Rollin, Charles: Histoire Ancienne Des Egyptiens, Des Carthaginois, Des Assyriens, Des Babyloniens, Des Mèdes Et Des Perses, Des Macedoniens, des Grecs (Band 3) (Amsterdam, 1732)

32 De l'Histoire

Le Rai, tout bleffé qu'il était, préfî-
da avec les principaux Officiers de l'ar-
mée au Confeil où cette importante dif-
pute devoit être décidée. Chacun des
contendans plaida fa caufe. Cléonnis
appuioit fa' prétention fur le plus grand
nombre d'ennemis qu'il avoit tués , &
fur les plaies qu'il avoit reçues dans le
combat, témoins non douteux du cou-
rage avec lequel il avoit affronté la mort ;
au lieu que l'état dans lequel Ariftoméne
étoit forti du combat fans y avoir reçu
aucune bleiTure , laiiïbit entrevoir qu'il
avoit été fort attentif à conferver fa
perfonne, ou prouvoit tout au plus qu'il
avoit été plus heureux mais non pas
plus brave que lui. Quant à ce qu'il l'a-
voit tranfporté fur fes épaules dans le
camp , c'étoit une action qui pouvoit
montrer la force de fon corps, mais rien
de plus : & ici, difoit-il , il s'agit de
bravoure.

Le feul reproche qu'on faifoit à Ari-
floméne, étoit de ce qu'il n'avoit point été
bielle, & c'eft à quoi il s'attacha. „ On
„ m'appelle heureux , dit-il , parce que
„ je n'ai point reçu de bleflures. Si j'en
„ étois redevable à ma lâcheté , je ne
„ mériterois point ce nom ; & au lieu
„ d'être admis à difputer le prix , je de-

vrois fubir la rigueur des loix qui pu-
„ nillent les lâches. Mais ce qu'on m'ob-
,., je&e comme un crime r c'eft ce qui
„ fait ma gloire. Car , foit que les en-
» nemis étonnés de ma valeur n'aient
3, ofé me rélïfter , ce m'eft une grande

louange