IO
MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
ne connaissait point le travail de M. Conze et ne pensa point à identifier la nou-
velle statue avec le Diadumène de Polyclète. Enfin, en 1878, M. Michaelis a traité
la question avec tout le développement qu'elle comporte et a démontré d'une
manière péremptoire ce que je viens d'exposer1.
II
Aux yeux de nous autres modernes, l'époque brillante de l'histoire de la
sculpture grecque, le v° siècle, semble illuminée tout entière de l'éclat du nom de
Phidias, et, dans le rayonnement de la gloire du maître athénien, la figure de
Polyclète disparaît comme éclipsée. Mais il n'en était pas ainsi aux yeux des
anciens eux-mêmes, et l'artiste argien ne semblait pas à la plupart inférieur à son
rival. Si Ton reconnaissait en général à Phidias la primauté dans la sculpture en
marbre, ainsi que dans l'exécution des grandes images, divines en ivoire et en or,
les meilleurs juges attribuaient la palme à Polyclète pour les statues en bronze.
Xénophon et Aristote2 le classent au premier rang, et Pline répète, sans doute
d'après quelque auteur grec, qu'il avait poussé à ses dernières limites l'art de
la statuaire en métal3. Phidias, d'ailleurs, génie audacieux et original, s éloignait
des routes frayées. Polyclète restait plus fidèle à la tradition, s'inspirait plus exac-
tement des instincts profonds de l'esprit grec. Aussi, non seulement ses œuvres
restaient, plus encore que celles de son contemporain, des modèles sans cesse con-
sultés, mais les mots même qu'il avait prononcés étaient recueillis avec soin et cités
comme des aphorismes. Deux de ceux qui nous ont été transmis méritent toute
notre attention, parce que le génie propre du maître s'y révèle tout entier : « Le
bien, avait-il dit, tient à des nuances infiniment petites, et résulte de l'accord de
beaucoup de nombres4. » C'était là le principe même de la composition du Canon.
Et voulant faire comprendre que le plus difficile, par suite le plus méritoire, n'était
pas de concevoir une pensée, mais de lui donner sa forme, que l'œuvre de l'artiste
ne prenait sa valeur que par la perfection du rendu, et grâce à ces améliorations
successives que produit sur le modelé un peu de terre ajoutée ou enlevée, un
1. Michaelis : The statue Policletee (Annali cteH' inst. arch. 1878, pl. 1 à 30. Cf. les planches correspondantes des
Annali et des Monumenti).
2. Aristote, Eth. Nicom. \ I, 7 : Tw Si coçîav e"v te t*î{ te'/.'/ou; reîj ày-oiZiaiâ-a; tx; te'xv»; i77o5$cu.Ev, dov 4>etJtav Xt8ouf.7:-v
oetfov xxi HoÀùi'.AciTCv àv5fi*vVonortVi.. — Xénophon, Méinor. I, 4, 3 : ... Êitî (j.è« tcÎvuv iirûv tcoiï!<j=i ôjjaijCY Fjto-J» p.â/.iara Tf6aô(*«x«...
iiA Si àvSfiavTciroua IHXûxXeiTov. — V. Quintilien, Sut. oral., p. 7, io, H : Diligentia ac décor in Polycleto supra esteros : cui
quanquam a plerisque tribuitur palma...
3. Pline, Hist. nat. XXXIV, 56 : hic consummasse hanc scientiam (aeris fundendi) judicatur.
4. Philon de Byzance, introd. BtXosctiiea» : hc-t tr.v û.;b IkXtaàtfoa nS é^ptavreitoioû pT,6»ï««m çwvr.v ttdhu mmb uf.^,m
i.htot» ■ to i«p eu xapà [Aixj&v Stà t.ùjm-i «pilu.tTiv fçn -)tvto6xi.
MONUMENTS DE L'ART ANTIQUE.
ne connaissait point le travail de M. Conze et ne pensa point à identifier la nou-
velle statue avec le Diadumène de Polyclète. Enfin, en 1878, M. Michaelis a traité
la question avec tout le développement qu'elle comporte et a démontré d'une
manière péremptoire ce que je viens d'exposer1.
II
Aux yeux de nous autres modernes, l'époque brillante de l'histoire de la
sculpture grecque, le v° siècle, semble illuminée tout entière de l'éclat du nom de
Phidias, et, dans le rayonnement de la gloire du maître athénien, la figure de
Polyclète disparaît comme éclipsée. Mais il n'en était pas ainsi aux yeux des
anciens eux-mêmes, et l'artiste argien ne semblait pas à la plupart inférieur à son
rival. Si Ton reconnaissait en général à Phidias la primauté dans la sculpture en
marbre, ainsi que dans l'exécution des grandes images, divines en ivoire et en or,
les meilleurs juges attribuaient la palme à Polyclète pour les statues en bronze.
Xénophon et Aristote2 le classent au premier rang, et Pline répète, sans doute
d'après quelque auteur grec, qu'il avait poussé à ses dernières limites l'art de
la statuaire en métal3. Phidias, d'ailleurs, génie audacieux et original, s éloignait
des routes frayées. Polyclète restait plus fidèle à la tradition, s'inspirait plus exac-
tement des instincts profonds de l'esprit grec. Aussi, non seulement ses œuvres
restaient, plus encore que celles de son contemporain, des modèles sans cesse con-
sultés, mais les mots même qu'il avait prononcés étaient recueillis avec soin et cités
comme des aphorismes. Deux de ceux qui nous ont été transmis méritent toute
notre attention, parce que le génie propre du maître s'y révèle tout entier : « Le
bien, avait-il dit, tient à des nuances infiniment petites, et résulte de l'accord de
beaucoup de nombres4. » C'était là le principe même de la composition du Canon.
Et voulant faire comprendre que le plus difficile, par suite le plus méritoire, n'était
pas de concevoir une pensée, mais de lui donner sa forme, que l'œuvre de l'artiste
ne prenait sa valeur que par la perfection du rendu, et grâce à ces améliorations
successives que produit sur le modelé un peu de terre ajoutée ou enlevée, un
1. Michaelis : The statue Policletee (Annali cteH' inst. arch. 1878, pl. 1 à 30. Cf. les planches correspondantes des
Annali et des Monumenti).
2. Aristote, Eth. Nicom. \ I, 7 : Tw Si coçîav e"v te t*î{ te'/.'/ou; reîj ày-oiZiaiâ-a; tx; te'xv»; i77o5$cu.Ev, dov 4>etJtav Xt8ouf.7:-v
oetfov xxi HoÀùi'.AciTCv àv5fi*vVonortVi.. — Xénophon, Méinor. I, 4, 3 : ... Êitî (j.è« tcÎvuv iirûv tcoiï!<j=i ôjjaijCY Fjto-J» p.â/.iara Tf6aô(*«x«...
iiA Si àvSfiavTciroua IHXûxXeiTov. — V. Quintilien, Sut. oral., p. 7, io, H : Diligentia ac décor in Polycleto supra esteros : cui
quanquam a plerisque tribuitur palma...
3. Pline, Hist. nat. XXXIV, 56 : hic consummasse hanc scientiam (aeris fundendi) judicatur.
4. Philon de Byzance, introd. BtXosctiiea» : hc-t tr.v û.;b IkXtaàtfoa nS é^ptavreitoioû pT,6»ï««m çwvr.v ttdhu mmb uf.^,m
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