paroiïlent n'estre pas capables de soustenir ce
qu'elles portent, & d'estre portées par ce qui les soustient. Or cela
est principalement remarquable dans les entablemens & dans les
colonnes, la grosTeur des colonnes estant ce qui les rend capa-
bles de soustenir, de mesme que la hauteur des entablemens pro-
portionnée à cette grosTeur, est: ce qui les rend & les fait paroistre
capables d'estre soutenus. D'où il s'ensuit que la hauteur des enta-
blemens devroit estre réglée par la grosicur des colonnes ; & que
s'il estoit necessaire de mettre quelque divcrsité dans les entable-
mens des differens Ordres, ou. les colonnes d'une pareille grosTeur
sont plus longues dans les uns que dans les autres , il faudrok
donner moins de hauteur aux entablemens, lorsque les colonnes
sont plus longues ; parce que la longueur d'une colonne la
rend & la fait paroistre plus foible. Cependant le contraire de
cela se trouve pratiqué par les Architectes des ouvrages de
l'Antique , où les entablemens ont beaucoup plus de hauteur à
proportion de la grosTeur de la colonne, dans les Ordres où les
colonnes sont les plus longues , tels que sont le Corinthien Ôc
Ïq Compoiite , que dans le Dorique & dans l'Ionique où elles
sont plus courtes.
Dans les trois sortes d'Archite&ure, qui sont l'Ancienne que
Vitruve nous a enseignée , l'Antique que nous étudions dans
les ouvrages des Romains, & la Moderne, dont nous avons des
livres écrits depuis sîx vingts ans ; il se trouve que Vitruve ôc
la pluspart des modernes ont été à l'égard de la proportion
des entablemens dans un excez opposé à celuy des Architectes
de l'Antique , qui ont fait des entablemens d'une grandeur
qui paroist insupportable , tels qu'ils sont au frontispice de
Néron , & aux trois colonnes du marché de Rome , -qu'on
appelle communément Campo Vaccino ; de même que les
modernes en ont fait de trop rnesquins , tels que sont ceux
que Bullant & de Lorme ont fait sur les règles de Vitruve ,
lesquels n'ont pas la moitié de ceux de l'Antique. De manière
qu'il semble que les Romains , Auteurs de l'Antique , ayant
trouvé que les entablemens de l'Ancienne Architecture pro-
posez par Vitruve estoient trop petits, & voulant corriger ce
défaut , se sont jettez dans une autre extrémité peut-estre ausîi
vkieuse ,• & que quelques-uns des modernes s'estant apperçus de
cet
Ch. IV- sont celles qui appartiennent à la solidité ; & qu'il n'y a rien
mesme qui detruise davantage la beauté d'un édifice, que lors-
que dans les parties qui le composent, on remarque des propor-
tions contraires à ce qui doit établir cette solidité t comme
quand ces parties paroiïlent n'estre pas capables de soustenir ce
qu'elles portent, & d'estre portées par ce qui les soustient. Or cela
est principalement remarquable dans les entablemens & dans les
colonnes, la grosTeur des colonnes estant ce qui les rend capa-
bles de soustenir, de mesme que la hauteur des entablemens pro-
portionnée à cette grosTeur, est: ce qui les rend & les fait paroistre
capables d'estre soutenus. D'où il s'ensuit que la hauteur des enta-
blemens devroit estre réglée par la grosicur des colonnes ; & que
s'il estoit necessaire de mettre quelque divcrsité dans les entable-
mens des differens Ordres, ou. les colonnes d'une pareille grosTeur
sont plus longues dans les uns que dans les autres , il faudrok
donner moins de hauteur aux entablemens, lorsque les colonnes
sont plus longues ; parce que la longueur d'une colonne la
rend & la fait paroistre plus foible. Cependant le contraire de
cela se trouve pratiqué par les Architectes des ouvrages de
l'Antique , où les entablemens ont beaucoup plus de hauteur à
proportion de la grosTeur de la colonne, dans les Ordres où les
colonnes sont les plus longues , tels que sont le Corinthien Ôc
Ïq Compoiite , que dans le Dorique & dans l'Ionique où elles
sont plus courtes.
Dans les trois sortes d'Archite&ure, qui sont l'Ancienne que
Vitruve nous a enseignée , l'Antique que nous étudions dans
les ouvrages des Romains, & la Moderne, dont nous avons des
livres écrits depuis sîx vingts ans ; il se trouve que Vitruve ôc
la pluspart des modernes ont été à l'égard de la proportion
des entablemens dans un excez opposé à celuy des Architectes
de l'Antique , qui ont fait des entablemens d'une grandeur
qui paroist insupportable , tels qu'ils sont au frontispice de
Néron , & aux trois colonnes du marché de Rome , -qu'on
appelle communément Campo Vaccino ; de même que les
modernes en ont fait de trop rnesquins , tels que sont ceux
que Bullant & de Lorme ont fait sur les règles de Vitruve ,
lesquels n'ont pas la moitié de ceux de l'Antique. De manière
qu'il semble que les Romains , Auteurs de l'Antique , ayant
trouvé que les entablemens de l'Ancienne Architecture pro-
posez par Vitruve estoient trop petits, & voulant corriger ce
défaut , se sont jettez dans une autre extrémité peut-estre ausîi
vkieuse ,• & que quelques-uns des modernes s'estant apperçus de
cet