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UNE VISITE AUX RUINES DE NINIVE
ajoutée au plan de Layard, en fait un parfait quadrilatère. Le mur extérieur est
éloigné de soixante pieds de celui qui est indiqué par Layard. Cette nouvelle décou-
verte prouve une entrée monumentale du palais face à la rivière, flanquée de grands
taureaux ailés, portant des inscriptions relatant l'endroit où les pierres dont elle se
compose ont été tirées et la façon dont elles ont été apportées en ce lieu. On voit
môme, dans les socles qui supportent ces taureaux, de fortes échancrures qui sont des
dégagements pour les cordages qui liaient ces immenses statues, pendant la mise en
place. Ces inscriptions apprennent ainsi que les matériaux ont été extraits des environs
de Djéziréh, et ont été descendus par la rivière au moyen de keleks (radeaux), tels
que ceux qui sont employés encore aujourd'hui. Dans les salles du palais avoisinant
cette entrée, se trouvent de fines sculptures dont j'ai pu prendre quelques photogra-
phies.
Il y a aussi, paraît-il, de grands bas-reliefs, dont l'un, très beau, représente le roi
Sennachérib lui-même, monté sur son char abrité d'une large ombrelle, traîné par des
chevaux richement harnachés. Il est entouré des hauts officiers du royaume et suivi
d'une longue suite de rois éraniens enchaînés; mais, lors de la mise au jour, un grand
nombre de Mossouliotes sont venus visiter les travaux, et ces gens barbares, poussés
par un fanatisme odieux, ont brisé une partie de ces précieuses sculptures à coups de
pierres, sous les yeux mêmes de M. King, qui, manquant de moyens pour protéger ses
découvertes contre le vandalisme de la population, et aussi contre les injures du temps,
s'est vu obligé de les enfouir de nouveau après estampage. Ces sculptures sont, en effet,
excessivement friables, car elles ont été désagrégées parles flammes au moment de la
destruction du palais, sous le règne du dernier roi d'Assyrie, Saracos (Sin-shar-
ichkoun, 606 ans avant J.-C). Ce n'est donc pas Sardanapale qui mit le feu à son
palais lorsque la place et la ville furent prises, mais bien Saracos, son fils et deuxième
successeur1. La chaleur du feu fut tellement considérable, que M. King a trouvé dans
les chambres du palais des armes de bronze fondues; quelques briques du sol étaient
ainsi recouvertes de deux ou trois centimètres de métal fondu, provenant certainement
d'armes ou d'objets de bronze. Autre indice intéressant : il a été trouvé aussi des
pièces de bois de cèdre brûlées provenant des toitures. Ce palais est le dernier vestige
de l'art assyrien. Les Mèdes ont tout brisé et pillé.
Mais il se produisit là ce qui se produit dans le monde entier. Après quelques
années, les habitants revinrent construire sur les cendres de ce palais, et on trouve de
nouveaux sols à un mètre à peine au-dessus de ces sols primitifs, représentant des con-
structions de civilisations successives, et cela jusqu'aux Sassanides, qui employaient
les vieilles pierres sculptées pour leurs propres constructions. Quand toutes ces ruines
amassées eurent formé un tell semblable à celui que nous voyons aujourd'hui, de
pauvres indigènes sont encore venus y planter leurs huttes fragiles ou leurs tentes,
et c'est ainsi qu'à Ninive on peut constater une hauteur considérable de terre depuis
la surface extérieure jusqu'au sol primitif.
1. Voir Zeitschrift f&r Assyriologie, t. XI, p. 47.
UNE VISITE AUX RUINES DE NINIVE
ajoutée au plan de Layard, en fait un parfait quadrilatère. Le mur extérieur est
éloigné de soixante pieds de celui qui est indiqué par Layard. Cette nouvelle décou-
verte prouve une entrée monumentale du palais face à la rivière, flanquée de grands
taureaux ailés, portant des inscriptions relatant l'endroit où les pierres dont elle se
compose ont été tirées et la façon dont elles ont été apportées en ce lieu. On voit
môme, dans les socles qui supportent ces taureaux, de fortes échancrures qui sont des
dégagements pour les cordages qui liaient ces immenses statues, pendant la mise en
place. Ces inscriptions apprennent ainsi que les matériaux ont été extraits des environs
de Djéziréh, et ont été descendus par la rivière au moyen de keleks (radeaux), tels
que ceux qui sont employés encore aujourd'hui. Dans les salles du palais avoisinant
cette entrée, se trouvent de fines sculptures dont j'ai pu prendre quelques photogra-
phies.
Il y a aussi, paraît-il, de grands bas-reliefs, dont l'un, très beau, représente le roi
Sennachérib lui-même, monté sur son char abrité d'une large ombrelle, traîné par des
chevaux richement harnachés. Il est entouré des hauts officiers du royaume et suivi
d'une longue suite de rois éraniens enchaînés; mais, lors de la mise au jour, un grand
nombre de Mossouliotes sont venus visiter les travaux, et ces gens barbares, poussés
par un fanatisme odieux, ont brisé une partie de ces précieuses sculptures à coups de
pierres, sous les yeux mêmes de M. King, qui, manquant de moyens pour protéger ses
découvertes contre le vandalisme de la population, et aussi contre les injures du temps,
s'est vu obligé de les enfouir de nouveau après estampage. Ces sculptures sont, en effet,
excessivement friables, car elles ont été désagrégées parles flammes au moment de la
destruction du palais, sous le règne du dernier roi d'Assyrie, Saracos (Sin-shar-
ichkoun, 606 ans avant J.-C). Ce n'est donc pas Sardanapale qui mit le feu à son
palais lorsque la place et la ville furent prises, mais bien Saracos, son fils et deuxième
successeur1. La chaleur du feu fut tellement considérable, que M. King a trouvé dans
les chambres du palais des armes de bronze fondues; quelques briques du sol étaient
ainsi recouvertes de deux ou trois centimètres de métal fondu, provenant certainement
d'armes ou d'objets de bronze. Autre indice intéressant : il a été trouvé aussi des
pièces de bois de cèdre brûlées provenant des toitures. Ce palais est le dernier vestige
de l'art assyrien. Les Mèdes ont tout brisé et pillé.
Mais il se produisit là ce qui se produit dans le monde entier. Après quelques
années, les habitants revinrent construire sur les cendres de ce palais, et on trouve de
nouveaux sols à un mètre à peine au-dessus de ces sols primitifs, représentant des con-
structions de civilisations successives, et cela jusqu'aux Sassanides, qui employaient
les vieilles pierres sculptées pour leurs propres constructions. Quand toutes ces ruines
amassées eurent formé un tell semblable à celui que nous voyons aujourd'hui, de
pauvres indigènes sont encore venus y planter leurs huttes fragiles ou leurs tentes,
et c'est ainsi qu'à Ninive on peut constater une hauteur considérable de terre depuis
la surface extérieure jusqu'au sol primitif.
1. Voir Zeitschrift f&r Assyriologie, t. XI, p. 47.