ORESTEIDE.
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sur le genou droit, s'efforçant de parer de son bouclier le dernier coup que s'apprête à lui
porter Clytemnestre. Mais sur ce monument même, où la représentation est d'ailleurs ré-
duite à deux personnages, il s'en faut bien que le sujet soit exprimé sous des traits assez
caractéristiques, et dans ses principales circonstances. Le casque que porte Agamemnon, et
le boucher dont il se couvre, ne semblent pas des accessoires en rapport avec le moment de
la scène, du moins à en juger d'après les seules traditions qui nous en restent. Le visage
imberbe ne convenait pas davantage à Agamemnon, sur-tout depuis que Polygnote l'avait
représenté barbu, dans une assemblée de héros grecs, tous imberbes1: ce qui avait dû consti-
tuer une de ces traditions de l'art dont on s'écartait bien rarement chez les Grecs, du
moment qu'elles se trouvaient consacrées par l'autorité d'un grand maître. Ces observations
naffectent, du reste, en aucune façon, le sens général de la composition dont il s'agit;
elle représente certainement la mort dAgamemnon, mais d'une manière qui semble peu en
rapport avec la tradition la plus communément suivie, et sous la forme la plus restreinte,
et conséquemment aussi la moins intéressante.
Or, c'est cette tradition que nous trouvons consacrée sur des monumens, dont un, inédit
et provenant de l'art grec, d'autres, déjà connus en partie, mais non expliqués convenable-
ment, et appartenant à l'art étrusque, méritent à plus d'un titre de fixer l'attention, et par
cette représentation même si rare d'un trait si remarquable, et par la comparaison qui en
résulte entre les productions de deux écoles de l'art antique qui avaient manifestement
puisé ce sujet à la même source.
Le premier de ces monumens est un vase peint, dont la représentation se compose de six
figures2. Agamemnon, en qualité de protagoniste de cette scène tragique, occupe le centre
de la composition. Le roi de Mycènes, barbu, suivant le modèle tracé par Polygnote, vêtu
d'une tunique brodée, à manches longues et serrées, par-dessus laquelle est passée une se-
conde tunique plissée à plis fins et réguliers5, et un pallium, à bords pareillement brodés,
costume d'une richesse toute orientale, et qui convient bien au vainqueur de l'Asie4, est
déjà à demi terrassé par un personnage entièrement nu, qui s'apprête à lui plonger le
(1) Pausanias, x, 3o, 1 : Outw ttAiW tdu ÂrAMEMNONOS où»
i^utn ytVHci.
(2) Voy. planche XXVIII. Le dessin de ce vase, qui existe à
Naples chez Don Angelo Trani, est pris du recueil de dessins
inédits de vases grecs formé par feu Millin, et appartenant à la
bibliothèque du Roi. Je n'ai pas vu le monument original, et je
ne puis dire jusqu'à quel point les restaurations qu'il a sans
doute éprouvées ont pu s'exercer sur des détails plus-ou moins
essentiels de la composition. M. Panofka a cru voir sur ce vase
la mort de Basiris, probablement d'après un certain rapport de
styh entre la représentation qui y est figurée et celle du vase
publié par M. Millingen, Vases grecs, pi. xxvm. Mais ce rapport
tient peut-être uniquement à ce que l'une et l'autre composi-
tion sont empruntées d'une scène de tragédie, et peut-être aussi
à ce qu'elles proviennent toutes deux d'une même fabrique. Du
reste, si M. Panofka publie ce vase, avec les observations qu'il
lui aura suggérées, la science ne pourra que gagner à connaître
une autre opinion que la mienne, et à prononcer, sur ce point
d'antiquité, d'après deux avis contradictoires.
(3) La manière dont cette tunique est plissée rappelle le soin
avec lequel la nourrice de Télémaque disposait cette partie du
vêtement du jeune prince, Odyss. 1, kko : H fùv iïv j#éf«« kA
awmm gffa. Ces sortes de tuniques soigneusement plissées,
I.
(floA/J^o/, n'étaient donc pas propres aux femmes ou aux person-
nages efféminés, comme on l'a dit à propos de certaines ligures
de Vénus, d'après un vers de l'Anthologie, iv, 12, 24; elles
tenaient, dans la Grèce antique, à des habitudes générales, pro-
bablement d'origine asiatique, et au même principe que nous
trouvons consacré sur les simulacres du plus ancien style,
dont il nous reste tant d'imitations ou de réminiscences de toute
espèce et de tout âge.
(à) Généralement, le vêtement asiatique, tel qu'on le voit sur
les monumens grecs, aux figures d'Amazones, &Atys, de Paris,
et plus tard, de Mitlira, de Lnnas, et de Rois barbares, sur des mo-
numens romains, se distingue par ces manches serrées de la tu-
nique, de même que par les pantalons longs et étroits. Du reste,
il n'est pas étonnant que le dessinateur de notre vase ait donné
à Agamemnon un costume qui rappelait la pompe orientale du
monarque qu'il avait vaincu. Le luxe étranger de ce vêtement
royal, (ha.mh{ïa. çcutyâ,, comme dit Nonnus, Dionys. xx, 20, semble
même un trait tout-à-fait caractéristique, dans le moment choisi
par l'artiste; c'était d'ailleurs une tradition du théâtre, où il
semble qu'il ait été d'usage de faire paraître les rois, tels
qu'Agamemnon, izuç <T' ù> eùiwç é\o\cti<n nrçitymJMfûvcuç, niXtcuç
^ và&t.iç, Antiphan. apad Pollue, vu, i3, 59. Ainsi, l'Aga-
memnon d'iEschyle, malgré la modestie qu'il affecte dans son
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sur le genou droit, s'efforçant de parer de son bouclier le dernier coup que s'apprête à lui
porter Clytemnestre. Mais sur ce monument même, où la représentation est d'ailleurs ré-
duite à deux personnages, il s'en faut bien que le sujet soit exprimé sous des traits assez
caractéristiques, et dans ses principales circonstances. Le casque que porte Agamemnon, et
le boucher dont il se couvre, ne semblent pas des accessoires en rapport avec le moment de
la scène, du moins à en juger d'après les seules traditions qui nous en restent. Le visage
imberbe ne convenait pas davantage à Agamemnon, sur-tout depuis que Polygnote l'avait
représenté barbu, dans une assemblée de héros grecs, tous imberbes1: ce qui avait dû consti-
tuer une de ces traditions de l'art dont on s'écartait bien rarement chez les Grecs, du
moment qu'elles se trouvaient consacrées par l'autorité d'un grand maître. Ces observations
naffectent, du reste, en aucune façon, le sens général de la composition dont il s'agit;
elle représente certainement la mort dAgamemnon, mais d'une manière qui semble peu en
rapport avec la tradition la plus communément suivie, et sous la forme la plus restreinte,
et conséquemment aussi la moins intéressante.
Or, c'est cette tradition que nous trouvons consacrée sur des monumens, dont un, inédit
et provenant de l'art grec, d'autres, déjà connus en partie, mais non expliqués convenable-
ment, et appartenant à l'art étrusque, méritent à plus d'un titre de fixer l'attention, et par
cette représentation même si rare d'un trait si remarquable, et par la comparaison qui en
résulte entre les productions de deux écoles de l'art antique qui avaient manifestement
puisé ce sujet à la même source.
Le premier de ces monumens est un vase peint, dont la représentation se compose de six
figures2. Agamemnon, en qualité de protagoniste de cette scène tragique, occupe le centre
de la composition. Le roi de Mycènes, barbu, suivant le modèle tracé par Polygnote, vêtu
d'une tunique brodée, à manches longues et serrées, par-dessus laquelle est passée une se-
conde tunique plissée à plis fins et réguliers5, et un pallium, à bords pareillement brodés,
costume d'une richesse toute orientale, et qui convient bien au vainqueur de l'Asie4, est
déjà à demi terrassé par un personnage entièrement nu, qui s'apprête à lui plonger le
(1) Pausanias, x, 3o, 1 : Outw ttAiW tdu ÂrAMEMNONOS où»
i^utn ytVHci.
(2) Voy. planche XXVIII. Le dessin de ce vase, qui existe à
Naples chez Don Angelo Trani, est pris du recueil de dessins
inédits de vases grecs formé par feu Millin, et appartenant à la
bibliothèque du Roi. Je n'ai pas vu le monument original, et je
ne puis dire jusqu'à quel point les restaurations qu'il a sans
doute éprouvées ont pu s'exercer sur des détails plus-ou moins
essentiels de la composition. M. Panofka a cru voir sur ce vase
la mort de Basiris, probablement d'après un certain rapport de
styh entre la représentation qui y est figurée et celle du vase
publié par M. Millingen, Vases grecs, pi. xxvm. Mais ce rapport
tient peut-être uniquement à ce que l'une et l'autre composi-
tion sont empruntées d'une scène de tragédie, et peut-être aussi
à ce qu'elles proviennent toutes deux d'une même fabrique. Du
reste, si M. Panofka publie ce vase, avec les observations qu'il
lui aura suggérées, la science ne pourra que gagner à connaître
une autre opinion que la mienne, et à prononcer, sur ce point
d'antiquité, d'après deux avis contradictoires.
(3) La manière dont cette tunique est plissée rappelle le soin
avec lequel la nourrice de Télémaque disposait cette partie du
vêtement du jeune prince, Odyss. 1, kko : H fùv iïv j#éf«« kA
awmm gffa. Ces sortes de tuniques soigneusement plissées,
I.
(floA/J^o/, n'étaient donc pas propres aux femmes ou aux person-
nages efféminés, comme on l'a dit à propos de certaines ligures
de Vénus, d'après un vers de l'Anthologie, iv, 12, 24; elles
tenaient, dans la Grèce antique, à des habitudes générales, pro-
bablement d'origine asiatique, et au même principe que nous
trouvons consacré sur les simulacres du plus ancien style,
dont il nous reste tant d'imitations ou de réminiscences de toute
espèce et de tout âge.
(à) Généralement, le vêtement asiatique, tel qu'on le voit sur
les monumens grecs, aux figures d'Amazones, &Atys, de Paris,
et plus tard, de Mitlira, de Lnnas, et de Rois barbares, sur des mo-
numens romains, se distingue par ces manches serrées de la tu-
nique, de même que par les pantalons longs et étroits. Du reste,
il n'est pas étonnant que le dessinateur de notre vase ait donné
à Agamemnon un costume qui rappelait la pompe orientale du
monarque qu'il avait vaincu. Le luxe étranger de ce vêtement
royal, (ha.mh{ïa. çcutyâ,, comme dit Nonnus, Dionys. xx, 20, semble
même un trait tout-à-fait caractéristique, dans le moment choisi
par l'artiste; c'était d'ailleurs une tradition du théâtre, où il
semble qu'il ait été d'usage de faire paraître les rois, tels
qu'Agamemnon, izuç <T' ù> eùiwç é\o\cti<n nrçitymJMfûvcuç, niXtcuç
^ và&t.iç, Antiphan. apad Pollue, vu, i3, 59. Ainsi, l'Aga-
memnon d'iEschyle, malgré la modestie qu'il affecte dans son
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