CONNAISSANCE DES MATÉRIAUX. \\\
fixée à un pied et demi romain, n'aurait pas été suffisante pour des
maisons à plusieurs étages comme étaient celles de Rome. Des murs en
briques crues, d'un pied et demi, ne pouvant supporter qu'un seul
étage, il aurait fallu que l'épaisseur de ces murs eût été de deux ou de
trois rangs de briques ; c'est pourquoi on les construisait avec des chaî-
nes en pierre de taille1, et de la maçonnerie en tuileaux2 ou en moel-
lons 3. C'est en multipliant les étages, en diminuant les épaisseurs des
murs, qu'on était parvenu à augmenter la superficie de l'intérieur de
Rome, beaucoup trop petite pour son immense population 4.
Ce qui prouve que c'était réellement avec des tuileaux qu'ils con
struisaient ces murs, c'est qu'il dit qu'on ne peut juger de leurs bonnes
ou mauvaises qualités que lorsqu'ils ont séjourné pendant un certain
temps sur les toits exposés aux intempéries des saisons ; car ceux qui
sont formés d'argile qui n'est pas de bonne qualité, ou qui ne sont pas
assez cuits, ne résistent pas aux effets de la gelée5, et ne valent rien
pour des constructions qui ont un fardeau à soutenir, et on ne
peut compter, dans ces cas-là, que sur celles qui sont faites en
vieilles tuiles.
Par rapport aux briques dont il est parlé dans les anciens auteurs,
il faut remarquer que les mots latin et grec later et plint.hos étaient
plus relatifs à la forme carrée qu'on leur donnait, qu'à la matière dont
elles étaient formées; c'est pourquoi ces mots ne suffisent pas toujours
pour indiquer si les briques dont il est question dans les anciens au-
teurs étaient crues ou cuites. Les Romains, pour l'expliquer d'une ma-
nière précise, les distinguaient par les adjectifs crudus et coctus, crues
ou cuites, et les Grecs par omos et opteos qui ont la même signification.
Ainsi, lorsque Vitruve dit que les experts qu'on appelait pour estimer
1 Pilis lapideis. {Vitruve, Livre II, Chapitre VIII.)
2 Testaceis. Ibidem.
3 Coementitiis. Ibidem.
4 Ergo menianis et contignationibus variis alto spatio multiplicatis, populus romanus
egregias habet sine impeditione habitationes. Ibidem.
5 Nam quse non fuerit ex cretâ bond, aut parum erit cocta, sibi se ostendet esse
vitiosam gelicidiis et pruinâ tacta. Ibidem.
Il faut remarquer que dans ce passage il désigne la bonne terre, pour faire la tuile, par
creta bona ; ce qui prouve ce que nous avons déjà dit, page 99, que par les mots creta ou
cretosa, il désigne les terres argileuses, et non les craies, comme l'ont cru les commenta-
teurs et les traducteurs de Vitruve.
fixée à un pied et demi romain, n'aurait pas été suffisante pour des
maisons à plusieurs étages comme étaient celles de Rome. Des murs en
briques crues, d'un pied et demi, ne pouvant supporter qu'un seul
étage, il aurait fallu que l'épaisseur de ces murs eût été de deux ou de
trois rangs de briques ; c'est pourquoi on les construisait avec des chaî-
nes en pierre de taille1, et de la maçonnerie en tuileaux2 ou en moel-
lons 3. C'est en multipliant les étages, en diminuant les épaisseurs des
murs, qu'on était parvenu à augmenter la superficie de l'intérieur de
Rome, beaucoup trop petite pour son immense population 4.
Ce qui prouve que c'était réellement avec des tuileaux qu'ils con
struisaient ces murs, c'est qu'il dit qu'on ne peut juger de leurs bonnes
ou mauvaises qualités que lorsqu'ils ont séjourné pendant un certain
temps sur les toits exposés aux intempéries des saisons ; car ceux qui
sont formés d'argile qui n'est pas de bonne qualité, ou qui ne sont pas
assez cuits, ne résistent pas aux effets de la gelée5, et ne valent rien
pour des constructions qui ont un fardeau à soutenir, et on ne
peut compter, dans ces cas-là, que sur celles qui sont faites en
vieilles tuiles.
Par rapport aux briques dont il est parlé dans les anciens auteurs,
il faut remarquer que les mots latin et grec later et plint.hos étaient
plus relatifs à la forme carrée qu'on leur donnait, qu'à la matière dont
elles étaient formées; c'est pourquoi ces mots ne suffisent pas toujours
pour indiquer si les briques dont il est question dans les anciens au-
teurs étaient crues ou cuites. Les Romains, pour l'expliquer d'une ma-
nière précise, les distinguaient par les adjectifs crudus et coctus, crues
ou cuites, et les Grecs par omos et opteos qui ont la même signification.
Ainsi, lorsque Vitruve dit que les experts qu'on appelait pour estimer
1 Pilis lapideis. {Vitruve, Livre II, Chapitre VIII.)
2 Testaceis. Ibidem.
3 Coementitiis. Ibidem.
4 Ergo menianis et contignationibus variis alto spatio multiplicatis, populus romanus
egregias habet sine impeditione habitationes. Ibidem.
5 Nam quse non fuerit ex cretâ bond, aut parum erit cocta, sibi se ostendet esse
vitiosam gelicidiis et pruinâ tacta. Ibidem.
Il faut remarquer que dans ce passage il désigne la bonne terre, pour faire la tuile, par
creta bona ; ce qui prouve ce que nous avons déjà dit, page 99, que par les mots creta ou
cretosa, il désigne les terres argileuses, et non les craies, comme l'ont cru les commenta-
teurs et les traducteurs de Vitruve.