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CHAPITRE X. 8j

qu'il avait reçu au baptême. Sa réputation de franc
buveur était établie dix lieues à la ronde, et on ne lui
connaissait d'antagoniste digne de lutter avec lui le
verre à la main, que le prieur de l'abbaye voisine de
Patères. Aussi ne parlait-il de ce confrère qu'avec es-
time; et il citait comme son plus mémorable triomphe,
l'honneur d'avoir vaincu Mouctar pacha, qui, sur l'ar-
ticle du vin, n'est rien moins qu'observateur des pré-
ceptes du Koran. La figure enluminée du bon prieur,
son enjouement, sa tournure d'esprit, me rappelaient
ce que disent nos chroniqueurs de ces chefs de nos
abbayes, aux temps de joyeuse mémoire, où la France,
demi-barbare, se vantait de ses preux, de ses abbés
mitres et de ses trouvères. L'igoumenos Gregorios
était tout cela; il chantait, il buvait, il improvi-
sait, et, dans sa jeunesse, plus d'un Turc avait
éprouvé la force de son bras; mais, comme tous
les buveurs, il était honnête homme. Il nous raconta,
presque en pleurant, la perte d'un groupe d'arbres
sous lesquels il faisait sa méridienne accoutumée. Il
avait dû se résigner à les laisser couper pour en faire
la charpente du sérail du visir! Ces pauvres arbres
avaient près de deux siècles d'âge ; on dansait sous
leurs ombrages dans les jours de fête ; il avait vu son
vieux père assis à leurs pieds; ils lui retraçaient des
souvenirs si naïfs, des moments si heureux, que je
sentis battre mon cœur à ce récit! Et quel homme né
à la campagne, n'a pas connu ce charme attaché aux
compagnons de son enfance? Qui n'aime pas à se rap-
peler les vieux maronniers du cimetière et le clocher
de son village? Qu'on me pardonne cette digression,
 
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