BIBLIOGRAPHIE
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lecture de Volney : « Croyez-vous "vraiment que Jésus ait existé? » Un autre
reproche, plus général et plus grave, que j’adresserais à M. G., c’est d’avoir
passé sous silence des difficultés soulevées par des gens qui prétendent tra-
vailler sérieusement, pour se donner le plaisir facile d’exposer et de réfuter
des extravagances. Pas un mot des « oracles accomplis » de l’Ancien
Testament ni du psaume XXII; pas un mot du passage capital de S. Ignace
sur ceux qui lui objectaient le silence des archives (lesquelles?) ; pas un mot
de Simon de Cyrène et de son rôle singulier dans la Passion. L’exposé des
objections tirées des Saturnales de Durostolum et des Sacaea est beaucoup
trop bref, et M. G n’en dit plus rien dans la partie critique. Il faudrait pour-
tant savoir si, oui ou non, il admet que ces schémas, parallèles à celui de la
Passion, confirment le récit évangélique, comme l’a insinué le R. P. Lagrange.
Car si l’on répond oui, M. G. a tort de parler (p. 153 et ailleurs) de la légende
synoptique : ce serait bel et bien de l’histoire, appuyée par ce fait significatif
que ceux qui ont raconté une série d’incidents (dérision, sceptre, couronne, etc.)
ne savaient pas qu’ils répondissent à une succession avérée par ailleurs.
Si l’on répond non, les conséquences en seraient non moins graves. En un
mot, M. G. a pris un bâton dans la forêt pour écarter les branches folles, mais
il a passé avec quelque insouciance à cô.e des arbres.
S. R.
Maurice Goguel. Le Livre des Actes, Paris, Leroux, 1922; in-8, 376 p. —
Ceux-mêmes — et je suis du nombre — qui ont lu d’un bout à l’autre le grand
ouvrage de M. Loisy sur les Actes l, trouveront profit à lire ensuite celui-ci,
beaucoup plus court, mais bien informé et indépendant. L’auteur connaît natu-
rellement, et cite à chaque pas, l’œuvre récente de M. Loisy, considérée par lui
comme la production capitale de l’exégèse au xx® siècle ; mais, loin d’y subor-
donner sa manière de voir, il en fait souvent la critique et s’attaque même par-
fois à l’idée générale qui en domine tous les développements. Assurément, un
rédacteur a interpolé, saboté, grossièrement altéré le récit de Luc, dont il n’a
laissé subsister que des fragments ; mais le livre perdu méritait-il tant de
confiance? Le rédacteur mérite-t-il tant de sévérité? Et ce rédacteur même, à la
fois très sot et très astucieux, faut-il supposer qu’il obéisse partout à ce que
M. Loisy considère comme sa thèse par excellence : l’identité fondamentale du
christianisme et du judaïsme, l’égalité de traitement auquel ils ont droit de la
part des autorités romaines? Il y a des cas, mis en lumière par M. Goguel, où
le rédacteur abrège ce que nous voudrions le plus connaître, où il se contre-
dit, où il tombe dans l’incohérence et cherche à se rattraper par des procédés
qu’on traite avec trop d’égards de « rédactionnels ». Au fond, M. Goguel
reste très sceptique, sinon sur le fait même de l’altération de la source ; et
quant aux événements relatés dans ce petit livre si célèbre, il y voit èn bonne
1. Cela m’a permis d’y noter (p. 78) cette phrase curieuse : « Il se pourrait
que le cadavre de Jésus y ait été porté (à Akeldama), si le crucifiement appar-
tient à l'histoire. » C’est moi qui souligne.
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lecture de Volney : « Croyez-vous "vraiment que Jésus ait existé? » Un autre
reproche, plus général et plus grave, que j’adresserais à M. G., c’est d’avoir
passé sous silence des difficultés soulevées par des gens qui prétendent tra-
vailler sérieusement, pour se donner le plaisir facile d’exposer et de réfuter
des extravagances. Pas un mot des « oracles accomplis » de l’Ancien
Testament ni du psaume XXII; pas un mot du passage capital de S. Ignace
sur ceux qui lui objectaient le silence des archives (lesquelles?) ; pas un mot
de Simon de Cyrène et de son rôle singulier dans la Passion. L’exposé des
objections tirées des Saturnales de Durostolum et des Sacaea est beaucoup
trop bref, et M. G n’en dit plus rien dans la partie critique. Il faudrait pour-
tant savoir si, oui ou non, il admet que ces schémas, parallèles à celui de la
Passion, confirment le récit évangélique, comme l’a insinué le R. P. Lagrange.
Car si l’on répond oui, M. G. a tort de parler (p. 153 et ailleurs) de la légende
synoptique : ce serait bel et bien de l’histoire, appuyée par ce fait significatif
que ceux qui ont raconté une série d’incidents (dérision, sceptre, couronne, etc.)
ne savaient pas qu’ils répondissent à une succession avérée par ailleurs.
Si l’on répond non, les conséquences en seraient non moins graves. En un
mot, M. G. a pris un bâton dans la forêt pour écarter les branches folles, mais
il a passé avec quelque insouciance à cô.e des arbres.
S. R.
Maurice Goguel. Le Livre des Actes, Paris, Leroux, 1922; in-8, 376 p. —
Ceux-mêmes — et je suis du nombre — qui ont lu d’un bout à l’autre le grand
ouvrage de M. Loisy sur les Actes l, trouveront profit à lire ensuite celui-ci,
beaucoup plus court, mais bien informé et indépendant. L’auteur connaît natu-
rellement, et cite à chaque pas, l’œuvre récente de M. Loisy, considérée par lui
comme la production capitale de l’exégèse au xx® siècle ; mais, loin d’y subor-
donner sa manière de voir, il en fait souvent la critique et s’attaque même par-
fois à l’idée générale qui en domine tous les développements. Assurément, un
rédacteur a interpolé, saboté, grossièrement altéré le récit de Luc, dont il n’a
laissé subsister que des fragments ; mais le livre perdu méritait-il tant de
confiance? Le rédacteur mérite-t-il tant de sévérité? Et ce rédacteur même, à la
fois très sot et très astucieux, faut-il supposer qu’il obéisse partout à ce que
M. Loisy considère comme sa thèse par excellence : l’identité fondamentale du
christianisme et du judaïsme, l’égalité de traitement auquel ils ont droit de la
part des autorités romaines? Il y a des cas, mis en lumière par M. Goguel, où
le rédacteur abrège ce que nous voudrions le plus connaître, où il se contre-
dit, où il tombe dans l’incohérence et cherche à se rattraper par des procédés
qu’on traite avec trop d’égards de « rédactionnels ». Au fond, M. Goguel
reste très sceptique, sinon sur le fait même de l’altération de la source ; et
quant aux événements relatés dans ce petit livre si célèbre, il y voit èn bonne
1. Cela m’a permis d’y noter (p. 78) cette phrase curieuse : « Il se pourrait
que le cadavre de Jésus y ait été porté (à Akeldama), si le crucifiement appar-
tient à l'histoire. » C’est moi qui souligne.