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Villot, ...: Études algériennes
DOI Page / Citation link: https://doi.org/10.11588/diglit.14824#0458
438 —
Que du nom de pacage aisément l'on décore,
(Même d'un nom plus magnifique encore,
Tant un maître, chez lui, semble voir tout en beau),
Convoitaient du regard une riche vallée...
Ils forment le dessein "de l'envahir d'emblée.
Ils arrivent bientôt dans ce nouvel Ëden,
Où l'on broute à son aise, où règne l'abondance,
Herbe verte, chardons, large et saine pitance,
De l'ombrage et de l'eau, l'alfa, le tamarin :
Une terre promise,
Pour y vivre à sa guise !
Notre âne engraisse donc!... et, fou de son bonheur,
De quoi s'avise-t-il?... Chanson me vient d'honneur!
Je veux chanter ! « — Tais-toi, dit le chameau : puissante
Est ta voix ; lu nous perds ! — Tu crois que je plaisante,
Tiens! écoute! » Aussitôt un horrible braiment
Retentit.....Ce plaisir se paya chèrement.
Les fauves habitants des montagnes accourent
A ce cri discordant ; la vallée ils entourent,
Tout prêts à faire au chantre un fort mauvais parti.
Eux s'esquivent, prudents, cherchant un autre abri.
On se met en chemin. Mais l'âne a trop de graisse.
Il ne peut plus marcher. 11 flatte le chameau :
« Sur ton dos, fais-moi place ! — Oui. » Le chameau s'empresse
De se baisser un peu pour prendre son fardeau.
Et tous deux ils allaient, tristes, l'un portant l'antre.
Le chameau cheminant faisait le bon apôtre.
Ils côtoyaient un mont.
L'âne n'était plus fanfaron.
Ce mont était à pic ; ils contournaient la crête.
Précipices partout. Le chameau haut la tète,
« Danse me vient, dit-il. Comme je danserais!
L'âne se cramponnant : « Grand Dieu ! tu le ferais !
y Mais tu veux donc me lancer dans l'espace !
» — Dali ! je n'y puis tenir; comment rester en place,
» Il me faut bien danser. » 11 en fit le serment,
Et le pauvre âne alla rouler dans le torrent !
De l'apologue arabe, -oui retient la leçon.
La liberté ! sans doute, elle a du bon ;
Mais elle peut aussi nous conduire à l'abîme.
De son imprévoyance, elle est toujours victime.
Marcel de Saint-Mauvieu.
Que du nom de pacage aisément l'on décore,
(Même d'un nom plus magnifique encore,
Tant un maître, chez lui, semble voir tout en beau),
Convoitaient du regard une riche vallée...
Ils forment le dessein "de l'envahir d'emblée.
Ils arrivent bientôt dans ce nouvel Ëden,
Où l'on broute à son aise, où règne l'abondance,
Herbe verte, chardons, large et saine pitance,
De l'ombrage et de l'eau, l'alfa, le tamarin :
Une terre promise,
Pour y vivre à sa guise !
Notre âne engraisse donc!... et, fou de son bonheur,
De quoi s'avise-t-il?... Chanson me vient d'honneur!
Je veux chanter ! « — Tais-toi, dit le chameau : puissante
Est ta voix ; lu nous perds ! — Tu crois que je plaisante,
Tiens! écoute! » Aussitôt un horrible braiment
Retentit.....Ce plaisir se paya chèrement.
Les fauves habitants des montagnes accourent
A ce cri discordant ; la vallée ils entourent,
Tout prêts à faire au chantre un fort mauvais parti.
Eux s'esquivent, prudents, cherchant un autre abri.
On se met en chemin. Mais l'âne a trop de graisse.
Il ne peut plus marcher. 11 flatte le chameau :
« Sur ton dos, fais-moi place ! — Oui. » Le chameau s'empresse
De se baisser un peu pour prendre son fardeau.
Et tous deux ils allaient, tristes, l'un portant l'antre.
Le chameau cheminant faisait le bon apôtre.
Ils côtoyaient un mont.
L'âne n'était plus fanfaron.
Ce mont était à pic ; ils contournaient la crête.
Précipices partout. Le chameau haut la tète,
« Danse me vient, dit-il. Comme je danserais!
L'âne se cramponnant : « Grand Dieu ! tu le ferais !
y Mais tu veux donc me lancer dans l'espace !
» — Dali ! je n'y puis tenir; comment rester en place,
» Il me faut bien danser. » 11 en fit le serment,
Et le pauvre âne alla rouler dans le torrent !
De l'apologue arabe, -oui retient la leçon.
La liberté ! sans doute, elle a du bon ;
Mais elle peut aussi nous conduire à l'abîme.
De son imprévoyance, elle est toujours victime.
Marcel de Saint-Mauvieu.